vendredi 21 septembre 2007

L'autobus de Flic en Flac. Livre de Sténio Félix


L'autobus de Flic en Flac.
Livre de Sténio Félix. 2003.

A ma femme, mes enfants et petits enfants.

Il a ouvert mon cœur à la connaissance du monde, me montrant l'arc-en-ciel des visages neufs de mes frères. Hosties Noires. Léopold Sédar Senghor.

J’avais pensé écrire ces textes en créole. Le créole est bien une langue, mais on ne sait pas encore l’écrire convenablement. Certains qui savent pourtant que le créole vient essentiellement du français répugnent de l’écrire à la Française. Pour eux le mot Créole écrit avec un C, est inacceptable il faut écrire Kreol. C’est absurde !
J’ai moi-même était élevé dans une famille qui a toujours considéré que parler le créole s’est s’abaisser et que c’est la langue des petits créoles, des mozambicains. Les enfants pourtant, se parlaient entre eux en créole et c’est la langue qu’ils se servaient le plus souvent pour les jeux. Ma tante Janine disait ‘C’est vilain ce patois créole que tu, parles.’ Pour elle, la maîtrise du français littéraire était la seule chose valable. Le créole en était un obstacle. J’ai eu beau étudier et lire la littérature française d’Hugo à Balzac, je me suis trouvé toujours bien à l’aise en parlant le patois créole et je sentais que cette langue acquise naturellement m’était bien familière et je pouvais me faire bien comprendre et surtout il ne m’était guère difficile d’exprimer n’importe quel sentiment ou sensation. Certes, j’apprenais beaucoup la langue française, mais cela ne me gênait nullement. Logiquement le créole devrait être ma langue maternelle. Mes parents n’en ont pas voulu. J’ai moi-même, je dois l’admettre, eu des réticences, issues d’un orgueil ancestral.

Avec l’âge, le grand âge devrai-je dire, je me suis mis à mieux situer ma position. Il ne m’est pas possible de renier cette langue. Ce qui me chiffonne, c’est de ne pas pouvoir l’écrire avec efficacité et être certain de me faire parfaitement comprendre. Je pense qu’il faudra attendre encore des dizaines d’années avant que l’on ne trouve des solutions par des linguistes compétents. De vrais experts, pas des arrivistes imbus de politique, qui se font passer pour des auteurs de la créolie, mais qui en somme ne dévoilent qu’une inutile et stérile francophobie.
Nous avons eu cependant des créoles mauriciens, réunionnais et d’ailleurs qui ont écrit des œuvres en créole, des œuvres ou l’alphabet français est utilisé et que l’on peut donc lire facilement. Ensuite sont arrivés les travaux du talentueux Virahsawmy. Il a voulu anoblir la littérature créole mauricienne mais semble avoir été un farouche partisan de ce que l’on pourrait dire le K Kreole. Ce que je ne saurais accepter, car je pense toujours que la naissance du créole des Mascareignes ne comporte que peu d’éléments purement africains. On ne rencontre pratiquement pas de termes venant des dialectes africains.
De nos jours il semblerait qu’il y a un retour vers la langue créole, et surtout l’écriture créole.
Un court historique des écrivains de langue créole à Maurice et à la Réunion intéressera le lecteur.
La langue créole, quoique parlée par les mauriciens de toutes les ethnies, a été longtemps confinée, à Maurice, dans un rôle dévalorisé. C’est la langue du petit peuple. À la fin du XIXe siècle, un professeur du Collège Royal de Curepipe, Charles Baissac, avait eu l'idée de réunir les témoignages de la tradition orale créole. Il présentait son information comme étant puisée auprès d'un vieux couple noir, Pâ Lindor et Mâ Télésille. Il publia des Récits créoles (1884), puis un Folklore de l'île Maurice, qui présentait 28 contes créoles et une collection de chansons (ségas) et de sirandanes. (devinettes) Jean-Marie Le Clézio, publie en 1990 un recueil de sirandanes. François Chrestien, fit publier à Port-Louis en 1822 une transposition de fables de La Fontaine et poèmes originaux en créole. Chrestien a aussi écrit en créole pour le théâtre : Georges et Lindor (1838) et Scènes populaires en patois créole. (1839)

Pierre Lolliot écrit ses Poésies créoles, (1855) et Xavier Le Juge de Segrais ses Zolies Zistoires Missié Lafontaine. (1939)

En 1925, sous le pseudonyme de Philogène Soulsobontemps, paraît un petit ouvrage, Zistoire trésor bonne femme Magon, qui marque une évolution décisive pour l'écriture créole. René Noyau, pseudonyme de Jean Erenne a écrit Tention Caïma, en 1971 et et a proposé une méthode d’écriture du créole.
Dev Virahsawmy pour qui la créolie est un enjeu politique, crée l'œuvre poétique en créole. Il écrit à l’africaine, des poèmes Disik salé (1976) ou Mo Rapel (1980). .Mais c'est surtout vers le théâtre que Dev Virahsawmy s'est tourné, pour distraire le peuple. Bef dâ Disab expose le problème de l'alcoolisme chez des travailleurs. Zosef ek so paletot l'arc-en-ciel et Zénéral Makbèf . Bukié Banané.
Le roman de Renée Asgarally, Quand montagne prend difé... (1977) est sans doute, le premier roman en créole mauricien. Azize Asgarally a aussi écrit Ratsitatane. (1980)

A la Réunion, vers 1972, Boris Gamaleya, écrit des contes populaires en créole. En 1984, l'anthologie d'Alain Armand et Gérard Chopinet, dresse le tableau d'un siècle et demi de production littéraire en créole réunionnais
En 1866, était publié une traduction en créole, par deux prêtres réunionnais, de la bulle Ineffabilis, du Vatican, qui proclamait le dogme de l'Immaculée Conception.
Le petit peuple, dans ses réflexions, prône d’habitude, sans le savoir, une philosophie pragmatique. Ce qui ne l’empêche nullement de critiquer la société dans laquelle il vit et les institutions politiques qu’il a par son vote, aidé à se mettre en place. Pourtant, si vous vous mettez à l’écoute de ces pauvres gens, ne vous étonnez guère de l’indifférence apparente qu’ils adoptent souvent en face des problèmes qui régissent leur vie. Ne vous y trompez pas, ils savent remettre en question les formes de la vie quotidienne. J’ai entendu des réflexions appropriées sur les divers aspects de la vie humaine, les croyances religieuses, les plaisirs, les peines, la souffrance, la haine, l’amour, la mort. Vous n’entendrez jamais des propos de philosophie abstraite sur des changements essentiels, par exemple la vision d’une société améliorée, un monde idéal. Le peuple ne connaît guère la philosophie de la pensée. Il connaît bien la valeur de la communication, l’importance du récit. Ses concepts sont simples. S’il manie bien la critique et le dialogue, il y a un élément de doute fondamental qui freine toute croyance dans la majesté de l’homme. Dans son domaine de philosophie, il ne cherche rien de haut niveau. Ne demandez pas au petit peuple pourquoi il vit. Il accepte le présent comme il est. L’avenir est quelque chose de flou, de lointain d’inaccessible même.
S’il manque parfois de logique, il se fait parfaitement comprendre de son interlocuteur.
Le peuple manie l’ironie quand c’est nécessaire. Son ironie prend alors une forme presque triste.
Les valeurs sont reconnues. Il n’a pas de difficultés pour croire en Dieu, même s’il ne pratique pas toujours sa religion, qu’il connaît à peine, ne se souvenant que des fragments de son premier catéchisme. Il reconnaît la patience et le fruit de la patience, la bonté, le labeur.

En toute espèce de biens, posséder est peu de chose ; c'est jouir qui rend heureux. Beaumarchais.

C’est une histoire d’amour !
Dés mon plus jeune âge j’ai connu les plages magnifiques de Flic en Flac et de Wolmar. On s’y rendait en pique nique par autobus en famille. Sous les filaos, alors très touffus, toute la famille pouvait s’installer sans souffrir du soleil. Les arbres plantés très proche étaient certainement en plus grand nombre que de nos jours.
La replantation des filaos de Flic en Flac n’a toujours pas été entreprise convenablement. Ce que nous voyons aujourd’hui ce sont des vestiges des vielles plantations héritées du passé. On peut même retrouver de gigantesques spécimens de filaos, ayant résisté aux cyclones et qui se dressent encore fièrement leur feuillage pointu vers le ciel.
Le manque de prévoyance des autorités, qui parlent cependant de l’environnement, est étonnant. Malgré la visite annuelle de cyclones qui affectent parfois considérablement les plantations de filaos, on ne fait rien pour replanter. Aucune nouvelle plante n’a été mise en terre à ce jour. On détruit sans rien remplacer. C’est avec tristesse, que j’ai entrepris de faire des photographies de la plage actuelle encore encadrée de ses filaos. Si jamais il survient une catastrophe, vraisemblablement après un violent cyclone, un spectacle désolant va s’offrir à nos yeux et je n’aurais que mes photos comme souvenirs. A mon âge on ne peut patienter pour voir se développer des plantules en arbres.
J’habitais Beau Bassin pendant mon adolescence et pendant les congés je me rendais parfois à Flic en Flac à pied, avec des amis, ou seul. J’étais alors un garçon timide ayant le goût de la solitude. Tout semblait renfermé en moi-même !
Plus tard à l’âge de 17 ans j’ai été souvent à la mer à bicyclette, soit avec un ou deux amis mais aussi en solitaire. La route, étroite n’était pas asphaltée, rocailleuse même par endroits.
La route est alors encadrée d’arbres et de buissons épais.
On y trouvait des manguiers sauvages en grand nombre, des maçons, des longaniers des jambelons, des prunes, des bibasses, des roussailles. Parfois un gros tamarinier ou un Bois Noir dépassant de hauteur les autres arbres s’élançait majestueusement.
Le Bois noir, c’est l’arbre privilégié de cette région. On y retrouve encore en grand nombre à l’entrée de Flic en Flac dont de beaux spécimens devant le Restaurant Joe de Flic en Flac.
Ma sœur aînée qui aimait également cette région de l’île, avait une petite voiture, une minuscule Ford de deux portes, et on s’y entassait pour se diriger vers Wolmar ou se trouvait les plages qu’elle aimait le plus. Si la mer était toujours agitée, on y avait pas encore installé ces laides barricades de pierre et de fil barbelé que l’on voit de nos jours, et que ma femme a baptisé ‘Ligne Maginot.’
Après mon mariage et la naissance des enfants, j’avais ma propre voiture. C’était presque rituel de se rendre alors à Flic en Flac ou Wolmar en famille ou avec d’autres amis. Le dimanche, ce n’était pas encore la foule de nos jours et on s’installait dans une clairière avec parfois trois ou quatre voitures. C’était la fête.
Après les rasades de rhum accompagnées de gajacs, on avait droit à une grande assiette remplis raz le bol de Pilau de viande et de saucisses.
C’était le bon temps !
Plus tard ayant de meilleures voitures qui ne peinaient plus dans la dure la montée Bol vers Quatre Bornes, on faisait le trajet plus rapidement. Nous avions alors acquis des habitudes plus sophistiquées et évolués vers le whisky, peut être un peu moins frelaté que de nos jours.
La sophistication avait enlevé un peu les simples et innocents plaisirs des pauvres.
En vieillissant nous avons réalisé un de nos rêves de louer en permanence un appartement à Flic en Flac. Ce fut un événement agréable quand nous avons emménage dans l’appartement Le Flamboyants à au centre de Flic en Flac. C’était une bâtisse qui ressemblait à une école. Il s’y trouvait trois « étages de plusieurs appartements de deux ou trois chambres. Nous étions au deuxième dans un appartement de trois chambres. On s’y trouvait assez bien, mais le bruit des autobus et gros véhicules dérangeait un peu, pendant la nuit.
J’avais alors une vielle Renault qui facilitait le transport vers la plage public tous les jours. Nous avons passé deux années et demi dans cet appartement avant de retourner à Quatre Bornes. D’ailleurs on louait toujours l’appartement de Q Bornes ou on allait les ‘week-ends’ quand il y avait foule à Flic en Flac.

C’est dans cet appartement que nous avons reçu parents et amis. Mon frère depuis décédé, qui respirait à peine et se déplaçait avec des petits réservoirs d’oxygène, s’y est rendu. De même ; les roches parents, des amis, et les enfants et petits enfants établis en France.
Cinq ans plus tard, nous avons pu trouver un autre appartement, cette fois à Wolmar, les Villas Khousbou. C’est un nom hindou qui veut dire parfum.
N’ayant pas de voiture, on était heureux de prendre le bus à Quatre Bornes pour s’y rendre, toujours pendant la semaine. Nous avions la chance d’avoir des arrêts d’autobus à cinq minutes de marche et la mer se trouvait à côté de la barrière de filaos juste à côté de l’hôtel Pearl Beach.
Au moment ou j’écris, j’ai 77 ans, ma femme Denise 72. Nous louons toujours cet appartement et jouissons pleinement de la mer. Nous avons une vie heureuse, avec la bénédiction de Dieu.
Aucune tentative n’a été faite pour ranger les récits dans un ordre quelconque, selon des normes choisies. J’ai raconté ce que j’ai entendu et observé au cours des mois pendant ces voyages par l’autobus de Flic en Flac. J’ai commencé ces notes en 1999 et le livre est présenté dans sa forme finale en 2003. Bien entendu, tout ce qui se passe et se dit dans les autobus, ne peut pas être littéralement raconté par un quelconque observateur. Il s’est passé des périodes ou l’esprit occupé ailleurs, je me suis séparé de ma plume. Mais c’était pour la reprendre plus tard.
Ce livre sera un précieux souvenir pour ma femme et moi, et pourra, je l’espère donner l’envie au moins aux jeunes de ma famille, dans les générations à venir, de mieux connaître, et d’apprécier le petit peuple.

Introduction. 1999.

Pour se rendre à Flic en Flac par le transport public habituel, il faut aller à la gare routière de Quatre Bornes pour prendre le bus Au troisième couloir, on peut voir le véhicule sale et poussiéreux, vieux de plusieurs années de service ayant un nom peint sur les deux côtés. Express de Flic en Flac. Perle de la Savanne, Perles du jour, Arizona Express.

Même si vous prenez le bus nommé Express, il vous faudra près d’une heure pour arriver à destination. Le trajet passe d’une manière ou d’une autre par Bambous. J’ai toujours pensé qu’il aurait été plus pratique pour les usagers d’avoir véritablement un bus Express allant dans une direction autre que Bambous. Les préposés ont un manque d’imagination et une incapacité d’organiser convenablement le programme des trajets. On s’occupe davantage des tarifs que du confort des passagers. Toutefois, je ne me plains pas trop, car comme membre du troisième âge, je bénéficie d’un rabais substantiel. Le coût du ticket était de Rs. 3, il y a quelques années. Puis nous avons payé une roupie en plus. En 2002, le taux est de six roupies. Donc pour Rs. 12 on se paie un allez retour pour le paradis. De nos jours le transport pour vieux et pensionnaires est gratuit.

Pourquoi un paradis ?

Flic en Flac est probablement une des plus belles plages de Maurice. Je pense q’elle est la deuxième la plus somptueuse après Belle Mare. En effet avec une longue plage bien blanche, assez large et bordée de filaos, elle fait rêver. En allant vers l’ouest, on arrive à Wolmar ou se situent des hôtels de grande classe. Pearl Beach, La Pirogue, Sugar Beach. Les plages sont toujours magnifiques et attirent les touristes du monde entier.

Le passager.

Mon Dieu, le plus souvent, l'apparence déçoit : Il ne faut pas toujours juger sur ce qu'on voit. Molière

On peut tout emporter en prenant un bus. Les touristes avec des havresacs ou des sacs de voyage. Quelques individus se déplaçant prestement avec une simple sacoche les étudiants avec toutes les formes de cartables sac de voyage, sacoche, les fonctionnaires et autres gens de bureau avec la serviette, et rarement des bagages plus importants, des valises et des malles. Les très pauvres ont l’air loqueteux. C’est la misère qui voyage par obligation.
Il y a un renouvellement imposant de caractères. Des malappris, des rustauds, des soudards, des goujats qui embarassent le dames assises à côté d’eux.
Et parmi les femmes les types poissardes.
Le petit peuple n’a aucun complexe pour prendre possession d’une partie des sièges, au bas de l’autobus. Peut être pour aller en pique-nique. On joue parfois à la guitare et on peut même chanter le séga.
Quand ils sont de bonne humeur, on les entend s’amuser à raconter des histoires drôles. Tout est balivernes, fadaises et propos pour rire. Il y a toujours un hurluberlu, un loustic, le boute-en train. On rit de tout et niaisement. La classe moyenne recherche les places en avant de l’autobus. Inutile de chercher la haute bourgeoisie, car les hautes sphères ignorent le transport public.
Des ivrognes agressifs et querelleurs se font remarquer par des confrontations et des amis de la même trempe, ou avec le receveur.
La structure des individus passagers est hétérogène, voire complexe. Il s’y trouve un assortiment de gens bilieux, des excitables, des balourds, et bon nombre d’imbéciles.
Avez vous songé que parmi les passagers il s’y trouve - heureusement rarement- des individus louches, du coupe-jarret, des voleurs et des assassins.
Regardez bien, et vous reconnaîtrez, des pauvres diables pauvres d'esprit, des minus, comme on dit. Il y a le vaniteux, l’arrogant, le distant, le suffisant.
Des mufles et des goujats qui se comportent sans aucune éducation, sont assis à côté de l’homme ou de la femme polie, avec des manières délicates.
Votre voisin peut être encombrant et sans vergogne. Le pire c’est le casse-pied gluant qui veut donner l’impression d’être au courant de tout.

Les récits.

1. L’aguicheuse.

Même quand elle marche, on croirait qu'elle danse.
C. Baudelaire.

21 février. Retour de Flic en Flac dans Arizonna Express. Un couple de créoles est assis à l’arrière de notre siège. La femme grasse et d’un visage peu avenant avec des traits un peu Ouest africain. C’est elle qui parle, son bonhomme semble n’en avoir pas le droit de réponse. Une jeune femme svelte, peut être trop mince, vient s’installer tout près. C’est carrément le type qui recherche l’aventure amoureuse. Elle porte une robe noire qui serre de trop près sa mince frimousse. Un décolleté en carré ne cache pas le mouvement savamment orchestré des petits seins. La robe très courte laisse voir des jambes qui résistent mal au mouvement de l’autobus.
Une prostituée ? Je ne saurais le dire, car ce n’est pas l’heure habituelle des rendez-vous. Disons une fille provocante qui veut faire croire que sa tenue est tout à fait normale.
La grosse femme créole l’a regardée de la tête aux pieds avec un air de dégoût, mais n’a pas prononcé une parole. Quand la fille en noir est descendue du bus, elle a touché le bras de son partenaire du dos de sa paume gauche et lui a dit :

-‘Mo ti éna enne tifi coume ça mo touffe li. Touffe li, mo dire toi ! A t-elle répétée. Elle donnait l’impression d’en être vraiment capable !

2. Le chinois bon conseiller.

Nous aurions souvent honte de nos plus belles actions si le monde voyait tous les motifs qui les produisent.
La Rochefoucault.

C’est quand le bus est presque sans passagers que les langues se délient. Ce matin, un chinois bien calé dans son siège : en effet, il en occupant presque deux, s’était penché pour converser avec une femme d’un certain âge d’origine indienne. Ils se connaissaient.

-« Madam cotte ou mari zordi mo n’a pli trouve li !
- Li fine prend pension.
- Ah Li bien.
-Non, li malade, so lé cœur pas bon. »
Le chinois se met alors à lui donner des conseils de son cru pour soigner les cardiaques.
-« Pas faudrait li boire ec fimé. Ça pas bon di tout
-Pas faudrait manze n’importe quoi. N’a pas nec manze dhol grand matin
tantôt. »

Mon homme a un bon répertoire médical et vient même le confirmer en disant

: - « Mo cose are ou comment dire mo docter. Pareil ça. Ou capabe croire moi. »
Elle ne fait que balbituer :

-« Mais oui, Oui Oui ! »

Je m’étais retourné pour mieux voir la scène. Il s’était mis à l’examiner avec un intérêt particulier, appréciant sans doute que pour son âge, elle pouvait passer pour être plutôt mignonne. Il avait pris un air calculateur. A mon étonnement il dit :

-« Ou mari éné sel malade li énan, ? »

Elle n’a pas répondu car c’était l’arrêt du bus et il devait descendre.

-« Ou pas descende azordi ?
-« Non mo alle la foire Quatre Bornes. »

Le chinois semblait plutôt content de lui-même, il enjamba gaillardement la marche et partit dans la direction d’une boutique avant que le bus ne se remette en marche.

3. Les policiers.

La compétence sans autorité est aussi impuissante que l'autorité sans compétence. G. Le Bon

En France on les nomme gendarmes. C’est un corps pseudo militaire chargé de maintenir la sûreté publique.
Qui n’a pas rencontré un ou plusieurs policiers dans un autobus ? Pendant le trajet de Quatre Bornes à Flic en Flac, on rencontre souvent les policiers qui vont à Bambous ou à Flic en Flac : Des policiers, des sergents et plus rarement un officier, car ces grands messieurs voyagent plutôt dans leur voiture privée.
Le policier n’a nullement besoin de payer. Tout est gratuit. Ils jouissent en apparence d’une grande considération, parfois mélangé de mépris de la part du conducteur. C’est rare de rencontrer un policier timide. La plupart du temps se sont des gens gonflés d’orgueil, qui tirent une grande satisfaction de leur pouvoir. Ils se tiennent droits, rigides même et prennent une allure sévère. Souvent une moustache vient accentuer cet effet. Un regard qui dit : Attention je peux tout.
N’allez pas croire que je déteste tous les gardiens de la paix, mais un bon nombre de policiers que j’ai côtoyé m’on donné cette impression de s’étouffer de leur importance. Je suppose que ces mêmes hommes dépourvus de l’uniforme redeviennent normaux et doivent même être pathétiques en caleçons. Mais l’uniforme est le blason de force. Beaucoup de jeunes policiers sont plutôt chétifs et je me suis amusé à les comparer à ces gars d’origine africaine qui voyaient dans le même bus. Les policiers âgés, ont généralement une carrure importante. On voit parfois policier tellement grassouillet que l’on pense que son uniforme va craquer. Il est vrai que n’étant pas nécessairement de service dans les rues, ils se prélassent à la station, comme ils disent, en rédigeant des rapports. Le manque d’exercice et l’excès de gâteaux piments de faratas et de de dhol pourris que l’on peut avoir gratuitement en toisant sévèrement le marchant ambulant. Ces excès font grossir. Vous verrez donc une multitude d’obèses dans la force cons tabulaire. Dans tous les grades et à tous les niveaux.
Mais aujourd’hui, mon policier particulier est assis sagement. Il a pris un siège à part et personne ne va oser se mettre à côté de lui. Il se retourne à peine pour dire un mot à un homme qu’il connaît peut-être. Il répond du ton de quelqu’un qui est importuné et qui veut faire comprendre qu’il n’a pas de temps à perdre.
Je l’examine plus attentivement et crois déceler quelques plis dans son pantalon et ses chaussures n’ont pas le brillant que requiert un uniforme de la République. Où sont donc partis ces jeunes policiers de grande taille et solides sur jambes, de mon enfance qui portaient des uniformes rutilants de sa Majesté britannique, avec chic et distinction ?

4. Mauvais voisinage.

Le voisin est un animal nuisible assez proche de l'homme. Pierre Desgroches.

Deux vieilles femmes créoles, assez grosses, un peu disproportionnées, portant des robes avec des motifs compliqués et brillants racontent une histoire de mauvais voisinage. C’est un garçon, un malotru que les deux connaissent bien et qui ne dit jamais bonjour. Il envoie son jeune frère réclamer des sous. Il vient de se marier et fait de la misère à sa femme, la rendant malheureuse. Homme méchant, il frappe sa femme et terrorise son jeune frère, encore adolescent..

- « Ma ser fatigué tanne dispite le soir. Ti frer là sibir martyr, mais pas faudré donne li largent . Tou cash alle avec mauvais garçon là ! »

5. Le tatoué.

Le mari, très costaud. Il ne porte q’un tricot que l’on porte pour dormir. Il a un tatouage sur le bras droit représentant un requin avec un bec pointu d’un bleu tirant sur le mauve. Taciturne, il prend conscience que l’on admire son tatouage et change de position pour mieux favoriser l’exhibition. Voilà un homme qui semble content de lui-même.
Les enfants. Petits malingres avec des sacs à dos impressionnants. La femme toute petite, enfouie dans son siège. Tout ce monde silencieux et distant. Une famille mystérieuse !

6. Les boucles d’oreille et les barrettes.

Si vous regardez de loin dans n’importe quel autobus, ce sont les cheveux des femmes, les boucles d’oreilles et les barrettes qui retiennent l’attention.
Les barrettes sont de tous les modèles de toutes les formes et couleurs. Accrochées le plus souvent à l’arrière de la tête mais aussi sur les côtés.
Les boucles d’oreille, sont le plus souvent que de simples boutons. Mais ce sont les cerceaux en matière brillante qui retiennet le plus d’attention.
J’en ai déjà vu des ‘zanneau’ comme on dit ici de dimensions impressionnantes. De vrais fétiches !

7. Le mauvais patron.
Chacun de nous est une lune, avec une face cachée que personne ne voit. Marc Twain.

Deux femmes racontent une histoire à propos d’un mauvais patron. Elle touche Rs. 2000 par mois. Un salaire de misère. Elle cherche un autre emploi et pour pouvoir subir un interview elle demande une permission pour quelques heures. Le patron refuse en lui ordonnant de prendre un jour complet de son quota de vacances annuelles.

-‘Aucaine considération pou tout le temps ou fine travaille. Li nec conne so profit !’

C’est un fait que beaucoup de femmes sont exploitées dans les entreprises de la zone Franche. On touche une paye très faible et le patron exige qu’en échange, la productivité doive augmenter. Pendant les heures de travail c’est la surveillance perpétuelle. Il faut une permission pour se rendre aux toilettes. Tout abus est sévèrement cautionné. Dans certaines entreprises le jour de paie est retardé de plusieurs jours. On fait semblant d’ignorer que les ménages ont besoin d’argent à la fin du mois. Il y a donc de l’endettement. Des familles entières qui travaillent dans les usines sont poussées par la publicité pour s’acheter des articles ménagers coûteux par mensualités. La tentation de s’endetter est très forte dans les classes les plus défavorisées. On a la chance d’avoir immédiatement une télévision ou un réfrigérateur. C’est long les fins de mois, pour le petit peuple.

8. La langue hollandaise.

Nous avons deux étrangers qui occupent des sièges à l’arrière du notre. Ils parlent hollandais. L’un d’eux parle sans cesse. Un gargouillis rauque assez désagréable. Son compagnon ne répond que par monosyllabe. Jadis dans notre enfance, nous répétions sans comprendre, en jouant :

-‘Amsterdamou Amstragrampic et pic et colegram mistram.’
Cela n’avait aucun sens pour nous tout comme les propos de nos hollandais du jour.

9. Différences de caractères.

Une femme est arrivée avec un garçon et une fille. Nous allons découvrir avec curiosité, la différence de caractère des gosses. Le bambin ne se tient pas un seul moment en place. Il bouge et gesticule même s’il met sa main dans sa bouche pour étouffer un bâillement. Il lutte contre le sommeil. La fillette, un peu plus âgée, se tient sagement et regarde son frère.

10. Le salon de coiffure.
27 Décembre 1999.
C'est une espèce de coquetterie de faire remarquer qu'on n'en fait jamais. La Rochefoucauld François de

A Bambous un spectacle inhabituel attire mon attention. On fait queue devant le salon féminin de coiffure.
Il y a des femmes à l’intérieur du salon, et chose incroyable, comme à l’arrêt du bus, il y a une file indienne de gens dans la rue devant le petit salon de coiffure. Il faut de la patience pour être belle le jour de l’An. La coquetterie gagne le petit peuple à cette période de l’année. On vient couper ses cheveux, faire des permanentes, s’offrir une couleur plus voyante des cheveux, redresser des cheveux crépus, bref, on peut bien attendre.
Pourtant dans l’autobus, stationnée temporairement devant le salon de coiffure, une femme dit à sa voisine, sur un ton qui ne me convainc guère :

-« Pas moi qui ti pou perdi mo létan attende coumme ça ! »

A Bambous on trouve peu de décorations des petits commerces. Le réparateur de pneus de bicyclette et d’auto, a malgré tout accroché à la tôle du toit de son frêle taudis une branche de flamboyant d’un rouge rutilant.
Le flamboyant c’est le bouquet du peuple. Quand j’étais gosse, j’étais content de voir défiler les camions et autobus qui étaient décorés de bouquets de flamboyant. Cela faisait nouvel an. On appelait même le flamboyant bouquet banané. Cette plante fleurit bien à Albion et Bambous et aussi à Port Louis et au nord de l’île.. On trouve ça et là des couleurs qui vont de l’orange pâle, au rouge vif. C’est merveilleux de voir une longue avenue où une route droite bordée de ces plantes en fleurs.
Il y a quelques années un insecte ravageur de cette plante a été introduit à maurice. Une espèce de psylle qui arrivé même a complètement défolier une plante.
Interrogé par un journaliste, un jeune entomologiste trop bavard a voulu prendre de court les entomologistes de métier en émettant l’opinion que dans quelques années l’insecte ravageur allait faire disparaître cette magnifique plante de Maurice. Triste perspective !
Les années ont passé. L’insecte est toujours présent mais le flamboyant fleurit toujours pendant les fêtes de Noël et de Nouvel an et les camionneurs s’offrent comme d’habitude des bouquets de ‘fleur banané.’
On peut se pencher un peu sur ce problème d’entomologie et admirer la pendule de la nature. Le ravageur apparaît quand la floraison est achevée et que les feuilles vieillissent et vont tomber. L’insecte ne vit que sur ces vieilles feuilles, jamais sur les jeunes pousses et en fin de compte n’occasionnent pas plus de dégâts que de précipiter quelque peu la chute des feuilles. Quand la saison chaude revient, les jeunes pousses apparaissent en parfaite condition, et prêts à accueillir les bouquets rutilants du flamboyant.

11. Le bon autobus.

Ce matin, il y a foule. Je m’étonne de la longue file d’étrangers qui sont montés. Je pense qu’il s’agit de réunionnais. Dans l’autobus c’est le brouhaha et je vois le contrôleur se mêler de la conversation. Il a apprend aux touriste qu’ils se sont trompés d’autobus, car ils voulaient aller à la Preneuse, pour visiter l’église de la Pèche Miraculeuse. On se hâte de reprendre ses colis, et à la file on va dégringoler les deux marches de la vieille machine. Les moins vieil aidant les plus vieux. On rit, et on se dirige calmement bers l’autre autobus à côté le frère jumeau de celui de Flic en Flac, aussi vétuste, aussi délabré dont la destination est Baie du cap.

Il arrive parfois que des personnes du petit peuple se trompent de destination et les contrôleurs ne s’en aperçoivent, que quand elles paient le coût du trajet. Ces personnes doivent donc descendre au premier arrêt et attendre un autre autobus.

Il y a de cela environ un mois, une vielle dame est entrée dans l’autobus de Flic en Flac qui se dirigeait vers Quatre Bornes à Palma. Au contrôleur elle a dit ‘Je vais à Flic en Flac’. Quand celui ci lui a dit qu’il fallait q’elle aille à un arrêt du côté opposé de la route, elle a naïvement répondu, au grand étonnement du contrôleur et des passagers

: -« Non, Mo conné ! li trop loin pou marcé, mo prèfère prend bis ici cotte mo lacaze, alle Q Bornes reste dans sa bis là jusqu'à li retourne F en Flac. »

Voilà une dame pratique à l’extrême qui n’est guère pressée et qui ne dédaigne pas de rouler davantage et de payer un second billet ‘démi’ qu’elle a droit comme membre du troisième âge.
Curieux mais pas si bête !

12. Recherche d’un récidiviste dangereux.
Janvier 2000.

A Bambous le bus s’arrête à la hauteur de la police et le conducteur descend et s’en va. Curieusement on ne dit rien. Le contrôleur part et revient. Une policière qui s’occupe de régler le trafic ne nous regarde même pas. Après une attente de 10 minutes quelqu’un se met debout et dit qu’il faut changer de bus. On s’exécute avec obéissance. On va enfin repartir sans jamais savoir ce qui s’est passé. Pour une enquête policière, on fait fi des droits normaux des passagers qui ont payé leurs tickets. Comme Sappapathie, un récidiviste évadé, qui faisait de la prison pour trafique de drogue, a été appréhendée et tué à Chamarel, la veille, j’ai pensé que l’interrogatoire du contrôleur aurait pu être en relation avec cette arrestation. Le bandit semblait être bien aimé du peuple car il y a eu foule pour ses funérailles. Voilà un peuple qui sympathise avec des trafiquants de drogue et qui en mal d’héroïsme prend cause pour le méchant, contre les forces de l’ordre, en qui il n’a qu’une confiance relative.

13. Après le cyclone Connie.
31 Janvier 2000.

Le vent se lève, il faut tenter de vivre. Paul Valery

Le temps est très maussade et il pleut même de temps en temps à Quatre Bornes. Les gros nuages dans la direction ouest, ne présagent rien de meilleur. Toutefois nous avons été de bonne heure prendre notre place favorite dans l'autobus. Il y a peu de monde, et nous quittons la gare dans ce bruit de ferraille caractéristique de véhicule rouillé et fatigué.
Le cyclone Connie a apporté beaucoup de pluie très bénéfique pour l’agriculture, et les cannes en ont grandement profité. Les journaux parlent seulement d’un remplissage de 20%. Ils font sans s’apercevoir le jeu des autorités qui gèrent l’approvisionnement d’eau et qui veulent continuer à faire des coupures pour une économie d’eau qui n’est pourtant plus nécessaire. Il y a un manque de vision et de décision qui caractérise l’administration.
A Maurice, qui a pourtant une pluviosité enviable très forte, on n’a jamais assez de pluie. Quand les réservoirs sont à 60%, avant le démarrage de la saison des pluies, on parle de sécheresse. Les autorités, comme les journalistes entament une propagande insidieuse, pour faire peur à la population.

14. Le marchand ambulant de la plage.

A Flic en Flac il y a de grosses flaques d’eau et la pluie torrentielle nous contraint à prendre refuge dans le nouveau bâtiment construit en face de la plage. J’ai rarement vu autant de pluie à Flic en Flac. Nous passons cependant sous les arbres et arrivons au niveau du Four à Chaux quand une averse torrentielle nous contraint à prendre refuge sous le parasol du marchand de coco. Denise avait essayé en vain de se protéger en entrant dans l’ouverture du Four à chaux mais elle était trop basse. Le couple assez âgé était assez à l’étroit sous les deux parapluies assez larges. Ils avaient une table ou ils avaient disposé de gros bocaux contenant des boissons colorées. Du ‘Alouda’ ou des limonades je ne saurais le dire. Très accueillants, ils m’ont permis d’endosser ma tenue de plage pour que je puisse prendre un bain.

Je suis parti sous la pluie et c’était un bain peu ordinaire. La mer agitée me bousculait un peu et j’étais ravi. Les jets de pluie éparpillés dans l’eau de mer brillaient comme des étoiles. A un moment, j’avais cru voir un vrai feu d’artifice. Il pleuvait toujours beaucoup quand je me suis rendu sur la plage pour courir.
Agréable expérience que de se voir doucher de cette manière.
Les deux vieux m’ont examiné à mon retour, avec incrédulité, et n’ont fait aucun commentaire. Ayant explique à l’homme que j’avais l’habitude de la mer, malgré mon âge il me fit aussi la confidence de me dire qu’il habitait Pailles. Il avait jadis habité à Flic en Flac. Ils se trouvaient comme nous trop seuls dans le campement qu’ils avaient loué, et l’ont délaissé pour retourner chez eux à Pailles.
Comme nous-mêmes, Ils avaient deux enfants établis en France.
On a parlé un peu de leur métier. Les autorités les réclamaient une licence de vente de 2500 roupies environ. Chose étrange étant donné qu’ils n’avaient aucun abri en échange. La table sur roulette était construite en fer blanc. « Je ne l’ai pas construit en aluminium car on l’aurait volé. » Il quittait la table et la chaise à côté d’une tabagie avoisinante. La femme, en sari de couleur rutilante d’un embonpoint caractéristique des indiennes de son âge, parlait avec volubilité. Elle était d’accord avec nous que la tendance du modernisme était de considérer un million comme peu de chose.

« -Zot néc cose 2,3 ou 3,4, (millions de roupies.) »

On s’était fait des amis. Nous avons plus tard pris un abri contre la pluie, dans la varangue de cette tabagie. On y vendait des boissons alcooliques, de la bière et quelques paquets de biscuits à bon marché.

15. Le bus neuf.
Février 2000.

Ce matin nous entrons dans un autobus tout à fait neuf. En faisant la remarque à Denise, une vieille dame étrangère nous dit qu’elle avait aussi remarqué le miracle. Elle nous a dit qu’elle venait de Madagascar ou les trains poussiéreux et peu confortables prenaient longtemps avant d’arriver à destination. 30 à 40 arrêts, pour aller de Tana à la côte ouest. Un grand territoire comme Madagascar plus vaste que la France avec de bonnes ressources semble insuffisamment développé. Son économie ne démarre presque pas. Elle attribue cela au caractère malgache, lent à prendre des décisions et se méfiant de l’étranger.
J’ai dit au receveur, en plaisantant, qu’il fallait offrir le champagne, il a souri et s’est dirigé vers sa place habituelle. Il est retourné pour nous présenter chacun un bonbon. Le bonbon de menthe ‘Mocob’ fabriqué localement et contenant plus de sucre que de menthe. C’était fait. On avait participé aux fêtes de l’inauguration.

16. A quoi pensent les enfants ?

Il y a des moments dans la vie où on donnerait n'importe quoi pour savoir ce qu'on vient de comprendre d'essentiel. Pennac Daniel

Une femme encore jeune, même très jeune, ne dépassant pas 18 ans vient d’entrer dans l’autobus et se met devant notre siège. Elle est accompagnée d’un enfant portant une casquette et dans ses mains une de ces poupées à bon marché en matière plastique. De l’autre côté un garçonnet penché sur la vitre porte sur ses genoux un énorme sac content semble-il sa collection de livres de classe.
La petite fille a l’air d’un garçon avec sa casquette qu’elle n’enlève pas et fait danser sur le siège sa petite poupée. Haut bas, droite gauche. La mère regarde. Ravie.

Quelques minutes après, la petite dépose son jouet et se penchant sur sa mère, elle prend un pouce et se met à rêver. Longuement.
Je dis à Denise. « Tu vois ce garçon avec son gros sac.
A-t-il des problèmes ? »
Le petit homme est toujours penché vers la vitre, et son regard est lointain. J’aurais aimé connaître ses pensées. Problèmes d’école ? Ennuis de famille? Manque d’affection. ? Il a l’air triste et préoccupé. Il restera ainsi jusqu’a son départ.

17. L’artisanat.

Une richesse humaine ?
En vérité, le chemin importe peu , la volonté d'arriver suffit à tout Albert Camus.

-« Zérôme pas ti pé travaille, chômeur depuis longtemps, li ti pé boire et fini so la vie. Enne zour ène missié dire li faire li meme enne ti travail parce qui so la main bon.
Missié là fine persisté et aide li. So métier ti cordonnier n’a pas paye grand chose. »

L’histoire est captivante. Jérôme est allé voir un fonctionnaire du ministère de l’emploi avec le bon monsieur et moyennant une somme avancée par le monsieur, il a pu avoir un emprunt pour lancer une petite industrie de chaussures.
Il a d’abord travaillé avec un jeune neveu, puis il a du employer deux autres personnes. Aujourd’hui il place des chaussures dans des magasins. L’affaire marche bien sans être très florissante. Il a toutefois des projets de réformes. Il veut agrandir son « business » et se mettre dans la confection d’objets en cuir : Serviettes, sacs etc.
L’état mauricien considère l’artisanat comme une force économique. Le déclin de l’emploi traditionnel dans l’industrie et l’agriculture surtout en période de crise, conduit les pouvoirs publics à consentir aux entreprises artisanales des mesures particulières, en faveur de l’embauche.
L’artisanat doit se battre et s’affirmer pour avoir une part du marché, avec des perspectives à l’exportation.
C’est ainsi que nous avons de bonnes entreprises très actives dans le domaine de la construction de modèles de bateaux.
Il y a aussi des débouchés dans la fabrication artisanale de robes, de tapis et d’articles de luxe pour le tourisme.
Nous avons une nappe brodée venant de Madagascar qui est un modèle du genre. Les Africains sont particulièrement bons, dans les petits travaux en bois. Sculpture artistique, petites tables bien ornées etc. L’artisan mauricien doit donc patienter et apprendre le métier avec des étrangers, nos voisins Malgaches, Seychellois et Africains.

18. Avortions.

Les masses restent entraînées dans une ronde infernale d'imbécillité et d'abrutissement.
A. Einstein.

Septembre est un bon mois pour voyager. Le climat est tempéré, même sur la côte. Une fois arrivées au bord de l’eau, vous avez l’impression d’être au paradis. Si vous prenez votre bain à dix heures du matin l’eau est agréablement froide.
Il n’y aura comme toujours presque personne sur la plage, que vous soyez à Wolmar ou Flic en Flac. Quelques touristes flânent de temps en temps. Ils viennent des hôtels situés à l’ouest, où ils semblent volontairement confinés. Comme des abeilles sortant de leur ruche, on les voit se diriger, sans précipitation, vers la plage publique.
Ce vendredi matin, après avoir joui de la plage de Wolmar, nous avons pris le bus non loin de l’hôtel Pearl Beach. Il y a dans les environs le mini super marché nommé Wolmar Store.
C’est à Bambous que plusieurs femmes créoles ont pris place. Deux d’entre elles assises sur le siège avoisinant le mien avaient des colis assez volumineux ce qui restreignait tant soi peu leur allocation de place déjà exiguë.
La femme la plus proche de moi, à jeté un regard de notre côté, et semble-t-il satisfaite de notre apparence inoffensive, elle a émis un gros soupir :

-« Enfin qui a faire ! »

L’autre sans doute la bonne amie, lui a dit

: - «Qui arrivé Zoziane. »

-« Ma Ser, mauvaise nouvelle, mo dézième ti fille, to conn li, Stephani ; li in pé clair. Pencore marié li fine gagne enceinte. Grand malher, Mo bonhomme fine tape èn pé lor li mais li pas capabe dire qui sir qui papa so piti. Li ti pé fréquente trop zommes dipi plisiers mois.
-So ben camarade fine donne li nom ène madame qui fer avorté.
-Li zordi l’hopital Candos cotte mo pé alle guette li , pas conné si li po vive. »

Son récit est un vrai classique du genre, mais quand même le drame fait toujours frémir. C’est l’histoire de la jolie fille, trop jolie pour le coin, qui a d’abord une liaison, puis plusieurs autres et même si ce n’est pas encore de la prostitution, avec promiscuité, elle va coucher avec des amis qui l’accompagnent au disco ou dans les danses improvisées du samedi soir. Une fois enceinte, elle comprend vite qu’elle n’a pas les moyens d’élever un enfant et va tout faire pour se débarrasser de l’enfant. Son cas n’est pas différent des autres ou les parents furieux ne l’encouragent guère à conserver l’enfant. Le père, blessé dans son orgueil, après avoir malmené la fille pour savoir la vérité, se mettra en colère en la menaçant de la jeter dehors. C’est donc soit l’avortion, soit la rue et l‘opprobre. Elle va donc en parler à des amies qui peut-être ont déjà été enceintes et qui ont réussi à se débarrasser de leur l’enfant. Il y a toujours des pseudo infirmières ou des sages mère qui fatigués de mettre au monde des bébés, vont se lancer dans l’infâme métier de tueuses de fœtus. Pour une modique somme d’argent, on pratique une grossière intervention qui peut réussir non sans séquelles mais qui peut aussi être grave allant même jusqu’a la mort de la pauvre victime. C’est, je l’ai compris ce qui pourrait arriver à la malheureuse Stéphanie.
A 19 ans, comme l’avait révélé sa mère elle se trouve à l’hôpital, avec une forte fièvre, alliée à une septicémie. Comme s’est souvent le cas, elle refuse de donner le nom de la personne responsable de son état. Les drogués ont la même réaction et ne révèlent jamais le nom du revendeur. Aucune enquête n’aurait la chance d’aboutir. La femme criminelle qui va faire son métier de boucher restera impunie. C’est parfois, il est triste de le reconnaître, de mauvais médecins, de tristes sires, qui pratiquent en cachette ces avortions.
Nous pouvons compatir avec cette pauvre mère, Josiane, et sa pauvre fille, qu’elle pourrait sans doute voir morte en arrivant à Candos dans quelques minutes, mais on à peine à retenir sa colère en face d’actes criminels qui continuent à se perpétuer de nos jours. Stéphanie était consentants. Plusieurs filles, cependant, sont violées et harcelées, dans leur propre famille, dans la rue et même dans les écoles. La violence et les abus sexuels progressent, et les filles victimes de cette société qui se trouvent enceintes n'ont pas d'autre choix que de se faire avorter.
Le pape a plusieurs fois condamné les avortions avec vigueur. Dans le Psaume 139:13-16, la Bible dit, " Vous avez créé chaque partie de moi; vous me montez dans Le womb de ma mère. Je vous loue parce que vous devriez être craint; tout vous faites êtes étrange et merveilleux. Je le sais avec tout mon cœur. Quand mes os étaient bombardés, soigneusement monter dans Le womb de ma mère, quand je grandissais là-bas dans secret, vous avez su que j'étais là-bas-vous m'avez vu avant de j'étais né. Les jours attribués à me tout avait été enregistré dans votre livre avant de n'importe quel d'eux jamais a commencé".

Des hypocrites qui sous prétexte de protéger des femmes vont préconiser les cliniques qui avortent. Les avortions autorisés sont pratiqués sans danger par des spécialistes. On va enlever la vie avec le concours de l’état.
Les politiciens font semblant ne pas comprendre q’il s’agit bien de supprimer une vie naissante. Dans de nombreux pays on voit des modifications de la législation criminalisant l'avortement, dans le but d'en supprimer les dispositions sanctionnant les femmes qui procèdent à l'avortement. A Maurice, même, on a souvent des cas d’infanticide ou des fœtus ou des bébés naissants sont tués ou abandonnés n’importe où par des filles mères désespérées..
Songez-y ! Le cœur du bébé commence le battement entre 18 et 24 jours, même avant de la mère sait qu'elle est enceinte.
Le bébé se déplace dès la première semaine, et les jambes à 6 semaines.
À 43 jours son cerveau est actif, son cœur bat fortement, son estomac produit des jus digestifs. À 8 semaines que le bébé est fait : tous ses organes fonctionnent, il peut même uriner. A cet âge il sent la douleur, il donne un coup de pied ses jambes, déplace ses pieds et ses petits orteils. Il serre les poings. À 11 semaines il suce son pouce, et a ses ongles. Le placenta continue à fournir la nourriture et l'oxygène, mais l'enfant peut avoir des expressions particulières et même sourire.
On a beaucoup parlé des droits de l’homme de la femme et de l’enfant, on ne songe pas encore à légaliser les droits de l’enfant déjà conçu et vivant dans le corps de la mère avant sa naissance.

19. Mauvais traitement en prison.
Encyclique du pape.
1.1 La Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948. Article 5 : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. »

J’ai souvent entendu des débats dans l’autobus de Flic en Flac sur la mort de Kaya et d’autres prisonniers dans des cellules de police, mais ce matin, le récit d’un deux femmes m’a déchiré. Celle qui faisait le récit avait l’air plutôt paisible, mais ce qu’elle a raconté à son amie fait frissonner.

- « José gagne batté dans prison. Li per di deux lédénts et so gensive fine coupé. Mo croire so côte fine fêlé. ».

L’histoire de José est pourtant banale. Il avait bousculé la femme d’un policier lors d’une altercation de voisin.
Le chien de la voisine passait son temps a aboyer, quand elle se mettait à l’assommer avec un bâton. José qui aimait les chiens, ne pouvant subit les cris affreux de l’animal, avait donné deux claques à la femme et celles-là ayant essayé de le frapper, il l’avait poussée et la femme s’était cogné sur le bord d’une porte et s’était blessée.
Son mari étant sergent, l’affaire s’est bien vite déroulée, et le pauvre José s’est vu enfermer en prison, où des policiers lui ont sévèrement maltraité pour lui donner une leçon et faire plaisir semble-il au sergent.
L’autre femme lui ayant demandé la réaction de la police en libérant José.

‘Zot dire, alle lacaze soigne ou, pou poursuive ou plis tard. Mo dimande zot qui faire fine batte li, zot dire moi :
- Personne pas pas fine batté, li fine blesse li même en tombant. ‘Qui pou croire nous ?

20. Créolise.

Vivre sans espérance c'est vivre dans le vide.
Octobre 2001.

En raison d’un problème musculaire, après un récent voyage en France j’ai été contraint d’abandonner les voyages par autobus. Les lundis après midi, mon fils m’a emmené en voiture à Flic en Flac pour le bain hebdomadaire. Après trois mois, il s’est blessé dans son travail avec un scalpel et c’était son tour de ne pas pouvoir voyager. J’ai donc repris le chemin de l’autobus à Quatre Bornes.
Pour le premier voyage de cette série, j’étais seul, car Denise souffrant d’arthrite ne poulait pas m’accompagner.
Derrière mon siège, il y avait deux femmes créoles assez âgées qui parlaient à haute voix. Elles étaient vêtues comme le sont souvent ces femmes, très modestement d’une blouse et une jupe ample assez longue. Elles avaient des bouches épaisses et des cheveux crépus. Une des femmes sans doute la plus loquace, racontait avec détails comment elle avait accueilli pour quelque temps son petit enfant, une fillette de six ans qui faisait ses délices. Elle a souvent répété que la petite était mignonne et intelligente. Cette fillette avait le teint clair du père et des cheveux droits.

-« Faudrait to ti trouve li après qui mo fine donne li so bain ! »

C’était vraiment son plaisir pour coiffer les longs cheveux de la fille. L’autre femme lui a demandé les nouvelles de la mère et du père de l’enfant.

J’ai eu alors droit à un étrange récit que l’on trouve parfois dans les livres de Balzac.
La mère déprimée, avait plusieurs fois eu à subir les sévices de son mari, qui souvent en chômage, s’adonnait à la boisson et rentré chez lui, il devenait furieux de ne rien avoir à boire et se mettait à la battre, parfois si violemment qu’elle devait se faire soigner à l’hôpital. Elle n’allait jamais voir la police et prenait son mal en silence. La grand-mère semblait avoir l’espoir de se voir confier la petite fille. L’autre femme écoutait en silence avec compassion. La jeune fille qui était à mes côtés, semblait sourire car elle aussi avait écouté ce drame familial, d’ailleurs banal mais très commun. Les jeunes ont une manière différente de celle des vieux de réagir devant la grande misère !
Le sort de ces créoles de petite condition m’a fait réfléchir sur bien des évènements qui ont eu lieu à Maurice depuis l’esclavage. C’est l’esclavage qui a conditionné ce peuple, et l’a rendu quelque peu amorphe et prêt à se résigner à un sort peu enviable.

L’histoire de Maurice vieille de seulement quatre cents ans, c’est l’histoire de quelques français venus de Bretagne et de Normandie pour coloniser Maurice. Ils se sont en grande majorité mariés entre eux et ont crée une lignée que l’on appelle les grands blancs. Ils possèdent des terres, des usines de canné à sucre, de grandes entreprises, de beaux campements et se sont enrichis avec le temps. Les terres que les ancêtres avaient achetées pour quelques roupies valent de nos jours des millions. Ils ont donc le moyen d’avoir des châteaux en France, et des appartements en Angleterre et en Espagne. Ils ont largement bénéficie de l’esclavage et possédaient des familles entières d’esclaves venus d’Afrique, notamment du Mozambique, mais aussi de Madagascar. A l’abolition de l’esclavage ils ont réclamé de l’administration britannique que l’on fasse venir des immigrants indiens de la grande péninsule. Prolifiques, économes et sages, ces derniers sont de nos jours la majorité et ont le pouvoir politique.
Des métissages divers entre blancs et esclaves ont au cours des années donné véritable arc-en-ciel de groupements ethniques. On trouve des blancs à peine métissés qui se sont mariés entre eux ou avec des blancs et sont devenus les petits blancs. Ils ont généralement plus de préjugés que les grands blancs et ont une façon bien à eux de parler le français, sans doute pour se donner le ton de la suprématie. Les métissages plus profonds, ont donné naissance à un nombreux groupement créole. Les créoles d’il y a trois cents ans se sont aussi mariés qu’entre eux. Ils ont le plus souvent la peau blanche, mais de temps en temps on voit un rejeton fort basané et même avec des cheveux presque crépus. Ils possèdent des biens, sont employés dans le privé ou ont un métier technique. Les familles ayant le teint clair se font appeler ‘les faire blancs’ par les autres familles qui eux se considèrent fièrement comme de vrais créoles et forment la classe des grands créoles.

On sera étonné d’apprendre que cette classe de créoles est subdivisée en plusieurs couches de différentes gens qui se font passer, les uns les autres, pour être les meilleures souches. Créole blanc, créole basané, créole noir. Il y a eu des mariages mixent entre ces souches. Dans l’échelle des dénominations créoles, des personnes de certaines familles, aidé souvent par le pouvoir de l’argent, vont grimper les catégories d’autres par la mésalliance, vont dégringoler. J’ai été apparemment J’ai hérité de ma propre famille d’être classé dans la catégorie assez stable de créole basané. Mon père était basané, ma mère blanche. Des sept enfants, deux seulement, moi-même et une sœur, sont basanés.
Au bas de l’échelle on trouve encore les créoles tout court ou le métissage est plus marqué. Ce sont les Ti créole et finalement, les créoles mozambique.
Il fait savoir que tous ces groupements fiers et farouches, ont pratiqué le racisme à différents degrés, les uns envers les autres. Les grands créoles ont longtemps travaillé comme fonctionnaires, occupant des situations allant de la direction au petit commis. Les petits créoles ont été surtout des artisans dans les entreprises sucrières ou des plantons dans la fonction publique. Chacun à sa place !
Les enfants des plantons ou ceux qui avaient de petits commerces modestes n’avaient d’ailleurs aucune chance d’améliorer leur sort.

-« Zenfant nénène pou reste nénène ! »

Les blancs avaient les moyens d’employer plusieurs créoles comme jardiniers, chauffeurs, homme à tout faire, femmes de ménage, cuisinières, nourrices. Le grand et moyen créole se contentait d’un ou deux serviteurs et il n’y avait fréquemment que la ‘nénène’.

Les femmes travaillaient un jour entier et les sept jours de la semaine pour un salaire dérisoire. Mes parents avaient deux serviteurs qu’ils payaient 10 à 15 roupies le mois. C’était le salaire convenu par tous. D’ailleurs l’argent avait énormément plus de valeur que de nos jours. Mon père, un maître d’école touchait 300 roupies par mois. Quand j’ai commencé à travailler après avoir poursuivi des études tertiaires au collège d’Agriculture, je touchais 150 roupies. Un fonctionnaire clérical touchait 60 roupies. Plus tard quand je me suis marié, je touchais 375 roupies. Nous vivions raisonnablement bien et nous employions notre ‘nénéne’ pour Rs 15 par mois.

Mes parents avaient un préjugé racial très prononcé envers ces petites gens. Je dois admettre avoir également hérité bien des préjuges à leur égard. Il est vrai que des différences d’instruction, d’éducation et même d’hygiène rendaient difficile une meilleure communication. Il existe encore de nos jours des traces de cette époque. Nous avons encore des employés de maison qui sont toutefois mieux payées et ont un peu plus de considération, mais pas vraiment beaucoup. Les enfants des ces familles luttent pour sortir du ghetto et avec l’instruction gratuite, ils arrivent à surmonter ces grandes injustices de classe pour avoir des certificats ou des diplômes et grâce à un meilleur travail, de monter en grade dans l’échelle sociale.
J’ai volontairement fait un long détour avant de revenir vous parler de mes deux voisines qui se rendaient à Bambous.
Elles appartiennent à des familles qui luttent désespérément à se faire une place dans notre société.
Ils ont des difficultés à trouver des emplois valables, d’avoir une maison, suffisamment d’argent pour vivre une vie décente. Ils n’ont parfois que le recours de la religion pour les encourager à être dociles et patients.
Une des femmes est presque la seule à parler et l’autre acquiesce par un hochement significatif de la tête. Elle dit son amertume d’avoir à travailler chez un patron exigeant.

-« Mo bisin faire la cuisine même si fine employe moi comme bonne. Mo gagne 1000 roupies par mois. Mo enan droit ène tasse di thé ec ène morceau di
pain ? Pou dézéner mo gagne ben reste la cuisine la veille. Parfois quand personne pas guette mo côté, mo mette ène trache jambon dans mo cabas pou mo zenfants.

La malheureuse va encore raconter :
« Ce qui me déplait c’est la façon de la femme qui n’a pas d’enfants et qui prend un air méprisable quand elle me demande ce que font mes enfants. Elle voudrait que je lui emmène ma fille aînée qui n’a que 13 ans pour travailler chez elle. Nous avons bien besoin d’argent mais je ne vais pas la faire quitter l’école. »
Les jours de fête, elle a encore plus de travail ans la moindre rémunération additionnelle. Ses patrons reçoivent alors plusieurs personnes, des amis riches comme eux qui mangent et boivent, en demandent encore et deviennent agressives envers les petites gens.
La femme disait à une autre. Il n’y a plus de serviteurs honnêtes de nos jours, il faut les surveiller ! Ils travaillent de moins en moins et réclament de l’argent en plus.
Ces serviteurs ne sont pas enregistrés comme tels et ne sont pas dans la catégorie de gens pouvant recevoir une pension. Ils n’ont que leur salaire et à la fin de l’année le 13e mois, qui est obligatoire, sans aucun autre cadeau. A eux de se débrouiller pour Noël et le Nouvel An.
Cette conversation à sens unique m’a assez ému. Pas de grandes plaintes, seulement la lassitude, le moral affecté et la tristesse de se sentir abandonné. Peu d’espoir, aucune velléité de révolté. On travaille et on subit. Elle s’est montrée toutefois quelque peu amère quand une amie de son employeur a dit avec méchanceté en parlant des serviteurs :

-« Cette racaille prend de plus en plus des airs, Si on pouvait s’en passer ? »

Chose étrange, elle en a pris peur, car elle a dit à l’autre femme assiste à côté d’elle.

-« Mo peur perdi mo place car zenfant bisin moi et mo mari pas toujours travail. »

Je me suis adossé violemment en songeant au triste monde ou nous vivons. Quelle cruauté de l’homme envers son prochain ? Il se dit pratiquant chrétien, Il va à la messe et considère pourtant les pauvres gens qui triment pour eux comme de la racaille et les menacent de leur priver de leur maigre pitance.

21. Enfants maltraités.

Certains hommes emploient la meilleure partie de leur vie à rendre l'autre misérable.
La Bruyère

Trois commères sur le siège à l’arrière du mien. Ce sont des femmes créoles de condition modeste avec des robes amples de couleurs rutilantes. Les tissus à 20 roupies le mètre que l’on vend à la foire de Quatre Bornes.

-« Zislaine, to pas croire moi mo sorte l’hopital quitte mo piti. To conné mo troisième, Ti Dany qui énan 7 ans. So papa fine encore batte li . Grands coup de poing comment dire li énan zaffaire avec boxère. Piti la pas fine fer exprès mais li fine tape ec so bouteille rhum qui fine tombé lor sali. Moi mo défende moi un pé, mais li passe moi gros gros calotte. Enfin mo fine résigé mo ser. Pas capabe faire narien quand li boire. Et li boire souvent. »

Les deux autres femmes hochent la tête avec un air sérieux et compatissant.
On se sent ému en face de cette petite confrérie de gens malheureux, victimes de mauvais traitement d’un ivrogne. L’homme est un tyran sans pitié pour l’homme !
La femme est restée silencieuse un moment et a continué presque avec des sanglots dans la voix :

-« Doctère pas ti lé croire qui mo mari fine batte piti là.
- Ou pa fine veille li et fine laisse li cogné dans la cour, n’a pas raconte zistoire are moi ! »

Grosse responsabilité des médecins, qui sans le savoir prennent parti pour le persécuteur.
Ne pas reconnaître les signes d'abus physiques expose l'enfant à subir des blessures plus graves.
Il y a plusieurs formes de mauvais traitements envers les enfants. Il y a les enfants qui sont frappés de façon répétée, qui sont bousculés, poussés avec violence vers un mur, d’autres sont brûlés avec des boissons bouillantes lancées à leur figure, Le tortionnaire peut dans sa folie coléreuse saisir brutalement l’enfant, le suffoquer,... Le médecin doit donc faire un bon diagnostic et bien examiner toute lésion traumatique des tissus mous, des os. Des signes inhabituels de traumatisme.
Un enfant qui déclare spontanément avoir été battue dit le plus souvent la vérité. Le malheureux gosse peut cependant nier avoir été victime d'abus ou se rétracter, par crainte des représailles de son tortionnaire.
La femme de l’autobus a emmené son enfant à l’hôpital après plusieurs heures Le parent maltraitant, parfois renvoie la consultation médicale pendant plusieurs jours. Ce sont souvent la la persistance de symptômes, la crainte de complications graves pour la vie de l’enfant qui obligent les parents à agir. Souvent c’est un voisin qui a entendu les cris de l’enfant battue qui insistent pour la conduire à l’hôpital, à la place d'un parent.
Des cas horribles ont été constatés même sur des bébés. Déchirure de la langue, de la lèvre chez des bébés. Lésions sur les joues, oreilles, abdomen, fesses, ecchymoses.
Ce sont les tous jeunes enfants, plus grande vulnérabilité, qui sont les plus dangereusement affectés par les abus physiques Ces enfants ne pouvant parler, se contentent de montrer l’emplacement approximatif de la douleur.
La société doit monter la volonté de les protéger et punir les coupables.

22. Exercices physiques.

Nous sommes souvent étonnés de constater l’excès d’embonpoint de plusieurs de nos compagnons d’autobus. J’ai vu aujourd’hui un homme obèse assis à côté d’une femme en sari pour dire le moins, grassouillet. Ils étaient à l’étroit sur ces banquettes qui manquent de largeur et la femme était visiblement inconfortable. C’est un fait que le nombre d’obèse est anormalement élevé à Maurice. Les habitudes diététiques mauvaises en sont responsables. Le prix du sucre à Maurice est très bas et favorise une consommation de sucre rapide, des bonbons et autres gâteaux sucrés à bon marché. Chez nos voisins réunionnais, c’est la même chose. Le taux de diabète est le plus élevé du monde. Figurez-vous que les Mauriciens de souche indienne consomment non seulement le riz mais des pâtes, un peu comme les crêpes françaises, des ‘Faratas et autres dhol pourries.’ Le dhol pourri est relativement vendu à bon marché, et attire des personnes de tous les âges. Les marchants de gâteaux piments peuvent aisément se faire également de gros profits. Les gens paient. Même quand j’étais gosse, ces gâteaux étaient fort appréciés. Le gâteau piment qui se vendait à un sou ou deux sous, avait une bonne taille et était perforé au centre pour permettre une cuisson plus complète. De nos jours le produit s’est rapetissé et il se vend des gâteaux à peine plus gros que les trous de nos anciens gâteaux. Ces gâteaux comme d’autres fritures sont cuites au moyen d’une grosse caraille, pleine d’huile chaude. C’est de la mauvaise graisse que l’on consomme et le marchand ajoute de l’huile au fur et à mesure. La même huile peut donc servir pendant longtemps.
A Quatre Bornes à côté de la foire, il s’est développé actuellement un nombre de plus en plus grand de ce que j’appelle des mini restaurants guérite. Dans des genres d’armoires en forme de guérite. Une seule personne se tient avec un amoncellement de dhol pourris placé dans des assiettes sur une table. Il y a parfois queue pour réclamer quand son tour est arrivé, 5 paires, 10 paires etc. On y ajoute du carry de pomme de terre ou de dhol ou de gros pois et des ‘chatinis’ pimentés. La commande est livrée en cornet ou en sac plastique transparent.
Une grosse assiette de riz, cinq paires de dhol pourris et des gâteaux piments, en consommation presque journalière, cela produit invariablement un individu plus qu’obèse. J’admets volontiers qu’il se trouve des individus privilégiés de taille fine qui peuvent avoir la boulimie et rester maigres. Il m’arrive parfois de m’arrêter pour admirer l’homme ou la femme qui fait passer cinq paires de pâtes rassasiantes et garder quand même la ligne. Je crois que dans d’autres pays, les problèmes de diététique ne sont guère meilleurs. Ayant passé quelques jours à Los Angeles j’ai pu constater les effets des hamburgers et des ‘King Size, Ice Creams’ (sorbets doubles ou quadruples) sur des gens. J’ai vu un jour toute une famille d’obèses dans un restaurant. Ils consommaient des assiettes de pâtes remplies plein bol. Ils me paraissaient pourtant fort à l’aise et semblaient heureux. L’embonpoint étant chose courante aux Etats Unis, il est possible de s’exhiber avec de gros ventres sans se faire remarquer.
A Maurice, de même qu’à la Réunion, le diabète affecte donc ces pauvres gens qui sont vite atteints d’artériosclérose et qui de surcroît ont un manque d’exercice.
Nous sommes entourés d’eau de mer et avons la chance d’avoir des plages magnifiques, mais une grande partie de la population n’en profite nullement. Le nombre de baigneurs est ridiculement faible ; très peu de personnes savent nager, et on ne voit des foules que les dimanches et les jours féries et encore, ils viennent pour le barbecue et le riz pilau.
Un étranger me voyant prendre un bain de mer m’a fait une remarque pertinente. Ou sont les autres pensionnaires, les gens d’un certain âge, sur cette plage ? En semaine le nombre de vieux sur ces belles plages est remarquablement faible. Quel contraste avec le nombre de vieux qui sont entassées su les plages en Europe ou en Australie.
A Maurice, les vieux ne prennent même pas la peine de pendre un autobus et d’aller profiter de la plage en semaine. On ne rencontre nul baigneur ou en nombre restreint.
Le manque d’exercice provoque non seulement le diabète mais des problèmes d’hypertension. Il n’est pas étonnant de constater que de nombreux jeunes sont atteint de cholestérol et avec des artères engorgées par la graisse, ils font des embolies et des infarctus. Les gens meurent de nos jours de maladie vasculaire à l’âge de 40 ans.
Que de jeunes espoirs décimés avant la cinquantaine ! La réaction ne s’est effectuée que dans des milieux de gens plus instruits, surtout ceux de la population générale. Il y a un engouement pour la marche sur de longues distances, tôt le matin, le jogging, le tennis et d’autres sports. Mon fils, par exemple, qui a un travail pourtant pas tout à fait sédentaire, fait du vélo. A 40 ans il peut rouler de longues distances allant d’Albion à la Rivière Noire ou d’Albion à Cap Malheureux.
Soixante kilomètres !

23. Histoire banale.

Pourquoi se plaindre de son sort Celui du voisin est pire.

- Nous étions deux enfants. Ma mère est morte quand j’avais j'avais 9 ans. Je suis allé habiter chez une parente une cousine qui avait cinq enfants. J’ai eu comme travail de m’occuper d’eux, faire la vaisselle, la lessive. J’avais très peu à manger et ne touchait pas de salaires. Je me suis enfui et mes mis à mendier dans les rues et devant l’église. La cousine m’a rattrapé un jour et m’a battue. Un cousin semblait avoir eu pitié de moi et m’a donné de l’argent. Un matin, il m’a entraîné dans le champ de cannes voisin et m’a violé. Il m’a menacé

: -« Reste la bouche fermée sinon mo touille-toi. »

Devenue enceinte la cousine m’a copieusement frappée et m’a flanquée à la porte.
J’ai recommencé de mendier pendant des mois. Un jour un employé des services sociaux m’a fait envoyer dans la maison d’un bon samaritain qui m’a donné le logement et la nourriture.

_« Mo famille, ça pas ene la vie ça ! »

24. Le chômage.

C'est pas vraiment de ma faute si y'en a qui ont faim,- Mais ça le deviendrait si on y changeait rien. Coluche.

Pas un nuage ce matin. C’est mi-septembre et le climat est encore tempéré, même sur le littoral.
J’avais remarqué que les passagers des autobus étaient de bonne humeur quand le temps était agréable et ensoleillé. Ce matin pourtant, il y avait deux hommes mal vêtus et les cheveux en broussailles qui racontaient à la femme qui était assise entre les deux les malheurs de leur misérable existence. Les deux étaient devenus chômeurs, car ils avaient été licenciés de l’entreprise où ils travaillaient pour cause de fermeture.

-« Nou ène des premiers qui ti pé travaille dans ça boulot là. Patron zamais pas pleigné et nou ti croire tout correct qaund li dire pas faire assez profit, bisin fermé. »

Le syndicat qui s’occupe de leurs intérêts est impuissant, car la majorité des travailleurs ne sont pas enrôlés comme membres. Ils auront donc à attendre longtemps pour toucher la maigre compensation généralement accordée par des entreprises en faillite. Un des deux se plaint de ne pouvoir retrouver un autre travail facilement étant plus âgé que l’autre.

-« Combien temps pou reste chômeur’ Ec sa létend difficile ! «

L’autre homme désabusé et aigri, montre bien sa colère en faisant le procès du méchant patron.

-« Zamais assez travaille. La loi pas compté. Nous forcé travaille plis sinon gagne menace.

Le patron disait

-« Nou en difficulté travaille plis l’heure sinon pou fermé. »

-« Patron plaigné mais roule BMW neuf. So famille aussi enan loto. Li faire nou travail même dimanche avec soi disant ene ti casse en plis ».

Il a entendu le patron dire à un autre patron :

-« Bisin faire zot travaille plis sinon zot pou gagne mauvais l’habitide et pou alle boire ec trainer dans cimin »

En 1807 Napoléon écrit : "Plus mes peuples travailleront, moins il y aura de vices, Je suis l'autorité et je serais disposé à ordonner que le dimanche, passé l'heure des offices, les boutiques fussent ouvertes et les ouvriers rendus à leur travail."

Douze heures de travail par jour, c’était ce que réclamaient les moralistes des siècles précédents. Il n’a pas eu beaucoup de changements. Malgré les syndicats on trouve encore les masses ouvrières, au travail pendant plus de douze heures: des hommes, des femmes et parfois, aussi, des enfants.
La population rustique travaillant dans les usines, pour enrichir davantage des patrons bien nantis, peuvent dire adieu à la liberté et la joie de vivre. Il s’agit surtout de survivre, de se reposer la nuit pour reprendre le travail à l'heure de l'ouverture.
L’état rappelle souvent aux travailleurs que leur travail enrichit la nation.
En effet, les travailleurs coopèrent à l'accumulation des capitaux, ne touchant jamais plus qu’un maigre pactole. S’ils ont un treizième mois, c’est accordé comme une aumône. Les politiciens bien calés dans leur fauteuil ministériel vont tonner dans des réunions politiques ou leurs paroles sont gavées par quelques travailleurs imbéciles.

‘Travaillez, pour créer votre bien-être !’

La loi de la production capitaliste, c’est les pauvres au boulot pour l’enrichissement des riches. Et quand il y a surproduction, les usines vont fermer et les pauvres travailleurs seront licenciés. Pendant les temps de prospérité, ce sont des propriétaires qui ont profité. Ceux qui ont peiné pour accomplir le travail sont maintenant renvoyés.
Avec le chômage, d’autres entreprises vont profiter pour avoir une main d’œuvre peu exigeante et tout à fait malléable.
25. Le ‘Ga.’

Je crois reconnaître le type de français breton ou Normand. Il vient de prendre place avec une fille très mince et élancée. Elle semble effacée en sa présence. Car il faut admettre, il a une belle prestance avec des moustaches épais et un visage quadrangulaire au teint rosé. La femme lui a demandé quelque chose, il se tourne un peu à sa gauche et lance d’une voix dédaigneuse, de celui qui a l’habitude de commander ou de se faire obligatoirement écouter.
‘On demandera au ‘ga’ quand il passera.
J’ai compris que le ‘ga’, c’est le receveur du bus. Pour certaines personnes qui se prennent d’en haut, les nantis, les PDG et autres importants, les fiers, ceux qui méritent le nom de gros cul, un employé quelconque est ‘le ga’. Le gars, le subalterne au service de tout un chacun, le rien du tout.
Je me souviens que de ma jeunesse je travaillais dans les services gouvernementaux et délivrais des permis phytosanitaires après l’examen des produits végétaux.
Un ami de longue date avec qui j’avais été à l’école du gouvernement de Beau Bassin, occupait un poste dans une firme privée. Il avait dans une famille ou les membres avaient subi un bourrage de crâne pour se croire supérieurs et plus importants que d’autres.
Il représentait le type même de l’arrogant, plein de lui, qui maniait le mépris d’autrui avec aisance. Il était dans mon bureau comme ami et je l’avais autorisé à téléphoner sur sa demande a une dame, probablement une de ses clients, de haute classe.
‘Oui madame, disait il mielleusement, tout est arrangé pour le certificat, le ‘ga’ est à côté de moi.

Ce n’est certes pas la première fois que quelqu’un me mentionne comme un ‘ga.’
Je ne dois pas avoir une apparence imposante j’en suis même certain. Mais a chaque fois que l’on m’a pris pour ‘le ga’ il y a eu un soubresaut une rupture pourrai-je dire dans ma timidité naturelle. Une révolte !

26. Les augmentations de prix.

Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. Par l'obéissance il assure l'ordre; par la résistance il assure la liberté. Alain.

Ce matin j’assiste à presque une conférence. Un groupe de quatre personnes qui occupent les sièges avoisinants des deux côtés du passage central a commencé une discussion à pleine voix faisant fi des autres passagers. C’est le coût de la vie qui est le sujet de conversation.
Un homme costaud d’un certain âge s’adressant à un couple de villageois s’enflamme.

-« Nou fine vote zot pou narien. Zot craze nous. »

Il s’agit de la menace du ministre des finances pour relever le taux de la Vat, taxe à valeur ajoutée, taxe perçue sur presque tous les articles de consommation et qui va faire grimper le coût de la vie. La taxe est également frappée sur les services, le téléphone, l’électricité et l’eau. Le ministre a prévenu que dans son prochain budget il compte augmenter la taxe. Il aurait expliqué qu’il lui fallait des sommes énormes pour le financement des projets de développement dont la construction d’écoles et l’implantation d’une cybercafé.

-« Qui ça !, pou faire lizine informatique faudrait nou payer ? »

Une femme ajoute.

-« Payé lors tout.Touzours pé paye encore plis lors courant, billet bis, tou ce qui nou bisin aceté. Ene zour zotte pou faire nou payer pou nou respirer»

Une troisième femme sur un ton coléreux

-« Déjà la vie bien dir, bisin triangé pou vive zot craze nou ec l’augmentation marchandises ! Livre cahier l’école tou ou augmenté. Ec ça salaire reste bas. Augmentation salaire compte goutte. Zot suce nou disang. »

Ce peuple qu’un ministre des finances a lu même un jour qualifié de ‘peuple admirable’ se sent à l’aise pour protester entre connaissances dans un transport public, mais ne sera pas capable de descendre dans les rues pour manifester. Les manifestations se font sous l’égide de syndicalistes avec l’appui des députés de l’opposition en quête d’un quelconque avantage politique. L’assistance reste toujours maigre. On a peur du pouvoir, peur de la police et on reste coi chez soi. Ce peuple n’a jamais compris que sa vraie force est dans l’unité et ne prend pas la peine de s’organiser pour faire entendre sa voix. Le Premier ministre avait un jour trouvé, avec raison que les gens ont ‘disang courpa’ (Le sang des colimaçons)

Ils subissent et se taisent. Le syndicalisme est faible ou nul. Leur petit nombre des membres ne sont jamais sensibilisé. Ils restent normalement amorphes. Il est vrai que notre système a quasiment aboli les grèves en les rendant presque impossibles. Le service civil avec ses moutons, ne fera pas la grève pour perdre ses acquis. On menace de faire des ‘go slow’ ce qui peut être perçu comme une lâcheté de ceux qui ne veulent pas prendre le risque d’affronter le pouvoir. Ce peuple ne peut pas être mobilisé pour une manifestation quelconque. Il se tait, penaud. Il est lâche, il est admirable !

27. Silence.

On est parfois surpris de la clarté de la lumière quand le ciel est dépourvu de nuages et ce matin d’un jour de mai, on ressent une quiétude apaisante. Ce climat tempéré est une vraie bénédiction pour les îlois que nous sommes. Il fait bon vivre à Maurice pendant la saison froide.
Je sens que les passagers de ce bus ont l’envie de profiter du beau temps. La bonne humeur semble de règle. Je me cale confortablement au fond du siège et ferme les yeux. Dehors on entend les roues crisser, un léger vent qui réussi de pénétrer par un vitrail à peine entrouvert, caresse les joues. Il me semble que je ne sois pas le seul à vouloir goûter le plaisir de la quiétude. Tous se taisent. On entre, on repart, tout le monde semble rêver. Je souris à une vielle dame assise de l’autre côté du passage, et elle me rend un autre sourire très suave. Je pense au sourire énigmatique de la Joconde. Cette dame, et moi même, nous chérissons nos secrets.
Le trajet vers Flic en Flac sera silencieux. On vit sans penser.

28. La consommation et les consommateurs.

-« José fine acheté benne meubles neuf pou nou salon. »

J’entends derrière mon siège les bavardages de trois femmes plutôt jeunes. Je me retourne légèrement pour apercevoir une frimousse radieuse d’une jeune fille pleine d’embonpoint. L’autre femme petite comme un elfe, a un menton pointu et des joues rentrantes. Une troisième femme plus mûre, a relevé son pull jusqu’au haut du cou et se tient raide et grave. Elle participe à peine à la conversation.
Eliane est la petite qui anime la conversation.

‘Mon mari m’avait accompagné l’autre jour à Courts, c’est le nouveau nom de Mammouth, et on voulait avoir une novelle télé. Nous sommes rentrés, non seulement avec la Télé mais avec un meuble pour Tv et deux fauteuils en rotin.’

Il est vrai que l’on ne paie rien tout de suite mais chaque mois il faudra rembourser pendant 30 mois.
Ces trois filles semblent appartenir à des classes assez aisées et ne se font certes pas du souci pour s’endetter un peu, mais je ne peux m’empêcher de songer qu’il y a d’autres familles qui sont tentés par l’achat au crédit et s’endettent plus que nécessaire. Songez que le criant slogan ‘pas de dépôt, paiement en trente mois’ doit faire des ravages. On veut tout avoir tout de suite. Pour certains de l’audio visuel, pour d’autres les meubles. Ce bon lit ces matelas confortables, cette belle pendule que l’on n'a pas réellement besoin, ces lampadaires.
On achète sans payer un sou, le paiement dans un mois sera le réveil. Et les trente mois vont paraître très longs. Le vendeur leur a dit : La cuisinière à cinquante roupies la semaine ! Cela semblait minime, mais ce sera plus de 400 roupies par mois pendant deux années et demie !

29. Faire le pape avoir honte.

La vie est pleine d'absurdités qui peuvent avoir l'effronterie de ne pas paraître vraisemblables. Et savez-vous pourquoi ? Parce que ces absurdités sont vraies. Pirandello.

-« Lé pape même fine honté »

Une voix aigre deux rangées plus bas. C’est une femme grassouillette qui parle à haute voix à un homme âgé. Tous les passagers ont entendu sa voix. Une jeune femme assise à côté demande ce qui s’est passé. L’homme répond d’une voix grave :

-« Des prêtres catholiques américains se sont rendus coupable de pédophilie et ont été protégés par des évêques.
C’est vrai c’est ène la honte Zotte ti bisoin démissionné ec faire prison.’

L’acte de quelques prêtres déments a été reconnu répréhensible par tous et le pape en a été fort chagriné. Le célibat des prêtres n’est pas remis en question. Il s’agit cependant d’une véritable tendance qui nous laisse perplexe. Le démon s’acharne plus, on le sait sur les proches serviteurs de Dieu, mais c’est incompréhensible qu’ils ne trouvent pas de force contre la tentation. Je pense qu’il doit s’agir de cas de personnes ayant eu longtemps une tendance aux dépravations sexuelles. C’est à l’Eglise de prendre les mesures que tout le monde attend et intervenir rigoureusement dans les séminaires. Comment évangéliser quand les prêtres font état d’une déchéance inqualifiable,
On sent l’horreur quand on pense que ces prêtres coupables ont accompli le miracle de la Transsubstantiation et ont distribué le corps du Christ aux fidèles.
J’étais à la messe dimanche dernier, et pendant le sermon sur l’évangile du jour. Le choix des apôtres et J’ai été étonné d’entendre des paroles que je qualifierais d’absurde d’un vieux prêtre.

-« Nous entendons de nos jours des gens se plaindre de leurs prêtres. Un tel boit, un autre danse, un autre encore va jouer aux courses. Jésus n’a pas choisi des saints, ils sont devenus saints bien plus tard. Simon Pierre était un vantard et un menteur. Il allait défendre le Christ mais l’a renié. Il était un vagabond qui marchait avec un couteau. (En relation, je suppose, avec l’oreille coupée lors de l’arrestation de Jésus.) Jean et Jacques voulaient la première place. Thomas ne croyait pas son ombre. Judas le traître. Matthieu un homme d’argent, un voleur. Pire encore, Simon le zélote un révolutionnaire, un terroriste comme Ben Laden ! »

Quelle exagération !

Et notre curé achève en révélant suavement :

-« Moi-même Dieu m’a choisi. Vous, vous ne m’auriez pas choisi comme prêtre avec tous mes manquements ?

-« Pénan simin ou pas ti pou choisi moi ! »

Je pense que nos prêtres, dans les actes comme dans leurs paroles ont de nos jours pris une voie très dangereuse. L’Eglise est en crise. Le pape et les bons évêques le savent. La Vierge Marie lors de ses apparitions l’a affirmée. Je ne peux m’empêcher de penser au Père Laval qui passait son temps à genoux dans son église hors des services. Qui priait et priait !.

Un prêtre me disait un jour qu’il fallait qu’il se rende à son travail !
Il n’est guère étonnant que la voie est grande pour l’anticléricalisme. Beaucoup de catholique ont pratiquement délaissé leur église et certains ont même perdu la foi. Il fait constater avec horreur que dans certains cas, les prêtres en sont eux-mêmes responsables.

Oui madame vous avez raison. Le pape doit avoir honte.
Pour Saint Pierre, mal compris ou mal présenté par un prêtre, je dis cette prière :

« Saint Pierre, qui, le premier, à la voix de Jésus, avez tout quitté pour le suivre, priez pour nous.
Saint Pierre, qui avez connu et confessé la divinité de Jésus, par révélation du Père céleste, priez pour nous.
Saint Pierre, qui êtes entré le premier dans le tombeau de Jésus, priez pour nous.
Saint Pierre, qui seul avez été établi par Jésus le fondement de son Eglise, priez pour nous.
Saint Pierre, qui, le premier, après la descente du Saint-Esprit, avez annoncé l'Evangile, priez pour nous.

30. Les Tee Shirts.

Nous avons eu droit aujourd’hui a une agréable innovation. J’ai pensé qu’il était vraiment dommage que ce ne soit guère permanent. En arrivant à l’arrêt d’autobus, le contrôleur nous a criés : Bus express. Direct Quatre Bornes. Il y a un problème, la route est bloquée. Le bus ne va donc pas se rendre comme d’habitude, par Bambous. Je ne sais qui est responsable de l’organisation des bus en ce moment mais il semble y avoir un sérieux manque d’idées. On aurait du avoir organisé les programmes pour que les bus aillent régulièrement sur les trajets Q. Bornes - Flic en Flac Express. Mais encore, Quatre Bornes-Bambou Express tout en conservant des bus Quatre Bornes- Flic en Flac via Bambous.

Un peu plus haut que notre siège, un policier aux cheveux blanc était assis. Il portait une moustache style 1900 et avait des sourcils touffus comme ses moustaches. A un arrêt de Palma, une femme grassouillette aux cheveux crépus est descendue. Je ne l’avais pas remarqué quand elle était dans l’autobus. Elle portait un Tee shirt blanc. Y était ostensiblement écrit : Police.
Elle frôla le policier en passant et en regardant celui-ci avec amusement et curiosité, j’ai remarqué avec étonnement, qu’il n’avait démontré aucune réaction.
Les moustaches n’ont pas frémi, les sourcils indifférents. On ne sourit pas facilement dans certains milieux policiers. Aucun sens de l’humour !
Le Tee shirts, porté assez fréquemment par des jeunes, et même quelques-uns qui sont moins jeunes, peut prendre des aspects étonnants.
J’ai souvent vu ce genre de vêtement dans les autobus.
Les chemises sont bariolées ou tachetées, ou simplement blanches, mais toujours avec un slogan qui se veut humoristique. Sur celui d’une femme avec de gros seins agressifs on peut lire à la bonne place : « N’y touchez pas ! »
Plus souvent c’est dans le dos que l’on peut lire : ‘Mo content mo Rhum moi’ ‘Célibataire’ ‘Pince sans rire’ ‘Dommage !’ ‘Ziqu’a quand’ etc.

31. Les visas pour voyageurs à l’étranger.

Une femme indienne porte un magnifique sari bleu et or de couleurs chatoyantes. C’est selon moi un luxe pour un voyage par autobus. Sa compagne paraissant timide, lui a demandé les nouvelles de ses enfants établis en Europe. Sa fille étudie en Angleterre et son fils travaille en Italie.

-« Mo ser mo pou racnte toi qui dominère l’ambassade anglaise fine fer are moi »

Les deux enfants expatriés, n’ont pas eu de permission officielle de travailler ou s’établir. La fille avec l’aide d’une amie ayant un permis de travail et qui avait même pu acquérir un appartement lui a invité de passer les fêtes du nouvel an en Angleterre
Elle a donc accepté de subir les contraintes d’une demande de visa. Après plusieurs visites, on lui a demandé de faire voir son carnet d’épargne en banque.
Finalement c’était pour s’entendre dire de demander une autre fois, car on lui refusait un visa.
J’ai personnellement subi bien des tracasseries, dans mes démarches pour obtenir un visa en France ou l’ambassade a des employés qui agissent comme ceux de l’ambassade anglaise. On reçoit des gens comme des mendiants.

-« Qui faire ou lé alle en France ? »

Ma sœur, dont l’orgueil a pris le dessus, écœurée, a même refusé d’obtempérer à des demandes excessives et humiliantes de renseignements, a préféré refuser d’aller mendier un visa pour assister à notre anniversaire de noces d’or.

Quand des français viennent chez nous, ils sont accueillis à bras ouvert. Il n’y a pas de limite à notre hospitalité. Ils n’ont pas a fare de déclaration aux autorités pour certifier combien d’argent ils emportent. Ils n’ont pas besoin de visas.
Mais le mauricien qui voyage, c’est autre chose. Un paria indésirable,qui doit avoir un certificat d’hébergement,des assurances maladie, des assurances en cas de mortalité, qui doit prouver combien d’argent il va dépenser. La banque doit certifier qu’il y a bien une somme d’argent considéré essentiel par l’ambassade.
Il lui sera exigé, des billets d’avion, avec la mention du jour exact de son départ et de son retour.
S’il obtient son visa, en étouffant son amour propre pour aller voir un enfant ou un parent, il va dépenser toutes ses économies pour le bien être de l’économie française ou anglaise.

32. Narcissisme.

C’est normal que lorsque l’on prend place dans un autobus, et que l’on va y demeurer pendant presque une demi-heure ou trois quarts d’heure, on s’attend a passer une période d’inactivité. Certains passagers lisent un journal, d’autres un roman ou un livre de prière. Le Padro Pio disait que l’on peut prier n’ importe où n’importe quand. Prier avec dévotion dans un autobus n’est pas plus difficile que de prier dans une église. Il s’agit de se concentrer et on est connecté à Dieu.
J’ai toutefois remarque qu’il y a certaines personnes qui se plaisent dans l’inactivité et s’occupent alors…d’eux-mêmes.
C’est une jeune fille, qui les bras croisés, contemple ses ongles. Belle manucure, la couleur un peu voyante ? Un rouge éclatant qui fait mal aux yeux. Pourtant elle ne quitte pas ses doigts du regard. Elle semble même parfois faire ‘belle menotte‘en tournant artistement ses mains, paume en haut et paume en bas.
Regardons son visage. Elle semble calme et contente d’elle-même. Il n’est pas défendu d’être coquette.
Ce matin toutefois, j’ai laissé mon regard se reposer sur un touriste assis seul au siège opposé au mien. C’est un bel homme grisonnant au teint un peu hâlé mais rosé. Il porte des moustaches dont les extrémités vont descendant et viennent rencontrer une petite barbiche claire mais soigneusement taillée.
De temps en temps il passe la main sur la moustache ou saisit brièvement sa barbe. Son regard semble perdu. Il aurait plaisir à se contempler dans un miroir. J’ai alors eu cette curieuse pensée que les autobus auraient du se pourvoir de miroirs un peu partout pour le confort des passagers. Les narcissiques qui sont nombreux, pourraient alors s’adonner à leur passe temps favori, se contempler soi même.
Ce beau jeune homme m’a fait penser à un de mes beaux-frères. Il avait lui aussi un teint pâle et rosé. Sa moustache était délicatement dessinée. Un vrai travail d’artiste et la barbe s’y mélangeaient avec goût. Sa barbe, peu touffue, remontait sur une partie de joues et semblait diffuse en s’étalant, avant de s’effacer.

Les circonstances de la vie aidant, j’ai habité dans la même maison que ce beau-frère quand sa femme, ma sœur cadette s’était envolée pour un voyage à l’étranger. C’est alors que j’ai fait connaissance avec le narcissisme masculin. Tous les matins il s’adonnait au rasage. C’était un vrai labeur. Il restait planqué devant le miroir pendant au moins trente minutes. On croirait qu’il enlevait poil par poil, caressant le tout en même temps. Parfois il prenait du recul pour contempler le résultat.
J’ai compris alors pourquoi j’avais eu l’impression que quand il parlait, l’articulation des mots semblait calculé pour faire valoir ce décor somptueux : cette barbe soignée avec amour.
Que de temps perdu tous les matins pour se rendre le visage plus attirant !

Avant de descendre de l’autobus, je n’ai pas pu résister à l’envie de regarder une fois encore notre bel homme à la moustache, toujours préoccupé par sa petite barbiche. Voilà quelqu’un ai-je songé, qui s’aime bien. Comme mon beau-frère, aujourd’hui parti dans un pays étranger et lointain mais qui doit même avec l’âge conserver chaque matin une occupation …primordiale, qui le comble de plaisir.

33. Le rêve impossible.

J'aime celui qui rêve l'impossible. Goethe

C’est au meilleur endroit de Flic en Flac, là où le bain est le plus agréable que le bus ne s’arrête pas. Les passagers amateurs de la plage ont donc l’obligation de descendre plus loin et de faire un brin de marche avant d’arriver au bon endroit.
Ceux qui ont la charge d’organiser les arrêts de bus, sont vraisemblablement des gens qui roulent en voiture et n’entrent jamais dans un bus. Il s’agit pour eux d’organiser le transport des gens, de recueillir le montant des tarifs et c’est tout. Le confort des passagers, cela n’entre pas dans les calculs.
Le ministre et ses fonctionnaires ont, d’autre part, d’autres chats à fouetter que d’étudier le meilleur arrêt pour que les passagers ne marchent pas trop.
Ce matin, j’étais parti pour Flic en Flac malgré un mal de dos causé probablement par un faux mouvement. J’ai donc senti un petit chagrin quand le bus a passé devant l’endroit ou le bain est le meilleur, pour s’arrêter bien plus devant des maisons nouvellement construites.
Un propriétaire de campement riche qui ne voyage jamais par bus, peut facilement convaincre un ami puissant du ministère de faire placer un arrêt de bus près de sa maison. Le petit, le pauvre bougre n’a le droit que de s’en accommoder.
J’ai rêvé de gens intelligents, de loyaux fonctionnaires, des responsables du transport public, prenant les intérêts de ceux qui ne voyagent par obligation que par le bus. Dans mon rêve insensé j’ai même vu des bus prenant de la route une fourche, un raccourci menant à l’endroit du bain, déposant des passagers tout joyeux, et s’en allant de nouveau vers la route, le conducteur et le contrôleur contents d’avoir pu contempler le ressac et de respirer un bon coup l’air salin de la mer avant de retourner en ville vers la pollution des échappements mal réglés des bus, et autres gros véhicules. Rêve impossible !

34. Signe extérieur de richesse.

Trois messieurs ont pris place non loin de mon siège. L’un des deux regarde par à travers la vitre une grande bâtisse qui ressemble plus à un hôtel q’une maison. La porche rutilante et complexe a du coûter une fortune. L’homme ricane et dit à son voisin :

« Ene pauvre boug ça ! »

Des pavures boug comme celui là ayant construit des palaces un partout n’est donc pas unique. On se demande parfois d’où vient l’argent. La loterie, les gains aux courses, c’est ce que dévoilent les timides enquêtes. Toujours est-il que les apparences éclatantes de richesse ne troublent pas vraiment les autorités. On a souvent entendu parler de l’argent de la drogue et du blanchiment mais rien ne semble empêcher ou ralentir la progression des grandes maisons, construite avec une richesse incomparable.
Cela étonne de voir une telle construction luxueuse
Chaque année, c'est par des millions de roupies que l'argent sale de la fraude, de la corruption et de tous les trafics se déverse dans notre pays. Face à cette menace, , la Justice tente de faire respecter les lois et menace d’agir Elle n’a pas toujours les moyens d'agir. Les grands barons de la drogue sont puissants.
Veut-on vraiment punir le crime de blanchiment de l’argent de la drogue. ?
Nous savons que cela existe. Fraude fiscale, escroquerie, pots de vin pour de grands services rendus par des politiciens, des policiers, recyclage d'argent sale. Peu de gens sont condamnés et sont en prison. Un des hommes a eu la réflexion suivante.

-‘‘ Maurice Ziste voleur poule alle en prison. Gros bonnet ec grands avocats zotte acquitté.’

Il faut étudier tous les mécanismes de fraude et de blanchiment qui semblent se répandre dans le monde des affaires. Les soi disant paradis fiscaux servent de milieu d’action ses criminels. Il y a aussi la complicité et la tolérance politique.
Les mafias de drogue vont tout faire avec parfois beaucoup de connaissance pour introduire dans nos économies l'argent provenant de leur sale métier. Nous savons que Maurice a été contaminé par ces gens. Depuis quelques années, la Belgique et plusieurs pays européens se sont dotés d'une législation anti-blanchiment, une loi qui a fait preuve d'une certaine efficacité.
Les grands criminels économiques sont rarement inquiétés.

35. Une histoire de vol.

Deux femmes créoles plutôt jeunes sont assises devant nous. Une d’entre elle demande à l’autre des nouvelles de sa sœur, Jeanne, qu’elle n’a pas vu depuis longtemps. Elle a appris qu’elle a divorcé de son mari.

- Elle a eu subi beaucoup de déboires, et c’est chagrinant de la voir. Elle a beaucoup maigri et a des problèmes d’ulcère à l’estomac.

-« Qui fine arrive li, mo ti conne li bien gai pourtant. »
-« Ma chère, li n’é pli envie rié. »

La femme raconte alors une histoire assez étonnante qui me laisse perplexe. Le mari de sa sœur est un policier assez important, membre du service secret, CID. Jeanne avait depuis peu suspecté qu’il avait des relations avec une jeune femme, Joëlle, travaillant comme caissière dans un supermarché. Elle était devenue sa maîtresse.

-« Jeanne dire moi c’est ène ti zénesse qui li couvert ec cadeau. »

Le policier faisait des difficultés pour donner de l’argent à sa femme qui heureusement gagnait sa vie comme couturière. C’est d’ailleurs par une de ses clientes, qu’elle avait appris, que son mari entretenait une autre femme.

-« Mo ser to pas pou croire ce qui mo pou raconte toi. »

Son mari avait envoyé un mécréant, sans doute un voleur récidiviste, qu’il connaissait bien dans sa profession, pour voler les bijoux de sa femme. L’homme savait exactement où quand et comment opérer pour faire son larcin. Tous les bijoux furent donc emportés. Jeanne qui soupçonnait que son mari avait quelque chose à faire avec ce vol s’est rendue à la police, mais sa déclaration n’a pas été prise au sérieux. Elle a demandé pourtant que l’on perquisitionne chez la maîtresse de son mari.

L’affaire s’est complique quand elle est allée consulter un avoué recommandé par une cliente. Les policiers ont été contraints d’accepter de faire une perquisition chez la jeune femme qui vivait maintenant avec le policier.
Rien. On ne trouva aucun bijou appartenant à Jeanne.
Celle-ci a été un jour surpris de recevoir la visite de Joëlle, qui lui a révélé que son chenapan de mari avait une deuxième maîtresse, une Seychelloise qu’il avait connu lors de ses déplacements. Il avait récemment fait le va et vient entre Seychelles et Maurice pour une enquête..

-« To ben bijoux Seychelles’ devait-elle s’entendre dire. »

La pauvre Jeanne n’a donc pu rien faire, et n’a qu’une consolation, c’est de s’être débarrassée de son mari.
Cette étrange histoire m’a fait penser à la corruption grandissante dans le fonctionnariat, la douane et la police.
Admettant que les salariés ne sont pas très rétribués, il est difficile de tolérer les abus de toutes sortes. Chacun veut trouver un moyen pour créer d’autres sources de revenus. Il y a d’abord les ‘bribes’ pots de vin, puis l’argent que l’on réclame pour des facilités d’obtenir des permis, etc. Le public est entré dans ce jeu et paye volontiers pour n’avoir pas à patienter pendant des mois. Les policiers du trafic en font un usage régulier. J’ai connu un chauffeur d’un camion que nous avions réquisitionné pour un déménagement de meubles. Il me réclama une somme additionnelle, qui, disait-il servirait à soudoyer l’agent policier de la route, afin d’éviter les vérifications soi disant mécaniques : Les pneus mal gonflés ou trop usés, le frein à bras mal réglé, une lampe qui n’allume pas ou encore, des papiers que l’on ne peut produire immédiatement.

-« Bisoin éne ti cache dans poche pou faire face ! »

La corruption n’a jamais pu être combattue par des gouvernements successifs, le peuple considérant que les politiciens étaient plus corrompus que les fonctionnaires. C’est un fait que de nombreux politiciens se sont enrichis après avoir été élus. Demandez à votre voisin ce qu’il en pense et il vous dira que nombreux sont ces corrompus qui possèdent plusieurs maison, ont des campements et des voitures de luxe. Nous avons connu de gros scandales de corruption, dans tous les services para nationales, la compagnie d’aviation, les boutiques hors taxes à l’aéroport.
Aucun responsable n’est aujourd’hui en prison. Il semble même, que chez nous les prisons sont faits pour les petits délinquants seulement.
Aller en prison, ce n’est pas pour les riches qui peuvent se payer de grands avocats
Pourtant, nous sommes à Maurice. Il est donc très facile d'aller en taule sans commettre un énorme délit. Jadis le voleur de poules était un candidat fréquent. Un accident de voiture peut théoriquement en être le motif, mais les avocats se débrouillent pour créer le bénéfice du doute.
On y va plus sûrement en faisant des chèques sans provision. Rarement en faisant faillite.
Parfois, on peut être victime d’une affaire de famille, d'un voisin jaloux. Une erreur judiciaire peut subvenir. IL est plus facile d'aller en prison, si on est pauvre et chômeur. Les conditions d'hébergements sont pénibles et parfois même intenables. On peut y faire des dépressions et avoir l’envie de se suicider. Nous avons eu de nombreux pendus récemment.
Si on a une gueule qui déplait trop aux gardiens on peut se faire tabasser et même blessé mortellement. Dans ce cas le policier n’est pas en cause, on a du se cogner sur le mur. La durée de détention est rarement plus de trois mois pour les voleurs de poule. Plus pour les affaires d’argent. Beaucoup plus pour coups et blessures, vols avec effraction. On s’approche du perpétuel avec les vols armés, les viols, le meurtre sans intention de tuer. Pour l’assassinat prémédité, c’était la mort mais c’est quasiment devenu la perpétuité. Les bons citoyens, les bons religieux, en ont insisté.
Une fois en prison il faut des connaissances et avoir suffisamment d’argent. L’argent mène à tout, même en prison, On y trouve tout, même l’alcool et la drogue. Mais tout se paie.
Si, le prisonnier veut un peu de sucre, des cigarettes et même du vin, il peut commander auprès des gardiens. On peut même demander de la drogue au prix fort.

36. Dhol pourris.

Assis non loin de nous, une famille de trois. L’homme plutôt obèse, la femme rondelette et une fille encore jeune mais grassouillette comme ses parents.
La femme cherche dans une tente sorte de panier d’oseille avec couvercle et sort un colis contenant bien rangés des papiers gras enroulés. Je comprends aussitôt qu’ils ont fait l’emplette de leur déjeuner, des Dhol pourris, vendus près de la foire de Quatre Bornes. La femme distribue les dhol pourris et la famille se met à mâchonner en regardant timidement de notre côté. Il fait avoir faim ou un sérieux creux pour consommer son déjeuner dans un bus. Il faut reconnaître que les Dhols pourris sont meilleurs chauds. Le goût est excellent si la pâte est bien faite. Certains cuisiniers on ayant la renommé de cuire les meilleurs dhol pourris ont fait fortune. Je me souviens avoir été souvent à Trou aux cerfs, Curepipe attendre mon tour devant la maison d’un marchant de Dhol pourri pour prendre mes 4 è 8 paires, avec ou sans chatini. La paire se vendait alors que 5 roupies
Le dhol pourri se fait avec du dhol gram que l’on trouve dans les boutiques et supermarchés. On les trempe pendant la nuit et le lendemain matin on en fait une pâte en l’écrasant au moulinet. On fait cuire la pâte jaune après avoir introduit les épices, anis, cotomili etc.
Le dhol pourri est consommé partout dans l’île et par toutes les ethnies, mais particulièrement par les hindous qui en font quelquefois une consommation journalière.

Dhol Pourris et faratas, (galettes de farine) sont responsables de l’embonpoint de bien des gens. Plusieurs jeunes en consomment à n’importe quelle heure, hors de repas, par pure gourmandise.
Je me souviens d’un ami aujourd’hui décédé qui me parlait de ses maux d’estomac mais qui s’arrêta devant le marchant de dhol pourri se mettant à réfléchir et disant
: Donne-moi deux paires.. non- quatre paires ! L’ami ne peut résister au plaisir de sa gaufrer, comme il avait sans doute l’habitude.
Un autre ami de travail s’approvisionnait avec un marchant ambulant qui fréquentait les bureaux. On le distribuait à crédit et les fins de mois il recevait une note de 60 roupies pour Dhol Pourris.
Le dhol pourri c’est le plaisir des gourmands mais aussi le repas du pauvre, comme je l’ai constaté dans le bus. .
Je pense que l’obésité de plusieurs de mes compatriotes doit beaucoup à cette nourriture. Le Dhol pourri est bien entendu plus nourrissant que le farata, avec les protéines et vitamines du dhol gram, une excellente légumineuse. .
C’est une vraie industrie à Maurice.
L'industrie alimentaire des marchés de légumes et de foires, livre avec le dhol pourris et les faratas d’autres produits prêts à consommer. Pain frit, gâteau de bringelle ou aubergines. Il y a aussi la vente de "plats cuisinés" carri de pomme de terre, achards, carri ourite, poisson frit. Cela témoigne peut-être du manque de temps de la femme salariée.
C’est plus facile de manger sur place et à bon marché.
Voyons un peu, la famille qui mangeait dans le bus, avaient consommé environ 3 paires par personne soit 9 paires à 10 roupies la paire ou 90 roupies. La bonne cuisine traditionnelle est maintenant devenue inadaptée à l'emploi du temps de la femme salariée. Certains vont au Mac Donald pour plus cher
Curieusement j’ai constaté que beaucoup d’hommes sont employés dans cette industrie de travail domestique. Ils font la cuisine et vendent sur place ou comme marchands ambulants.
Ne croyez pas que ce travail domestique est onéreux. On y gagne beaucoup d’argent sans avoir à payer la taxe et bien de marchands de dhol pourris et de gâteaux piments ont voitures, pignon sur rue et même des campements près de la plage qu’ils louent aux fonctionnaires et autres grands messieurs.

37. Le menteur.

Sans le mensonge, la vérité périrait de désespoir et d'ennui. Anatole France.

J’ai écouté ce matin une histoire assez cocasse, comme on dit.
Il arrive parfois que des mauriciens établis à l’étranger voyagent par autobus et quand ils rencontrent des amis qui n’ont jamais voyagé, ils racontent parfois de vraies fables. Un gaillard d’un certain âge portant des vêtements serrés, jeans, peu propices pour le climat mauricien, et exhibant fièrement sur sa chemise rutilante et bariolée le slogan. “Here I come!”

Son ami lui ayant demandé ou il va à la messe à Sydney, Il le regarde avec un air mi-méprisant mi-compatissant et lui dit :

-« Monoir, nou l’église, li tellement grand to pas pou capabe réalisé « Passe la quette à motocyclette. »

Faut-il en rire ?
Le Mauricien un peu con, selon toute vraisemblance n’a pas le temps de réfléchir, il ne fait que hocher la tête. Il dit à l’Australien nouveau.

-« Mo alla zoine ben camarade Flic en Flac pou ene picnic. Mo ammène carri porc ec embrevade. To pénan ça la bas ? »
- « Qui to raconté ? Nou pas bisin casse embrevade, nettoye li, to nec ouvert ene boite. Mari bon. Bel bel embrevade comment ti pois. »

C’est trop ! Je me détourne et regarde le paysage.
Un journaliste étranger a fait une enquête sur les mensonges. Il a trouvé que certains menteurs disaient en moyenne 200 mensonges par jours. Tous nous avons menti et mentons encore de temps en temps, mais il se trouve des gens comme notre visiteur d’Australie qui vit de mensonge. Il finit même par croire ses fantasmes.

38. Célébrité et grandeur.

Le nationalisme, c'est un patriotisme qui a perdu sa noblesse.
Schweitzer Albert.

Deux vieux et deux jeunes sont entrés dans l’autobus en même temps. Les jeunes continuent une conversation sur la politique ;

-« Oui ! « Ene grand dimoun ça ministre là. Plisse qui Chacha. »

-« Mo pas ti a dire ça Personne pas plis grand qui Chacha. Li ti éna ène vrai grandeur. »

Chacha c’est le nom donné à Seewoosagar Ramboolam qui a été Premier ministre de Maurice et a qui on doit l’avènement à l’indépendance. Une indépendance toutefois acquise sans grande lutte, car les colonisateurs d’alors, les Anglais voulaient hâtivement se débarrasser de Maurice.
Si Maurice est devenu une nation un peu sans patriotisme et sans âme, c’est à cause de cela.
Un des vieux dit aux jeunes :-.
-« Faire attention. Ni Chacha ni n’importe qui dans politique pénan aucaine grandeur . Zotte capabe
célèbre ? Dimoun conne zotte, alle zotte meeting laisse zotte couilloner vote zotte. Ou cape dire zotte célèbre ? Célebrite ec grander deux quique chose.

La sainte Vierge enan grander ; Pçre Laval enan grander.Le pape zen Paul enan grandaire, Sainte Thérèse, Mahatma Ghandi enan grandaire, Cardinal Margeot enan grandaire!

Je hoche la tête et j’approuve en silence.
La célébrité est accessible aux acteurs et aux chanteurs. Beckham et Céline Dion.
La grandeur est réservée à ceux et celles qui vont marquer leur temps pour toujours.
Les jeunes ont tendance à s’enticher bien vite des quelques dirigeants bien dans le vent qui sont prodigues de belles paroles et de promesses parfois creuses. Le fait est qu’il existe une pénurie de dirigeants dignes de confiance, bons, honnêtes et ayant une grande moralité.
Le vieux qui a sagement guidé les jeunes ne sait pas qu’il est lui-même un dirigeant. Son opinion a été appréciée par moi et écouté par l’autre vieux et les deux jeunes qui ne l’ont pas contredit.
Un bon ministre, c’est une personne qui n’est ni nationaliste ni communaliste, et qui possède une grande vision – Certains ne voient que les choses du moment et se cantonne égoïstement vers l’accumulation de biens matériels, vers les plaisirs.
Gouverner, c’est l’aptitude et le pouvoir de transformer le rêve de chacun en réalité avec la coopération d’autres personnes, car, pour être efficace, il faut travailler avec une bonne équipe, bien déterminée, capable d ‘exécuter de grands projets. Beaucoup de ministres et députés et aussi de hauts fonctionnaires, veulent la position mais pas les responsabilités qui l’accompagnent. Ils n’ont aucun code de moralité.
Ils devraient travailler et prendre des décisions et dire comme on entend souvent répéter les présidents des Etats Unis. ‘Avec l’aide de Dieu !

39. Sobriquets.

Le pire péché envers nos semblables, ce n'est pas de les haïr, mais de les traiter avec indifférence; c'est là l'essence de l'inhumanité.
G. B. Shaw.

C’est en voyageant par autobus que j’ai entendu le plus grand nombre de sobriquets. Le peuple aime donner des sobriquets. C’est sa façon de montrer son intérêt à quelqu’un qu’il aime bien ou qu’il admire. Une fois octroyée, le sobriquet colle à son personnage. Définitivement !

La radio nationale a pris l’étonnante habitude de donner chaque matin un vrai répertoire des morts et des enterrements du jour. On commence sa journée par cette littérature macabre. Et c’est alors que l’on entend des alias parfois caricaturaux. Décés de Joseph X alias Ti goulop. De Mme Y alias tante mouchoir rose, de Mr Z alias gros caillou.
Parfois les noms sont plus étonnants. Ton Dagobert, Madame Mimi Pinson, ou M. Mico alias paille brillé, Missié Bolo,Tante Ti Disef.

Dans l’autobus, on se rend compte que Pierre s’est Pierrot, Jacques c’est Jaco, Roland c’est Roro. Paul c’est inévitablement Paulo. Ou des variantes comme Ti Paul, Ti Paulo, Ti Golo.
Ce matin pourtant j’ai compris que l’on pouvait donner des sobriquets aussi à des groupes, des familles entières..
Trois grosses femmes accompagnées de deux enfants en bas âge ont pris place non loin de mon siège.
Une d’elle plus bavarde, ne cesse de parler, et elle raconte à son amie de gauche assise au coin de l’autobus comme écrasée par la pression des deux autres.

-« Mo pé alle rende viste benne Ti bancs. Mo croire to conne zotte. »
- « Non, Qui to appelle Ti banc ?. »
- « Mais gros fifi, in pé to propre famille ça . Famille Carosse. »
- « Mo rarement alle cotte benne Carosse, zot pas content fréquente-moi. Zotte trouvé qui mo trop noir. Ben faiser ça. Mais qui faire to dire Ti banc. »
- « L’autre femme rit sous cape et s’emble s’amuser. »
- « To conné mo tifi Ninine qui fine trouve ça mot là. Li fine rémarqué que dans saque la cuisine ben famille Carousse qui li papa, maman, zenfant marié, tonton et matante célibataire qui enan lacaz, partout cotte allé, enan éne ou dé Ti ban dans la cuisine. On dirait zotte connent sise lors là pou causer. »

- « Mari comique, On dirait zotte faire société dans la cuisine. »

- « To pas conne tout. Ti banc fine vine ene moyen pou dire comment zotte été. Ene Ti banc par exemple li faire sainte nitouce, li maniéré. Li pas content dimoun trop noir, li blié qui cotte li même enan dimoun noir. Li toujours croire qui li conne tout, plis qui tout dimoun.
Li rode la guerre. »
- « Monne comprend. »

- « Quand to enconte ene dimoun ec caractère en lair en l’air to conné to capabe dire li : N’a pas faire Ti banc arre moi »

Retenu--- Je jette un coup d’œil à ce groupe de femmes en arrivant au terminus et m’achemine gaiement vers ma demeure en me disant que je connais passablement bien pas mal de Ti bancs, dans ma propre famille.

40. Enfants subissant des sévices sexuels.

Une nation périclite quand l'esprit de justice et de vérité se retire d'elle.
J. Paulhan.

Une femme presque en larmes raconte à son compagnon les malheurs subis dans sa famille. Elle s’inquiète pour sa petite fille âgée de cinq ans. Elle craint que son gendre n’abuse de l’enfant. Des années en arrière, l’homme avait eu des gestes indécents avec son fila aîné. Ce dernier traumatisa encore des séquelles de son enfance malheureuse.

-‘‘Si mo gendre fine faire di mal mo ti garçon ; n’arien pas empêche mi faire de même avec ti fille là. »

-« Garçon là so la vie fine ène l’autre. Li marché lizié hagard et ti a croire qui li tout le temps peur. Li guette à droite à gauche ; et pas guette dimoun dans lizié. On dirait li honté.
Pas conné comment faire are li. Penan l’endroit pour aide sa ben cas
là ? . »

C’est vrai qu’il n’existe que peu de possibilités à Maurice pour venir en aide aux jeunes abusés sexuels. Il faudrait ne fondation spéciale et pour cela les gens doivent aider financièrement. C’est après tout un problème national. Même si le problème est moins grave ici que dans d’autres régions du monde. On a peine à croire, par exemple qu’en Afrique du sud, le pays au monde ou on a enregistré le plus grand nombre de viols, les statistiques montrent que une de trois filles et une de cinq garçons a été violée pendant leur enfance.
On a trouvé de l’argent pour construire des églises comme celle d’Albion ou de la Preneuse, on peut donc en trouver pour combattre le fléau des sévices sexuels d’enfants.
L’exploitation sexuelle des enfants est une violation des dispositions de la Convention sur les droits des enfants. De nombreuses personnes à travers le monde se consacrent sans relâche à combattre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Les gouvernements qui ont ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant peuvent s’engager à protéger les enfants contre ces abus en élaborant des politiques et des lois adéquates. Nous avons entendu parler même à Maurice des cas de prostitution chez les enfants, du tourisme sexuel de pédophiles.
Des réseaux organisés au niveau mondial, s’enrichissent par la pédophilie.
Les enfants victimes de l’abus sexuel sont coupés du monde extérieur. Les traumatismes profonds ont souvent des conséquences sur leur santé morale et physique.

41. Femme battue.

Les lois sont toujours utiles à ceux qui possèdent et nuisibles à ceux qui n'ont rien Jean Jacques Rousseau.

Mauvais temps. Une pluie battante qui claque sur les vitres de l’autobus. Les passagers qui viennent d’entrer d’un arrêt sont trempés et de mauvaise humeur.
C’est une histoire triste qui va m’être contée. Trois femmes ont pris place derrière nous. L’une toute trempée, les deux autres referment leur parapluie et celle qui se trouve juste derrière moi se met à raconter les mésaventures de sa sœur. Celle qui se tient à ses côtés peu bavarde, hoche la tête et soupire. La troisième semble ne pas prendre part activement de la conversation et s’occupe de s’éponger le visage qui ruisselle.

-Bertile s’est enfuie de chez son mari, se plaignant d’être brutalement battue A chaque fois, ou qu’elle se rendait, le mari trouvait moyen de la retrouver e de la ramener au toit conjugal. Sa fille s’était plainte plusieurs fois à la police mais avait été généralement si mal reçu Ses plaintes ont été rayées et elle soupçonne la connivence des policiers et de son mari.
L’histoire de sa fille fait pitié. Elle s’était trouvée enceinte à 15 ans Le père avait 17 ans. Elle est allée trouver les parents du garçon mais personne n’a voulu prendre la responsabilité de la femme enceinte Elle a accouché d’un garçon et ils et a vécu 3 ans dans la famille de sa mère. Quand elle a eu 18 ans, l’homme est venu la reprendre mais voulait que l’enfant reste chez la grand’mère. Un jour elle est venue chez sa mère disant que son mari l’avait battu à coup de poings et de bouteilles.
Aujourd’hui Bertile pleine de traces de blessures au visage et au cou se trouve chez sa sœur. Elle a encore quitté le toit conjugal mais tremble de frayeur à chaque fois que quelqu’un s’approche de la porte d’entrée.
La violence domestique se produit dans toutes les ethnies. L’alcool est souvent la cause principale mais il y a aussi des hommes sadiques qui prennent plaisir à assommer leurs femmes. Il arrive souvent que la violence à l'égard des femmes frappe généralement celles plus timides que d’autres qui se complaisent dans la résignation et l’acceptation de leur sort. La violence à l'intérieur de la famille est parfois plus grave. Il y a le viol conjugal, l'inceste. La violence domestique constitue une forme de torture et doit être traitée en conséquence.
Il y a récemment eu l'adoption par Maurice, d'une législation concernant spécifiquement la violence domestique ou au sein de la famille. La tendance à s'en remettre avant tout à la police qui cherche la conciliation pour exercer une action de médiation et offrir des conseils dans les cas de violence au sein de la famille.
Il y a l'absence de tribunaux spéciaux qui puissent traiter les affaires de violence domestique; une attitude, au sein du système de justice pénale, qui peut dissuader les femmes de porter plainte et, par conséquent, risque d'accroître le risque de violence au foyer.

42. Enfants employés comme domestiques.

Peu d'hommes ont été admirés par leurs domestiques. Montaigne.

Deux femmes l’une créole l’autre de souche indienne, deux servantes racontent leur vie. Une histoire d’esclavage des temps modernes.
Le contrat de travail domestique est le contrat par lequel un travailleur, le domestique, s'engage contre rémunération à effectuer sous l'autorité d'un employeur, principalement des travaux ménagers d'ordre manuel pour les besoins du ménage de l'employeur ou de sa famille. On ne parle cependant pas comment protéger les employés contre la violence et les sévices causés par les patrons, contre le viol, les brutalités domestiques.
La situation économique et sociale d'une partie importante du monde entraîne dans bien des pays un état de pauvreté et de dépendance de larges couches de la population. Cette situation pousse de nombreuses familles de la campagne à placer un de leurs enfants dans une famille en ville, comme domestique. Elles espèrent ainsi lui assurer une vie plus décente et l'accès à l'éducation. En fait, pour beaucoup d'enfants, il s'agit d'une situation qui s'apparente à de l'esclavage de fait. Arrachés à leur famille, ils ont parfois à peine cinq ans, souvent moins de seize, et leurs journées sont sans fin : levés avant l'aube, ils triment bien au-delà de la tombée de la nuit, à peine nourris, sans soins ni éducation. Si nécessaire, ils doivent ravitailler la maison en eau, portant de lourdes charges sur des distances de plusieurs kilomètres ; ils repassent, raccommodent, lavent, nettoient, donnent les soins aux enfants de leurs maîtres, travaillent en boutique, souvent sans aucune rémunération. En outre, considérés comme des objets, ils sont exposés aux mauvais traitements, frappés, battus, subissant des violences sexuelles. Leur développement physique et psychique est perturbé, leur avenir fréquemment compromis. Finalement, ils sont souvent jetés à la rue quand on n'a plus besoin d'eux
J’ai eu droit à un triste témoignage.

-« Nou ti trois zenfants, mo maman ine mort. Mo ti enan 9 ans. Mo matante envoye moi travail ec ène marchand charbon. Quand zaffaire alle mal, pas vende charbon, li tire so la rage are moi et mo gagne batté. Ene zour monne sauvé. Mo fine marche longtemps et fine tombe sec, mon allongé lors simin. Dimoun passé guette moi zotte continué zot simin. La police fine ramasse moi et quand zotte fine entende mo zistoiren zot fine amène moi dans ène lacaze cotte occupe zenfants sans famille. Ou pas à croire moi. Premier fois mo fine dormi lors ene bon matelas dans ène ti lili et pas lor planché. »

43. Le patriotisme mauricien.

Le plus difficile au monde est de dire en y pensent ce que tout le monde dit sans y penser. Alain.

Deux jeunes gens assis au fond de l’autobus se mettent à parler à voix haute. Les passagers sont étonnés de les entendre. J’ai l’impression qu’ils ont du boire un bon coup, la veille était jour férié pour commémorer l’indépendance de Maurice.

Le plus costaud des deux s’exclame :

-« Mo ine bien fété parce qui congé mais mo fou pas mal l’indépendance. » L’autre rigole.
- « Nou penan narien pou faire ec glory to ou thee. »

Un troisième homme plus âgé assis sur la même large banquette fait la remarque suivante :

-« Zot n’a pas patriote, Maurice ène nation maintenant. »
« - Pas dire nou ! Personne pas croire qui nou ène nation. Chacaine tire so coté ici. Casse qui important. Chaque race guette ziste so l’aventage. Enan méfiance.
- Ou pas content entend nou l’hymne national ?
- Pas dire moi narien. Mo pénan nation.

Le vieux n’a rien de plus à ajouter et se tait, les deux jeunes changent de conversation et on parle de boissons et de disco.


44. Misère des enfants au travail.

Le cri du pauvre monte jusqu'à Dieu mais il n'arrive pas à l'oreille de l'homme.
La Mennais.

Des gens qui vraisemblablement se connaissent bien, sont installés dans deux rangées de sièges de trois places. Bruyants, on se croirait en conférence. Au début deux ou trois parlaient en même temps et c’était quelque peu chaotique, mais la conversation a été axée sur une vieille dame qui a monopolisé l’attention des autres.
On parlait du travail des enfants. Deux personnes avaient précédemment entamé la conversation en racontant que leurs enfants de 10 et 12 ans étant toujours à l’école, travaillaient les après midi, les samedis et dimanche dans une grande maison.

_« Qui a faire, nou trop misére ! … la vie difficile ! »

Un des hommes leur a reproché de laisser les enfants travailler, même s’ils avaient des difficultés financières.

-« Bisin faire sacrifice pli beaucoup sacrifice encore.’

C’est alors que la vieille dame a raconté tant soit peu son histoire à faire serrer la gorge.

-« Mo ti tou sel ec mo maman. Pénan lotte zenfants. Mo ti énan 12 ans comment ou piti. Mais ou pou trouvé qui moi mo pas fine travaille part time mais tout lé temps. Mo pen alle l’école mo pas conne écrire. Mo maman fine mort bonher et finne bisin envoye moi vivre cotte ène matante qui ti travaille dhobi. Mo ti bisin occupe so ben ti zenfants 3 ans ec 5 ans. Baigne zotte, habille zotte, donne manzé. Ti bisin alors prend ène touque lors lma tête et alle cherche dilo dans la fontaine. ène bon distance. Mo senti moi crazé. Parfois mo bisin patienté pli grand dimoun passe avant moi. Et quand tardé gagne mauvais cosé. Et ça tous les jours parfois dé fois par jour. Matante pas donne beaucoup manzé. Mo rappele àa létent là mo toujous faim. Mo in pé honté dire ou ça,li fine arrive moi dimande dimoun ène ti casse ou ène bout dipain quand mo alle cherche dileau. Parfois matante Solanze amène-moi bord la rivière et mo donne coup de main frotte lige lors roche. Matante ti souvent en colère pou narien et li batte moi quand li lé, parfois ec ène bâton.
En hiver pénan molleton, mo senti frais et mo frissonner. Si ou ti guette-moi : Mo ti marche nus pieds. Savatte trop cher. Mo ti mette parfois ène callpas en dibois, qui ti fer mo li pied fer mal. Mo l’apparence pas bon di tout. Ene ti maigrélet. Dimoun guette moi ec ène l’air sévère. Zamais ène sourire ! Difficile reste propre avec ène robe coulère délavé, raccommodé et rapiécé. Guette ça cicatrice là. »

(Elle fait voir une large cicatrice sur ses bras.)

-« Ene zour camarade mo matante ine faire la fête, li amise li brile mo la main avec ene di bois qui nou ti brillé pou cuit mangé. Li dire mo pas assez soufflé dans pouckni. ( Le tube qui servait à souffler pour faire prendre le veut avec le vent.) »

Sa voix diminuant de force, elle cessa graduellement de parler, et il y eut un silence général. On n’entendait que le crissement des roues et le bruit de vieille ferraille.
Nous sommes tous descendus de l’autobus en faisant la queue habituelle en silence.
J’ai pris le chemin de ma maison avec une grande tristesse.

Dans un grand nombre de pays, y compris Maurice, il existe un état de pauvreté extrême de certaines couches de la population. Les parents pauvres doivent laisser les enfants même en bas âge chercher un salaire, aussi maigre soit-t-il comme domestique Pour les pauvres enfants cette situation ne diffère pas de l'esclavage. Ils ont souvent dix ans, et ils travaillent autant que des hommes adultes. Levés à cinq heures du matin, ils vont travailler jusqu'à cinq heures de l’après midi. Les parents ont à peine de quoi leur nourrir et les soigner en cas de maladie. Certains enfants asiatiques des couches les plus basses travaillent dans des boutiques. Ces enfants sont peu développés, physiquement et moralement et n’ont aucun espoir d’un avenir meilleur.

45. Syndicalistes et grève.

Les syndicats, c'est fait pour donner raison à des gens qui ont tort. Coluche.

Il y a de ces sujets de conversation qui reviennent inlassablement.
Ce n’est pas la première fois que les thèmes d’actualités sont débattus pas des passagers. Quand ces thèmes les concernent personnellement, ils commentent l’actualité avec passion.
Je suis témoin ce matin d’une conversation entre trois hommes à propos de la menace de grève d’un syndicat d’une classe de travailleurs dans le secteur privé.

-« Zotte dire faire go slow après va faire la grève. Mo pas croire ça marché. Patron conne bien ce qui go slow veut dire. »

Un homme désabusé pense lui que les syndicalistes ne sont pas sincères.

-« Zot pousse ou faire la grève après zotte accepte n’importe quoi et ou entende dire qui zotte fine gagne ène voyage en Europe. »
-« Nou ban dirigeant pas compétent. Zotte pas faire poids divant patron. Gouvernement aussi prend cause patron, zotte dire bisin protège l’économie.
-Nou nou toujours perdants. »

Toujours perdants ! C’est exact. Ils ne peuvent que gagner des miettes. Ils ont besoin de leur emploi chez des patrons. Les patrons qui fondamentalement, désirent que rien ne change à leur détriment, et qui ne désirent nullement se changer.
On ne peut ignorer une classe de grands patrons, pas seulement les blancs mais de toutes les ethnies qui pratiquent une seule loi : Le profit. Pour eux tout progrès, et surtout, toute envie d’affronter honnêtement le progrès, ont été refoulés.
Par ailleurs les syndicalistes, une classe bien à eux, qui pratiquent jalousement la politique de chasse gardée, ont été incapables de trouver des réponses et continuent à combattre en terrain perdu.
Leurs arguments jamais renouvelés frisent la niaiserie. Il fait une nouvelle génération de patrons et surtout une nouvelle génération de syndicalistes.
La majorité des syndicalistes vétérans n’ont pratiquement rien à leur actif et qui ne s’intéressent uniquement à augmenter le nombre d’adhérents et avoir des recettes par déduction automatique des salaires. Ils sont incapables de motiver le peu de membres qu’ils ont et n’ont plus le goût de la confrontation.
Les plus bruyants ont une vision vers la politique et ont même choisi leur camp. Ils cherchent la guerre sociale. Pour eux l’enjeu c’est de se mettre en bonne position pour être candidat aux élections et de récolter des voix. Devenir député et qui sait ? Ministre. Et de s’enrichir rapidement.
Le pauvre travailleur peut discourir dans les autobus, la cause est entendue et classée. Ils vont perdre. S’ils gagnent quelque chose dans leurs revendications, ce sera bien au deçà de leurs espérances. Peu, très peu.

46. Les propriétaires d’autobus.

Rien n'est plus poltron que la richesse.
Aristophane

N’allez pas croire que ce sont des capitalistes seulement qui possédant des autobus.
Habituellement les contrôleurs nous réclament 8 roupies pour le trajet de Flic en Flac à Q Bornes depuis que le coût du transport a été majoré. En revenant de Wolmar ce matin, un contrôleur me dit d’une voix forte un peu aigre. Pas six roupies, sept.
Etonné, J’accepte cependant vu la modique réclamée en excédent, de donner le prix demandé, mais comme il a haussé le ton en me regardant d’un air sévère et montre une certaine violence, je choisis de le faire un tantinet peur.

-« Qui faire ou crié, cause doucement ou conné qui mo un pé infirmier, mo capabe dire ou qui ou un pé malade , ou figire pas bon di tout, attention ou lé coeur ou capabe facilement gagne ène attaque en cé moment. »

Mon homme pris de saisissement devient cramoisi.
Je l’avais reconnu. C’était le même receveur qui à la veille d’un Jour de l’An, pris de boisson, nous avait raconté qu’il était le propriétaire de l’autobus.

-« Mo enan 63 ans, mo aussi propriétaire quatre autres bus. Mo enan deux campements Flic en Flac. Ou conne dimoun qui lé louer ? »

Etant propriétaire, il travaille pourtant pour la rentrée des sous et pour veiller au bon fonctionnement de son business. Il descend ou il veut et se fait remplacer.
Je suspecte qu’il s’arrête habituellement à l’endroit où il y une boutique pour aller prendre son rhum.
Mauvaise mémoire ? Aujourd’hui il ne m’a pas reconnu. Il est descendu cette fois encore, avant le terminus, marchant péniblement, avec un air hagard. Je l’ai vu s’arrêter devant l’étalage d’un ophtalmologiste. Il songe peut être à consulter pour son cœur.
Régulièrement les syndicats de propriétaires font état de difficulté pour rouler les véhicules. Essence chère, véhicules trop chers trop taxés.

-« Maurice sel pays cotte tariff si bas. »

Inévitablement le ministre va se coiffer de son look d’homme compatissant, en pleine souffrance et viendra annoncer les mauvaises nouvelles aux usagers de la route. Tarif à la hausse pour aider les propriétaires. C’était inévitable depuis longtemps.
Le peuple se tait et paie.

47. Exclusion.

Mieux vaut donner à un faux pauvre que refuser son assistance à un vrai. Cocteau, Jean.

A Maurice on ne meurt pas de faim. C’est un passager de l’autobus de ce matin, en grande conversation avec deux femmes qui me le rappelle.

-« Si ou penan narien pou mangé, ou alle mange canne dans caro. »

En effet on permettra à n’importe qui de couper une canne à sucre et de se nourrir. On peut survivre, avec le sucre.. Quelques exclus en guenilles ne se contentent pas de canne à sucre et font les poubelles. Même en Europe les pauvres font les poubelles !
J’en ai rencontré un de ces réguliers sur la plage de Flic en Flac. C’est dégoûtant pensent les gens. Dégouttant, mais comment faire pour trouver un peu de nourriture. Les riches, les enfants de riches jettent pas mal de bonne nourriture à peine consommée. Avec un peu de chance on peut même avoir des morceaux de chocolats.
L’exclu ce n’est pas seulement celui qui n’a rien à manger et fait les poubelles, c’est aussi celui qui ne sait pas ou se loger. On dit à Maurice

-« Li dormi en bas pont. ».

Jadis les sœurs de charité, les cures s’occupaient de loger les miséreux, mais de nos jours avec la sécurité sociale et les œuvres de bienfaisance des particuliers, de quelques bons samaritains, il est laissé aux autres le soin de s’en occuper. C’est leur boulot, pensent les égoïstes..
Qui n’a pas vu ces misérables à l’œil hagard au visage émacié plein de crasse et aussi avec la honte du désespéré du rejeté, se traînant sur les trottoirs et à l’arrière des plages.
Ce sont des gens visiblement malades.
Exclusion et bonne santé ne vont jamais de pair. La malnutrition, la fatigue de longues marches avec de mauvaises chaussures, des savates usées, par tous les temps engendre le stress.
L’exclu ce n’est pas seulement la crasse, c’est aussi les mauvaises dents. Ne regardez pas les dents de ces misérables tout est délabré. La faim engendre les carences et toutes sortes de problèmes de pieds et de mains. On devient la proie de tout, le poumon d’abord et ensuite d’autres organes. C’est quand on est bien amoché que l’on a droit au médecin. Poussé à l’hôpital par un être compatissant ou par le curé ou le policier, il atterrit à l’hôpital ou on hoche la tête avec dégoût. Infirmiers et médecins qui pourtant ont beaucoup vu, n’aiment pas se frotter a autant de misère.
La remise en état de ce corps d’exclu n’est guère facile. On va s’occuper de le nourrir un peu, mais pas de son âme. On ne lui parle que des soins du jour non de son lendemain. On est même pressé de le trouver apte à la décharge. Ouf ! A la rue. Il est vrai que ce que l’on demande aux professionnels de la santé est difficile. Il est demande aux infirmiers de soigner l’exclu que l’on voudrait voir enfoncé dans sa misère, loin des yeux délicats.
Le soin des exclus se heurte à la difficulté de la limite du traitement. Le pauvre est à l’hôpital quand il n’en peut plus et souffre d’une maladie importante liée à son état de miséreux.
Le docteur désintéressé le dira sévèrement qu’il lui faudrait cesser de boire et de fumer ? Il parlera même de déchéance.

-« Commnt oune faire pou vine coum ça . Trop boire !. Ou pas conné cigarette donne cancers ? »

Comme si elle avait les moyens de se payer de l’alcool et pour le tabac, et n’avait à sa disposition que des restes de mégots de la poubelle.
Tout son passé de misère de privations a laisse des séquelles qui ne s’efface pas avec des Panadol. Son état de santé ne va pas beaucoup d’améliorer et avec u peu de chance il pourra mourir en paix à l’hôpital et finira inconnu à la morgue.

Ne croyez pas que j’exagère. L'exclusion existe un peu partout et aussi chez nous.
On ne parle pas d’espérance de vie à un exclu et on se demande parfois quand on aperçoit le mal classé dans ses loques, ce qui le maintient en vie et l’y attache encore.
La question des inégalités sociales, qui concerne toute la structure sociale, est un sujet souvent abordé par les religieux et les journalistes.
Nous parlons de nos jours, sans sourciller, des « inclus » ou des « exclus. »

48. Prier et prières.

Le silence, a dit quelqu'un, est une vertu qui nous rend agréables à nos semblables.
S. Butler.

Ce ne sont pas seulement les religieux et religieuses qui voyagent rarement pas l’autobus que l’on voit avec des chapelets ou les livres de prières. On peut rencontrer des vieux et des vieilles blottis dans un coin qui remue les lèvres en priant. En effet on peut prier partout. C’est ce que disait le Padre Pio. Il n’est pas plus difficile de prier dans l’autobus que dans une église. Ce n’est qu’une simple habitude de concentration. On pense à Dieu, on ne voit plus personne dans l’autobus et on prie.
La vieille qui voyage avec nous en ce jour, cache discrètement un chapelet dans la paume de ses mains. Elle semble figée et ses lèvres remuent à peine. Nous avons la chance que dans ce même autobus, quelqu’un s’est fixé vers son Dieu et prie pour ce monde désabusé. On rencontre aussi des gens qui lisent la bible ou un petit pamphlet usé de langue hindi le Gavadad Gita.

Très simplement: «demandez, et il vous sera donné... car quiconque demande, reçoit... Si donc vous, qui êtes méchants, vous savez donner à vos enfants des choses bonnes, combien plus votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent! » Évangile selon saint Matthieu.

Nous pouvons exposer à Dieu tout ce qui nous préoccupe: «Ne vous inquiétez de rien, mais en toutes choses, exposez vos requêtes à Dieu par des prières et des supplications avec des actions de grâces. » ( Philippiens 4 v. 6)

* Nous devons prier pour notre prochain et pour nos ennemis: « Priez l’un pour l’autre » (Jacques 5 v. 16)

« Priez pour ceux qui vous font du tort et vous persécutent, en sorte que vous soyez les fils de votre Père qui est dans les cieux.» (Évangile selon Matthieu 5 v. 43 à 45)

49. Aller en prison.

L'Homme n'est moral que lorsqu'il s'efforce d'aider, dans la mesure du possible, toute vie se trouvant en détresse. Albert Schweitzer

La prison n’est pas pour les riches qui peuvent se payer de grands avocats, et de se faire acquitter.
Nous sommes à Maurice, il est donc pourtant très facile d'aller en taule sans commettre un énorme délit. Jadis le voleur de poules était un candidat fréquent. Un accident de voiture peut théoriquement en être le motif, mais les avocats se débrouillent pour créer le bénéfice du doute.
On y va plus sûrement en faisant des chèques sans provision. Rarement en faisant faillite.
Parfois, on peut être victime d’une affaire de famille, d'un voisin jaloux. Une erreur judiciaire peut subvenir. Ilest plus facile d'aller en prison, si on est pauvre et chômeur. Les conditions d'hébergements sont pénibles et parfois même intenables. On peut y faire des dépressions et avoir l’envie de se suicider. Nous avons eu de nombreux pendus dans des cellules de prison récemment.
Si on a une gueule qui déplait trop aux gardiens, les gardes chiourmes comme on dit ici, on peut se faire tabasser et même blesser mortellement. Dans ce cas le policier n’est pas en cause, on a du se cogner sur le mur. La durée de détention est rarement plus de trois mois pour les voleurs de poule ou le pick pocket.. Plus pour les affaires d’argent. Beaucoup plus pour coups et blessures, vols avec effraction. On s’approche du perpétuel avec les vols armés, les viols, le meurtre sans intention de tuer. Pour l’assassinat prémédité, c’était la mort mais c’est quasiment devenu la perpétuité. Les bons citoyens, les bons religieux, en ont insisté.
Une fois en prison il faut des connaissances et avoir suffisamment d’argent. L’argent mène à tout, même en prison, On y trouve tout, même l’alcool et la drogue. Mais tout se paie.

50. La raclée.

Il y a les grands sentiments, les passions, l'amour, la haine, l'angoisse, la joie, la mort, l'illumination. Et puis il y a être vexé. C. Roy

Une vieille femme apparemment fort bavarde ne cesse de parler. Elle raconte longuement l’histoire de sa malheureuse cousine. Les deux interlocuteurs, un couple se taisent. Josiane s’est enfuie de chez son mari, se plaignant d’être brutalement battue A chaque fois, ou qu’elle se rendait, le mari trouvait moyen de la retrouver e de la ramener au toit conjugal. Sa fille s’était plainte plusieurs fois à la police mais avait été généralement si mal reçu. Ses plaintes ont été rayées et elle soupçonne la connivence des policiers et de son mari. L’histoire de sa fille fat pitié. Elle s’était trouvée enceinte à 15 ans Le père avait 17 ans. Elle est allée trouver les parents du garçon mais personne n’a voulu prendre la responsabilité de la fille enceinte Elle a accouche d’un garçon et ils et a vécu 3 ans dans la famille de sa mère Quand elle a eu 18 ans, l’homme est venu la reprendre mais voulait que l’enfant reste chez la grand-mère Un jour elle est venue chez sa mère disant que son mari l’avait battu à coup de poing et de bouteilles.
Dans la description du contexte dans lequel la violence domestique se produit, la famille est, d'une part, un espace privé où s'exprime l'affection et l'intimité, il arrive souvent qu'elle soit aussi le lieu où s'exerce la violence à l'égard des femmes et où la société confine celles-ci à des rôles qui les privent de toute autonomie. La violence à l'intérieur de la famille comprend entre autres les voies de fait, le viol conjugal, l'inceste, la prostitution forcée, la violence contre les employées domestiques, la violence contre les petites filles, l'élimination des filles par l'avortement et l'infanticide, ainsi que les pratiques violentes dont les femmes sont traditionnellement victimes, comme le mariage forcé, la préférence pour les fils, les mutilations génitales et les crimes d'honneur.
Les lois internationales interdisent la violence contre les femmes à l'intérieur de la famille. L'État doit cependant prévenir les violences domestiques, enquêter à leur sujet, les réprimer. La violence domestique constitue une forme de torture et doit être traitée en conséquence.
Il faut aussi des services de santé pour répondre aux besoins des victimes de la violence domestique.

51. Le business sauvage.

Un financier, ça n'a jamais de remords. Même pas de regrets. Tout simplement la pétoche.
Marcel Achard.

Le Business est nécessaire pour le développement du pays. On se l’entend dire continuellement. La production crée des produits qui facilitent les soucis matériels.
Un homme assis inconfortablement à côté d’une femme trop grosse, parle à un ami qui n’a pas eu de place et se tient debout. Ses pieds frôlant parfois les miens.

-« Ministre dire bisin augmente production. Sinon pénan augmentation salaire.
Qui augmentation prodiction. Patron mette ene ti casse, après li faire nou travail comme esclave. Tout profit rentre dans so poche. ça qualité bisness là qui existé dans ça pays là »

Nous devons l’admette, en pratique, le business a tout prix, business, appelé le business sauvage, n’est ni à pas à l’avantage de l’environnement, ni de celui des pauvres travailleurs.
Les promoteurs gourmands de gros profits, ne s’occupent guère de la pollution de la nature qu’ils provoquent par des méthodes malsaines, sans souci de l’environnement. Il y a souvent la pollution, et ce qui est pire, les risques d’infections ou d’empoisonnement au travail. Quelques teintureries établies dans les régions rurales ont été trouvées coupables de la pollution des rivières et d’autres nappes d’eau. L’industrie sucrière, elle-même a déversé des déchets, des produits sucrés dans les ruisseaux. Qui ne s’est pas plaint de l’escarbille, qui se disperse partout dans les maisons et se colle aux vêtements des gens. Chaque année pendant la période de récolte on brûle des champs de cannes et les maisons comme les cours sont envahis par les débris de feuilles brûlés.
Tant pis, il faut faire progresser son business !
Le Business sauvage dans des hypermarchés et les supermarchés, à conditionner des individus, pour qu'ils consomment de plus en plus, parfois des articles dont ils n’ont guère besoin. On s’endette souvent pour renouveler son matériel de cuisine, posséder un Hi Fi tapageur.. On est poussé à acheter une micro onde, qui après un an ou deux, inutilisable, doit être mis à la poubelle.
Les adeptes du business sauvage vont profiter par tous les moyens pendant les périodes de fêtes de fin d’année quand les travailleurs encaissent le 13e mois. Par des loteries aguichantes données gratuitement avec l’argent des acheteurs, ils promettent voyages et voitures neuves et autres prix. Le consommateur peut donc rêver en achetant, soit au comptant ou à crédit ‘sans dépôt’. De toute façon son argent va émigrer sans faille vers les caisses des nantis du business.
L’état applaudit et dit que c’est bon pour le développement. On paye plus de taxes par le biais de la TVA, ce qui grossit les caisses de l’état.
L’homme qui est debout a bien raison quand il dit amèrement

-« Quand patron là fine fini souce nou disan, li pou dire qui bisin renvoye nous, pas pé faire profit. Bisiness en difficulté. To conne zotte cinéma ! ».

Les actionnaires ne sont jamais rassasiés. Ils demandent de plus en plus de retour sur investissement et cela dans des délais de plus en plus courts.
Pour faire face, les directeurs d'entreprises optimisent au maximum, c'est-à-dire robotise au maximum. Il faut fabriquer à prix bas, donc pas d’augmentations de gages. En diminuant les dépenses pour gages on augmente les dividendes.
C'est le principe des vases communicants. A pauvreté des uns fait a richesse des autres.
Parfois le portefeuille des gages est trop élevé. Il y a licenciement et c'est le chômage.
Le malheureux n’a plus les moyens de faire face . Il ne peut plus payer son loyer et c'est l'expulsion.
Or, quand on ne peut plus justifier d'un domicile fixe, la recherche d'un emploi s'en trouve bien compliquée.On n’embauche jamais des mendiants ou des clochards.

52. La distribution des couvertures.

Pour s'intégrer parfaitement dans un troupeau de moutons, il faut être avant tout un mouton. Albert Einstein.

-« Mo pé alle sécurité sociale, Q Bornes rode mo molleton. »

C’est un vieux de Palma qui s’adresse à un autre vieux.
A la sécurité sociale de Q Bornes c’est la queue, la queue des moutons. Une longue queue de vieux messieurs et de vieilles dames, que l’on laisse suer en plein soleil sans aucun abri. Ils vont attendre patiemment pour recevoir le cadeau offert avec générosité par l’état. Une paire de molletons à bon marché qui ‘piquent ‘ quand, poussé par le besoin, en cas de froid de canard, on doit s’en servir pour s’emmitoufler.
Le gouvernement bien entendu, n’est pas responsable de la carence et de l’inhumanité de ses fonctionnaires. C’est un gouvernement socialiste, qui parle de Welfare State et qui dépense aussi pour ses vieux. Certains ont pensé semble-t-il vouloir prévenir des cas de grippe, de pneumonie dans les hopitaux en distribuer des couvertures à des milliers de personnes âgées de plus de 60 ans. L’état donne, le fonctionnaire distribue à sa manière ou plutôt sans manières !

53. L’affaire Kaya .

On a toujours l'air de mentir quand on parle à des gendarmes. C L Philippe.

-« Zamais pas pou conné qui fine arrive Kaya. L’enquête la police pas avancé. Siremnt fine abandonné. Mette emba bol pou couvert certains dimoun coupables. »
-« Mo sœur fine gagne émeute à cause Kata ti fine trouvé mort dans so cellile prison. Fine promette l’enquête toujours narien. a police pé dormi ec ça l’enquête là. » Policiens brite, pé batte dimoun toye dimoun. Nou nec énan droit ferle la bouche. Temps en temps zot dire ène prisonnier fine pendi, to bisin avale ça. »

Deux femmes en colère échangent des propos sur l’affaire Kaya et les pendus des prisons qui ont fait l’actualité. Les journalises en parlent un peu, mais cessent d’en parler, évitant la confrontation avec la police.
Un rapport du comité contre les tortures fait état des renseignements sur Maurice selon les rapports du gouvernement, en 1999. Le rapport fait référence au fonctionnement de la Commission nationale des droits de l'homme et à la création d'un programme de formation visant à sensibiliser le département de la police aux normes internationales des droits de l'homme et à l'application des lois.
Le rapport comprend également des informations au sujet, entre autres, des questions suivantes : l'interdiction, en général, des actes de torture, au regard de la Constitution et du Code pénal. On mentionne aussi ; l'aide fournie dans tous les cas de crime, y compris les cas de torture; la formation à l'intention des agents de police, y compris le programme de l'école de formation de la police, les instructions permanentes de la police, les manuels d'instruction et les circulaires relatives à la conduite des agents de police, concernant, notamment l'interrogatoire et l'enregistrement des dépositions

Le chanteur Kaya, très populaire dans des cercles créoles de Maurice et de Réunion était sans doute un habitué des drogues douces. Il fumait du gandia. On m’a dit que cela l’aidait dans son métier. Interpellé, il est conduit comme un bandit dans une prison à hauts risques. On ne sait pas exactement ce qui s’est passé, mais il a été trouvé mort dans sa cellule. Les enquêtes ont donné des résultats contradictoires, même les rapports de médecins sont contradictoires. Le peuple s’indigne et réclame justice. L’enquête policière n’aboutit pas. Elle n’a pas encore abouti. Il y a eu depuis d’autres cas de mortalité dans les prisons. Suicides ? C’est la déclaration répétée de la police. Le peuple n’est pas dupe, sait qu’il y a eu des cas de tortures dans les prisons, et réclame des enquêtes.

Récemment des membres de la famille de Vanessa Lagesse, morte assassinée, et dont le meurtrier court toujours, a poursuivi la police pour tortures pendant les interrogatoires et arrestations injustifiées. Ils ont les moyens de payer des avocats et d’autres hommes de loi.
Dans le domaine des actes répréhensibles de policiers, on n’avance guère malgré les lois.
Un Comité a bien recommande au gouvernement : d'adopter une législation définissant la torture, et la considérer comme un crime spécifique, de veiller à ce que tous les cas de torture, en particulier ceux ayant entraîné la mort, fassent l'objet d'une enquête menée efficacement par un organisme indépendant et que les responsables soient immédiatement traduits en justice.
Mais savez vous ce qu’il faut en penser d’un comité.
Un satiriste avait vu juste en trouvant que « C’est un chameau qui se prend pour un cheval ! »

54. Discrimination.

Certes les êtres humains sont égaux, mais les individus ne le sont pas. Alexis Carrel.

-« Mo garçon fine marié ec ène reunionaise, et dans sa pays la zotte considère li comme ène vrai Français. Ti fi là capabe vine vive Maurice comment li content. Mo tifi fine épouse ène Français qui li, pas gagne droit travaille Maurice.Li pas ène mauricien. Nou bisin sépare nou famille ! »

Sur les droits des non ressortissants, un document de travail fait référence a la déclaration du Comité des droits de l'homme selon laquelle les pays ne doivent pas appliquer des normes d'immigration différentes en fonction des sexes.
Le document cite l'affaire Shirin Aumeerudy-Cziffra et al. v. Mauritius.
Vingt femmes mauriciennes ont contesté la loi sur l'immigration adoptée par l'État, selon laquelle, si une Mauricienne épouse un citoyen d'un autre pays, le mari doit demander une autorisation s'il veut résider à Maurice et cette autorisation peut être refusée. Cependant, si un Mauricien épouse une étrangère, cette dernière est automatiquement habilitée à résider à Maurice. Le Comité statue que l'île Maurice a violé les dispositions du Pacte, en établissant une discrimination injustifiée entre les hommes et les femmes.

55. Emprunt.

Les entreprises qui réussissent sont celles qui ont une âme.
Jean Louis Brault.

-« Zérome, matelot, bèse are moi. Mo fine alle la banque dimande ene ti l’emprunt. Missié la dore mo pénan assez di bien po caution pénan lacaze. Comment po faire. To conné mo pou bisin alle guette cassaire ec qu to fine gagne zaffaire »
-« Qui to lé Jules, nou pénan lotte solution pou tire nou d’affaire » Pas de sentiment. »

Difficile d’avoir un emprunt dans une banque, sans une bonne caution. Le manager est réputé bon, un homme à grand cœur mais son cœur se referme quand la porte de la banque s’ouvre.
Ici on cause pognon !
Jules ouvre un compte d'épargne à la banque en déposant 100 roupies. Un an plus tard, il fait le bilan : 7 roupies d’intérêt Il a maintenant 107 roupies.
C’est impossible de mettre plus d’argent de côté. Depuis ses 100 roupies il n’a rien économisé. Manque de chance, il quitte son boulot, renvoyé pour cause de licenciement. Jules, comme d’autres chômeurs, cherche et cherche encore. Rien ! il faut emprunter pour vivre, en attendant les jours meilleurs. Il fait tout pour qu’il conserve son logement, quitte à ne pas manger à sa faim. Il va chez l’usurier. C’est le débit de l’engrenage. Quand il trouvera un boulot, ce sera dur de payer les intérêts ! Rembourser la somme due deviendra un rêve.

56. L’environnement et le ministre.

Quand je cesserai de m'indigner, j'aurai commencé ma vieillesse.
André Gide.

-« Mo ser, pas capabe campé lors la plage, pourtant zourdi le 4 janvier. Tout sale Ene vrai dépotoir ec là ène l’oder nauséabond. Cotte Baguan ? »
-« Pas ziste saleté, to fin trouve ca quantité lichien errant. Zot galoupé en groupe lors la plaze eczot aboyé are touristes »

C’est exact, les plages publiques sont devenues de vrais dépotoirs après les fêtes. La population toujours sans véritable notion de l’hygiène va laisser s’éparpiller des restes de repas, des bouteilles vides, des sacs en plastique du papier, du chiffon. Tout est dispersé dans un désordre inoui. C’est honteux ! Les touristes doivent en être interloqués.
C’est vrai, le peuple est sale, sans grande éducation, malgré ses diplômes académiques, il se plait à ne pas respecter ses règles élémentaires d’hygiène. Les lois de Baguan, le ministre plein de bonne volonté, ne vont pas éduquer le peuple par un trait de plume..
Il n’y a pas de solution. Le pays restera sale après les fêtes, malgré l’effort considérable des sociétés de nettoyage privées. uand aux chiens errants c’est une honte pour le pays. J’ai subi moi-même une attaque de deux méchants chiens, pendant que je courais sur la plage.
Le ministre Baguan a fait voter des lois sévères contre la pollution. Mille roupies d’amendes si on est trouvé coupable de jeter des déchets dans les places publiques. J’ai eu envie de rire.
Devant ma porte à Q Bornes s’éparpillent dans le vent, des déchets dégoûtants provenant de la foire des légumes ou de la foire des tissus. Les élus municipaux, es mèdecins, les policiers, les voisins hauts fonctionnaires, magistrats et autres grosses légumes, vont piétiner cette crasse dégoûtante. J’ai vu des gens marcher sur des feuilles de chou en pleine putréfaction, sans songer à rien et venir souiller les moquettes de leurs somptueuses limousines neuves BMW.

Le ministère de l’environnement, ne soignant pas ses priorités, a fait des déclarations catégoriques sur ses projets d’environnement. Il menace. Il a juré combattre avec détermination, pour éliminer la pollution agrochimique, a préconisé des analyses sophistiquées de produits consommables de végétaux pour détecter la présence de pesticides.
Il a parlé de la pollution des océans et des mers, par les poubelles d’usines.
La population a entendu par les médias,, des discours savants, sur les rejets gazeux toxiques d’automobiles et industriels, dans notre atmosphère, et la destruction irréversible de notre couche d‘ozone, protectrice de toute vie contre les UV.

J’ai oublié tout ce charabia en marchant avec tristesse ce matin sur la plage de Wolmar.

57. Un salaud.

Chaque civilisation a les ordures qu'elle mérite.
Duhamel

Elle s’inquiète pour sa petite fille âgée de cinq ans. Elle craint que son gendre n’abuse de l’enfant. Des années auparavant, l’homme avait eu des gestes indécents avec son fils aîné. Ce dernier traumatisé, a encore des séquelles de son enfance malheureuse.

-« mo gendre fine faire di mal mo ti fille n’arrien pas empêche li faire pareil avec ti fille là »
-« Bisoin to alle donne déposition la police »

…Silence. La femme malheureuse cesse de parler, se retourne contre la vitre et regarde la rue.
Son esprit est ailleurs !

58. Politicien.

« Liberté, Égalité, Fraternité ! Paroles vaines, funestes même, depuis qu'elles sont devenues politiques ; car la
politique en a fait trois mensonges. » Louis Veuillot. »

-« Boodoo ec Ramgoolam pé faire tout pou empèche Béranger vine Premier ministre »
Zot pas pou réussi. Lé peuple fine déjà décidé vine déjà voté pou qui Jugnauth alle gouverneur et Bérenger vine Premier ministre. »

La politique est le sujet le plus souvent abordé par des passagers. Si je n’en parle que rarement c’est qu’a mon âge, ce sujet ne m’intéresse pas. En politique, tout change tout le temps. On ne sait pas vraiment ce qui se passe. J’aime les situations stables. J’aime le raisonnement clair et lucide. Je suis cartésien.
L’ambition personnelle de politiciens ne regarde qu’eux-mêmes. C’est leur problème d’humain. Ils doivent vivre avec. !
Certes, un politicien possédant un niveau de conscience élevé peut freiner son ambition personnelle. Cela induit en lui une attitude humaine.
Cette attitude est malheureusement minoritaire chez les politiciens. D’ailleurs on entend partout clamer que la politique est l'art et la manière d'utiliser des artifices, très souvent immoraux, dans le but d'imposer sa volonté et ses points de vues personnels aux masses.
Il faut nuire au maximum à ses adversaires, en n'hésitant pas à employer la délation. Tous les coups sont permis.
Un politicien honnête, s’il s’en trouve doit donc être handicapé face à ses opposants.
Un grand désir de pouvoir amène automatiquement la corruption et le despotisme.
Le pouvoir réclame plus de pouvoirs.

59. La Veuve.

Proverbe Juif ; Dieu n'aurait pu être partout et, par conséquent, il créa les mères.

Quatre femmes se sont rencontrées dans l’autobus. J’ai l’impression que cette rencontre est fortuite. Les trois se mettent tour à tour à s’embrasser en serrant la main d’une quatrième femme, qui était déjà dans l’autobus blottie dans un coin.

Celle-là se met à pleurer, d’abord tout doucement par hoquets, ensuite à chaudes larmes. C’est la première fois que je vois une scène semblable dans l’autobus. Une femme en larmes, consolée par d’autres femmes.

- i fine alle tellement vite après so l’accident. Nou trois pitis encore baba, pas bien comprend encore qui papa fine mort. Mo pas conné qui pou faire mo senti moi tout sel abandonné. »

Je comprends que c’est un de ces drames humains qui nous comble de tristesse. Les femmes amies de la pauvre veuve se montrent compatissantes et essayent tant bien que mal de la remonter :

-« a vie continié to zeine to bisin litté. Pas laisse-toi tombe dans découragement. To enan zenfant pou elevé. »

Quelle perspective pour cette femme et ses trois enfants ?

Quand un père ou une mère disparaît tôt trop tôt et laisse des enfants en bas âge c’est l’avenir qui est chambardé ! Il faut dorénavant se mettre à vivre dans des conditions difficiles. Je suis moi-même devenu orphelin à 12 an, quand mon père est mort à l ‘âge de 45 ans en laissant sa veuve et sept enfants, dont cinq en bas âge. Ma mère, femme admirable, armée d’un courage de mère s’est retroussé les manches et s’est attelée à la tache de nous faire vivre et de nous éduquer. Tache herculéenne qu’elle a accomplie avec orgueil.
Cette jeunesse difficile nous a, je le pense, laissé des séquelles. Mais pas autant q’a notre mère qui en est sortie épuisée. Devenue aveugle dans sa vieillesse, elle a terminé sa vie paralysée.
Je souhaite à cette veuve pathétique de l’autobus, si accablé par son malheur inattendu le même courage et plus de chances.

60. Le sommeil dans l’autobus.

Il est fort indiscret de regarder quelqu'un qui dort - car c'est une lettre qui ne vous est pas adressée. Sacha Guitry

Contrairement à notre habitude nous sommes allés à Wolmar tard au beau milieu de la journée. En cette après midi de novembre, il fait une chaleur étouffante. Pas de trace de vent pour rafraîchir la température. On a vraiment très chaud. On souffre un peu. D’ailleurs, les passagers ont tendance à se taire et se tiennent immobiles et en silence sans se regarder. Une femme assise seule dans le siège opposé au mien s’est assoupie. Non, sa tête bouge par soubresauts.
Elle dort.
Dormir dans l’autobus arrive à pas mal de gens. Ils sont fatigués, épuisés peut être par une grande fatigue, par des problèmes. Ils se penchent sur le côté, posent la tête sur les bords de l’autobus et se mettent à dormir.
J’ai connu bien des gens qui ont cette faculté de dormir partout. Même au travail.
Nous avions dans le service gouvernemental ou je travaillais dans les années 50, un chef de service qui ne pouvait s’empêcher de faire dodo en pleine journée. Assis devant son immense bureau il avait les mains sur le menton et s’assoupissait graduellement. Un de mes collègues facétieux nous faisait alors rire en mettant son l’index devant sa bouche disant.

-« Chut !, Luc, le grand chef dort ! »


61. Le mari paresseux.

« Le travail éloigne de nous trois grands maux : l'ennui, le vice et le besoin. Voltaire »

-« Henriette mo ser, longtemps mo pé fine trouve toi. To touzours à droite à
gauche. Mo rappele nou ti trouvé qui to pas reste en place. Touzours pé fer quique chose ! »

C’est le salut de bienvenue d’une grosse femme brune, portant une chevelure fourrée on peut dire, vers le haut de sa tête et retenue par un mouchoir multicolore.
L’autre femme mince et petite, ne sourit même pas et répond.

-« Qui nouvelle Gertride, moi ça va. Enfin to conné mo bisin touzours trimé. La vie là vie là dur ! »
- To bonhomme là touzours pareil on dirait. Mo rappele li nec baillé. Pas conné qui li pou faire ec so la vie !
- Pli pire. Li nec dormi dans la zournée. Li attende l’heuree boire pou alle zoine so ben camarade tabazie. »
- Li touzours pas travaillé ?.
- Non touzours somer. Mo travaille pou dé.
- Comment to capab laisse ça gros lard là profité. Moi mo ti a fou li dehors.
- Non Zertride, li pas mauvais tellement. Li pas sa qualité dimoun bitor qui batté. Li ene doux et quand li dimande ene ti cache pour alla faire so ti létour mo sagrin li.
- Pas moi qui ti po donne li enne sou. To pas touvé qui to pé tolère so vice ?
Soupir de la petite bonne femme nommée Henriette.

62. Sadam.

« Il n'y a jamais de bonne guerre, ni de mauvaise paix. Franklin. »

Quatre hommes parlent des évènements du Moyen Orient .La guerre entre l’Amérique et l’Iraq. C’est le sujet d’actualité. Le président Bush vient d’avoir l’approbation de son congrès et du sénat pour faire la guerre en Iraq s’il le juge nécessaire.
Un des hommes est tout acquis à la cause américaine.

-“Sadam ène fourbe. C’est ène monste. Li fine servi gaz mortel contre so propre peuple. »
Le second, va plus loin. Il veut exterminer Sadam, les Palestiniens, Ben Laden, enfin tous les islamistes terroristes ou pas.
Le troisième parle de bon musulman et d’extrémiste et dit que seuls les terroristes doivent être visés.

-« Pas conné si Sadam ène terroriste ou si li héberge terroriste. »

Le quatrième, un pacifiste, ne veut pas de guerre.

-« Nou fine assez passe misère ec la guerre. Bisin dialogue. »

C’est curieux que dans l’espace si restreint d’un petit autobus, quatre interlocuteurs arrivent à bien cerner un grave problème. J’en suis émerveillé.
En matière de politique, Le peuple est souvent plus sage que les politiciens.
De nos jours, la menace terroriste à l’échelle internationale est très complexe. Le fanatisme religieux des islamistes extrémistes contribue à la propagation du terrorisme. L’idéologie islamiste est maintenant très répandue dans tous les pays ou l’Islam est implantée. Depuis le 11 septembre 1981, date fatidique de l’attaque des tours du World Trade centre, les USA avec l’aide des britanniques et de quelque pays d’Europe et même la Russie, ont tout fait, pour resserrer l’étau sur le terrorisme. Plusieurs pays dont Maurice ont signé plusieurs Conventions des Nations Unies pour la répression des attentats terroristes. Israël est devenu la principale cible des groupes terroristes depuis la guerre avec les Palestiniens. Et on assiste régulièrement a des attentats de kamikazes. A Mauricie même, nous avons eu un groupe de terroristes appelés le cercle de la mort qui ont assassiné des membres d’un parti politique adverse. Capturé par la police, ils se sont donnés la mort. C’est dire que l’endoctrinement d’islamistes dans des pays du Moyen Orient est chose courante. IL semble que la cible des fanatiques islamistes est la civilisation chrétienne, les économies prospère. Il existe actuellement plus d’une centaine de ces associations terroristes avec des milliers de membres. C’est dire que le problème est grave.
Ils recueillent des fonds sans doute dans des états islamiques, pour acheter des armes, former des combattants, financer des attentats. Ils n’hésitent pas à avoir recours à des tactiques de coercition contre certaines sociétés. Plusieurs réseaux implantés dans des pays particuliers sont actifs pour commettent des actes criminels dans le but de déstabiliser le régime en place qui leur est hostile. Les USA pensent que d’autres pays comme les Talibans d’Afghanistan soutiennent le terrorisme et offrent un havre aux assassins et aux Kamikazes tueurs. Ces pays permettent aux dangereux terroristes de se rendre dans d’autres pays, dont les Etats-Unis et les pays de l’Europe, et d’en revenir, si possible après l’accomplissement de leur ’mission’.
Aux yeux des terroristes, une toxicité extrême est peut-être la propriété la plus intéressante que puisse posséder un agent biologique et ce, même en comparaison avec d'autres armes de destruction massive.
La toxine botulinique A, dont la dose létale moyenne serait d'à peine quelques dixièmes de micro gramme a été décrite comme la «substance la plus létale qui soit connue. Elle serait mille fois plus mortelle que les agents neurotoxiques. Une once de toxine botulinique dispersée sur une grande surface, suffirait à tuer 60 millions de personnes. Une dose de huit onces éliminerait toute vie humaine sur la planète.
La bactérie de la fièvre charbonneuse est un agent encore plus puissant. un seul gramme suffirait en principe à éliminer plus du tiers de la population des États-Unis On a estimé que la pulvérisation d'un aérosol de spores du charbon bactérien sur le territoire de la ville de New York causerait plus de 600 000 morts.
« Un gramme, seulement, d'une culture d'agent de la typhoïde dans un réservoir d'eau a un impact à peu près équivalent à 100 grammes d'agent neurotoxique «V» ou de presque 20 000 grammes de cyanure de potassium. » « Contrairement aux armes nucléaires, les agents bactériologiques ne nécessitent pratiquement aucune connaissance technique. Presque tout le monde peut se servir des agents biologiques. Comme ce type d'arme n'exige aucune connaissance spéciale, aucune expertise technique et aucune installation de laboratoire de haute technologie, le coût serait minime. La production de ce type d'agents ne nécessiterait pas non plus de réunir une équipe nombreuse.
Un article paru durant la guerre du Golfe dans un journal du Caire, l'Al-Ahbar, signalant que l'Iraq possédait «en Europe un réseau d'agents secrets prêts à poser des bombes chimiques et bactériologiques en plus d'explosifs ordinaires dans les capitales européennes. Selon cet article :
« Les cibles ont été choisies : aéroports et bureaux des lignes aériennes, usines, écoles, trains et voies ferrées, raffineries de pétrole et même les hôpitaux où les blessés seraient soignés. La raffinerie de Rotterdam, la plus grande du monde, serait l'un des principaux objectifs. Les médias d'Europe ne seraient pas épargnés. Bagdad a déjà fait des menaces à l'endroit de la BBC. »

Il existe de plus, d’autres terroristes que les islamistes : Les Minutemen, un groupe d'extrême droit américain, dont le chef est Robert De Pugh, le groupe terroriste de gauche américain Weather Underground, la Faction de l'Armée rouge

Le célèbre terroriste Osama bin Laden aurait été à la base des attentats terrifiants du Sept. 11, 2001, qui ont détruit la World Trade Center, et une partie du Pentagon. Il a dit que c’était une punition d’Allah.
Ce fils de milliardaire est responsable de bien d’autres attentats. Son organisation l’Al Qaida a environ 3,000 adeptes qui sont finances de la fortune de Ben Laden.
Son but, détruire l’ordre économique capitaliste mondial. Ce monde est menacé.

63. Ce qui ne va pas dans le monde.

« C'est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n'écoute pas.
Victor Hugo. »

-« Narien pas bon dans çe monde là, » lé monde même fine fouti. Tout fine bouleversée mo croire la fin di monde pas loin. »

C’est un petit homme rondelet accompagnant une femme de la même taille mais d’une minceur peu commune. Ses bras qui pendent à la droite du siège dans le couloir sont comme des tiges minces. De la fine tuyauterie. Il n’explique nullement comment il est arrivé à cette conclusion mais y croit fermement. La femme, sèche et raide n’acquiesce ni ne dément. Elle reste passive et secoue sa tête un court moment. En principe j’entends des remarques sur le coût élevé de la vie, les difficultés de s’approvisionner, de se faire suffisamment d’argent, de justice sociale, de la sécurité. Mais le petit homme de l’autobus n’a pas besoin d’explications. Rien ne va plus en ce monde. Il prévoit l’apocalypse. Il le proclame avec force et sérieux.
En réalité, nous nous trouvons en ce moment un peu partout dans le monde devant des problèmes qui sont présents à toutes les sociétés : la surpopulation, l'accroissement de la famine dans les pays africains par la sécheresse et catastrophes naturelles. Par les catastrophes d’origine humaine, guerres et génocides. La pollution générale de la nature est souvent provoquée par la pollution catastrophique de pétroliers qui se brisent en deux et coulent en face des plages La diminution des ressources naturelles, comme le pétrole engendre des frictions entre grandes et petites nations. On se bat pour les ressources de la terre, les cultures des pays pauvres, sucre, thé banane, copra. Le chômage se généralise. Les dettes des petits états vont en s’augmentant. Les dévaluations sont porteuses de misère. Le plus souvent on ne cherche pas de solutions. Ou alors, on ne trouve pas de solutions.
Le petit homme de l’autobus de Flac en Flac a raison. L'ordre économique est malade.
Les politiciens parlent souvent de croissance illimitée de la production et des biens. L’homme a fini pas croire qu’il est destiné à mieux vivre et à s’enrichir. Pourtant les ressources de la terre s’épuisent avec l’accroissement des populations. L’humanité atteint graduellement une période de crise.
Il faudrait des philosophies et des modèles politiques nouvelles pour extirper les idées de richesses pour tous. Le commerce a tout envahi. La consommation est le baume du peuple. On consomme pour plus de confort, plus de satisfaction de posséder, ce que l’on croit va donner plus de bonheur.
Nous allons vers l’échec. Les fondements même de nos systèmes économiques et politiques étant mauvais, ils vont s’écrouler, comme s’est écroulé auparavant bien de civilisations.

64. Plaisirs corporels.

Un petit groupe de gens assis dans deux sièges parlent des cas de pédophilie chez les Américains. La visite des évêques des USA au Vatican et de la révélation récente de pédophilie dans un village portugais.

-« Mo ser, dit une femme aux deux autres, Dipi trente ans ben zélaive ca l’intitition là fione victime pédophile. Maintenant qui de trois anciens zelèves fine raconte tout. »

Un homme ajoute

-« Zotte servi ca l’ecole là pou invite camar-ade pédophine dans grands postes. Comment dire ène pépinière zenfant pour soutire zotte vice ? »

On peut constater que le monde converge de plus en plus vers la recherche de plaisirs corporels malsains et contre nature.
La religion en souffre. C'est en Europe et en Amérique que la pratique de la religion héritée des parents diminue inexorablement.
La pédophilie prend de l’ampleur, de même les pratiques d’homosexuels. On accepte le fait homosexuel avec condescendance. On cri haut et fort que le maire de Paris est un homosexuel. Il l’avoue avec un semblant de défi et de fierté.

65. Petits métiers.

« Vouloir être de son temps, c'est déjà être dépassé.
Ionesco »

-« To conné Zérôme dans nou fami tou garçons fine travaille cordonnier. Mo grands-parents, mo papa. Mo garçon fine apprenne travail cordonnier. Li fine grandi et maintenat li lagerre ec seo papa. Lipalé vine cordonnier. So papa dire mo encouraze li et maintenant tou le temps nou laguerre cause ça. La vie vine infernal !
Piti lç pas lé démorde. Li dire li pou quitte la case. »

La femme se retourne vers son voisin et ajoute avec émotion

-« So papa dire li to allé quand to lé.’ Penan place ici pou dimoun qui honté travail so papa ec so grand papa. »

Le voisin essaye tant bien que mal de consoler la femme.

-«To conné au fond to piti enan raison. Naplis pou enan trop l’avenir dans métier condonnier. Zourdi machine faire tout. Li ti a mieux gagne so lie dans ène travail birau si li passe l’examen. »

Bon ou mauvais conseil ? Je ne peux décider moi-même.
Ce cas douloureux dans cette famille ne peut pas résolu par des slogans creux :
‘Il n’y a pas de sots métiers’ par exemple. Ce qui arrive à cette famille est arrivé déjà un peu partout dans le monde.
Les enfants quittent la campagne pour se rendre dans les grandes villes, où il y a des possibilités d’emploi.
Le métier du père disparaît avec lui.
Il existe bien de métiers qui disparu ou sont en voie de disparition.
J’en connais bien un bon nombre dans notre propre pays. Réparateur d’ombrelle, matelassier, dhobi la rivière, déménageur. Je me souviens bien de Calypso, un de ces déménageurs qui marchait avec des savates fabriques par lui-même avec des pneus de voitures. Il avait une force herculéenne et pouvait soulever seul un piano ou une grosse armoire. Il poussait sa charrette pleine de meubles dans les rues de Beau Bassin. Son rude boulot terminé il se rendait à la tabagie pour prendre ses verres de Rhum. C’est d’ailleurs le seul endroit ou on pouvait le contacter pour un éventuel déménagement.
On pouvait voir des équipes de matelassiers près de la gare de rose Hill avec leur bâton de matelassier. Ils se battaient pour avoir les clients et ‘cassaient les prix’.
Une fois engagé, le matelassier vous accompagnait d’abord dans la quincaillerie, pour faire provision de
Paille de coco, du coton ou du Kapok, des tresses et cordes etc. Rendu chez vous il travaillait sur place avec bonne humeur. Il vous livrait finalement un bon matelas bien bombé, ficelé à sa manière.

Notre ‘dhobi’ venait tous les dix jours livrer et prendre son ‘linge’
Ma maman lui faisait déposer les colis attachés avec un drap et posé sur la tête du dhobi, généralement une femme. Ma mère comptait alors scrupuleusement les pièces de la livraison et consultait la liste dans son carnet de lavage de linge. Chemises 5, pantalons 8, dessous femmes 10, slip hommes 6, robes 9 etc.
Le linge venant du panier de linge sale, était étalé sur le plancher et compté avec la même assiduité.
Souvent le dhobi prononçait à sa manière sans sourciller et disait Sotte pour Short, Pizama pour pyjama et torzon pour torchon.

66. Hommes de bonne volonté.

« Même sans espoir, la lutte est encore un espoir.
Romain Rolland. »

-‘Missiè Bourdin, ça bon dimoun cà !’

Je n’avais pas entendu le débit de la conversation entre deux femmes assises en face de moi. Je contemple l’arrangement savamment composé de l’arrière de leur chevelure.
J’allais comprendre de qui il s’agissait, quand l’autre femme a répliqué.

-« Delphine, to conné qui li vine souvent dans cié rencontrer mo cousin qui fine perdi ene la zambe. Lipé travaille pou faire li gagne pension. Li fine promette li ène chaise roulante.’ Li alle partout. Bon dimoun ça »

Il existe bien des préposées de la sécurité sociale qui vont vers les plus démunis, les accidentés etc. C’est leur travail. On espère qu’ils le font bien. Mais ce que le peuple admire le plus c’est le travail des personnes qui sont purement volontaires et dont l’ambition c’est d’aider le prochain. Missié Bourdin est un de ceux là.
Comme l’a bien dit cette femme :

-« Bondié pou rende li ça. »

Des hommes et les femmes de bonne volonté, doivent être recherchés dans tous les domaines de la vie. On les trouvera parmi les éducateurs mais ils agissent en pure philanthropie. On en trouve parmi les riches mais aussi dans la classe moyenne et les ouvriers. Ils vont tendre d’aider le malentendant, l’aveugle l’estropié, le délaissé, l’extrême dénuement.

67. Les hommes de loi.

Ce serait beau, l'honnêteté d'un avocat qui demanderait la condamnation de son client. Jules Renard.

-« To conné, mo garçon Sylvio qui travaille dans ène magasin qui vende casseroles, ec plusiers ti marchandises, finne gagne gros problème. La police fine arrête propriétaire magasin comme récéleur, marchandises qui fine coquin.
La police accuse li complicité. »
-« Pauvre Nathalie, comment to pou tire li dans sa bèse là. Bisin to alle guette ène avocat. »
-« Mo ine allé. Mari cash zotte
dimandé. »

Patron là qui mo conné li coupable fine alle prend dé grands avocats. Li capabe payer. Nou qui misère qui to lé mo faire. Mo fine retenir ène ti avocat. To conné grand avocat dimande gros la monnaie ti avocat moins cash. »
-« Propriétaire àa magasin là, fine déjà gagne ène accusation tafficant mais li fine acquitté. La zistice ti fine faire ène l’erreur dans procédire.
Mo ine tande rimeur qui ça fois là encore li pou acquitté et avocat mo piti dire qui li pou mette tout lors lé dos mo garçon pou tire so canette dans joué. Mo n’a pli conné qui capabe faire. »

L’autre femme soupire.

-« Pas la première fois qui pas pou acquitte ène dimoun coupable. Mo croire qui travail avocat coument dire ène bisiness. To mette tout to connaissance po défende ène dimoun.
Si la Police pas capabe prouve so case convenablement, l’avocat gagné.
Pli so client riche pli capabe pie li ène pli grosse somme.
Zotte dire énan avocat couman Gaetan qui défende ti dimoun gratis. Diffice pou nou croire ça ! En attendant mo piti pou alle dans rails. »

J’ai demandé à mon voisin le magistrat ce qu’ils pensaient dans la profession légale des accusations de cette femme. Ils m’a dit dit que certains avocats pouvaient se faire de grosses fortunes en défendant des cas suspicieux, mais que c’était rare.
Le métier d’avocat est d’une grande noblesse. Donner toutes les chances à un accusé. »
Mais si par son habileté sa science du métier un avocat fait acquitter systématiquement des coupables ? La réponse à cette question est que l’avocat a bien fait son travail, de même que le juge. La Police ou le parquet, bien moins.
Je peux dire sans ambiguité que je n’aurais pas choisi de devenir un membre du barreau, malgré sa réputation de…grande noblesse.

68. Le chrétien revanchard.

Il y a de la place au soleil pour tout le monde, surtout quand tout le monde veut rester dans l'ombre.
Jules Renard.

On ne parle pas beaucoup de religion dans l’autobus. Ce matin, c’est la veille d’un congé public qui sera une fête musulmane Eid.
Un homme assis à côté de deux femmes de sa connaissance fait une observation assez raide sur ce qu’il considère une faute de l’évêché.

-« Nou religion dire zésus pli important qui tout. Nou pas bisin conné qui ben Misilman pensé. Eid pas nou fête.
Pourtant La vie Catholique écrire lors Eid, félicite ben Misilman mais c’est qui mo en colère c’est qui Monseigner l’évêque dire li aussi bisin prend part fête misilman. La vie fine bien changée, mais mo pas d’accord. »

Une femme pensive semble acquiescer. L’autre femme.

-« Zot dire tou relizion pareil. Nou n’a pli conné votte pou aller Mo croire c’est pou ca qui enan boucoup sectes.
Père Souchon et même l’évêque pas manqué cause lors Divali, Eid et dire bisin souhaite zotte bonne fête. Père Souchon capabe dire la messe pou Divali.
-« Père dire énan place pou tout religion, mais côté misilman ou hindou zamais cause fête chrétien qui li Fête des morts qui li Christ Roi. Zotte pas rende narien »
dit un homme agacé.

69. La Foire des tissus.

Ma grande objection à l'argent, c'est que l'argent est bête. Alain.

Le jeudi matin, les touristes sont en assez grand nombre dans le bus depuis l’arrêt terminus à côté des hôtels. C’est le jour de foire à Quatre Bornes qui les attire.
En route, le nombre de passagers va augmenter et on arrivera à se coincer sur les sièges étroits pour accommoder tous ces gens. Debout, plusieurs passagers s’accrochent tant bien que mal aux guides fixés au plafond.
Un couple anglais assez jeune, est devant nous. Ils viennent de faire place à une vieille dame en sari rose et vert d’eau. Je les entends qui font des commentaires sur le manque de confort de nos autobus. Quand on paie si peu faut-il s’attendre à des sièges rembourrés ?
Il est certain que nous autres mauriciens, nous avons l’habitude de voyager dans des autobus délabrés, pour la grande majorité des camions indiens déguisés en autobus, et sur des sièges qui sont souvent dans un état déplorable : Marocain usé, troué ou fendu, ressorts cassés.
Arrivés à Quatre Bornes, ils demandent des renseignements sur le chemin qui mène à la Foire. La voisine ne comprend pas l’Anglais, je me rends disponible pour les aider.

-« Suivez-moi, je vais moi-même dans cette direction. »

Nous descendons de l’autobus et nous nous dirigeons vers le marché de Quatre Bornes. J’ai un peu honte de les voir regarder le vieux marché sale datant de 1941. Chaque année un nouveau maire annonce que la construction d’un marché moderne est sa priorité. Puis plus rien. Cela dure depuis des années. Devant le marché se sont installé, les marchands de gâteaux qui cuisent sur place. Ils vendent aussi du pain étalé en monticule, le plus souvent sur leur table, sans aucune protection, et au défi de toute hygiène.. Les lois sanitaires ne servent pas grand chose à Maurice. Le policier de service est là pour consommer, pas pour sévir !
Bien vite on est à l’entrée de la foire.
L’anglaise me demande « Is it good ? »
Je me sens piégé et réponds :

« You see those mini lorries, they come from anywhere in Mauritius with their cargo of textile products. So you will see lots of articles, some of bad quality others satisfactory. You may browse at your convenience and haggle for the price. ”

Cette foire que les autorités régionales ont permis de se développer est d’une laideur incomparable. Les marchands ont installé des prélarts colories fixés comme ils le peuvent pour les protéger des intempéries. On croit voir un amoncellement de tentes, mais de prés on réalise qu’il s’agit le plus souvent de morceaux de tissu plaqué avec l’aide de gros fils.
Les habitants des environs, dont je forme partie, sont fort dérangés par la présence de cette foire. Ils ont plusieurs fois rencontrées les maires en place pour protester. Peine perdue ! J’ai moi même accompagné un jour quelques voisins à la mairie. Nous avons parlé du bruit assourdissant depuis trois heures du matin, des difficultés de circuler dans les rues avoisinantes. J’ai souligne qu’il n’y avait plus de place disponible pour les piétons. J’ai remis au maire un petit livret de photographies pour illustrer le désordre généralisé. J’ai fait ressortir que la présence simultanée de voitures en stationnement avec des réservoirs d’essence et de tissus inflammables pouvait provoquer un incendie sous ces tentes ou s’entassent un grand nombre de femmes, dont des vieilles. J’ai insisté sur le fait que les bonbonnes de gaz des marchands de gâteaux piments devaient être interdites.
J’ai cru comprendre que je perdais mon temps et que les autorités n’avaient ni le vouloir ni le pouvoir de rien changer.
Depuis, nous subissons ! Nous subissons jusqu'à ce q’une catastrophe nous donne raison. Les visiteurs touristes venant de pays étrangers ignorent, je le pense qu’ils encourent un grave danger.

70. Les fossettes.

Nous ne savons jamais si nous ne sommes pas en train de manquer notre vie. Marcel Proust.

Deux jeunes filles sont entrée en même temps dans l’autobus et se mettent en première rangée assez loin de moi. Les deux en grande conversation semblent s’amuser et rigolent à pleines dents. Un rire enchanteur qui me ravit, car les deux filles possèdent de belles fossettes dans des joues potelées. Une des filles parait avoir une paire fossette plus creuse que l’autre. Leur séjour dans l’autobus sera court car elles descendant à l’arrêt suivant, de bonne humeur, riant toujours de la bonne plaisanterie avec leurs fossettes de rêve. L’une des deux pousses un cri qui résonne comme des clochettes, accompagnant son rire.
Je suis moi-même venu au monde doué d’une paire de fossettes. Je les ai d’ailleurs transmis à ma progéniture.

Cette histoire de fossette me fait penser à la physionomie générale de gens que l’on peut voir voyager par autobus. Un scientiste anglais, de renom international, qui était en visite à Maurice, invité par l’Institut de Recherches, en conversation avec un groupe dont je faisais partie nous disait naïvement :

«You Mauriciens are good looking people. Beautiful looking people. »

Exact ! Je pense que si nous avons occasionnellement pour dire le moins, de drôles d têtes et des frimousses mal formées ou peu douées par la nature, le cas est rare. Les mauriciens sont beaux. Le noir est un beau noir : brillant ou mat, le métis est doré ou basané à souhait. Il se trouve que les gens venant de l’Inde ont généralement une certaine finesse dans la charpente et des traits fins. Le métissage produit de vraies beautés.

J’ai rencontré plus de laideurs chez les étrangers, par exemple sur les plages européennes. On en voit suffisamment dans les métros. Je suis satisfait de ce que je vois en général dans les autobus. Certes nous avons trop de grassouillets et d’obèses, mais les traits restent agréables et au pire, passables. Nous ne sommes guère choqué par l’apparence de nos concitoyens ; quel que soit leur origine et leur race !

71. Adoption.

Faites que le rêve dévore votre vie.
Saint Exupéry.

Un homme, chauffeur de son état voyageait par l’autobus, il le disait à un ami voisin, par nécessité, car sa voiture était tombée en panne et il lui fallait chercher du secours.
Le voisin lui a parlé de son métier et lui a taquiné un brin en disant

-«To métier touzours pareil. Prend passager roulé, recommence ca même tout le temps. To pas fatigué faire même zaffaire ! »

Le chauffeur répondu que dans ce métier, il pouvait se passer beaucoup de choses et qu’il connaissait un exemple notoire.

-« To pas pou lé croire, destin dimoun ca ene grand quique chise. Ti enan ène chauffeur coment moi, ène Madras. qui ti prend ène touriste Italien pour amène loi l’hôtel. Plis allé zot fine faire connaissance et li vine cherche Italien là tout lé jours. »
Une véritable amitié s’est donc liée entre le chauffeur et son client étranger. L’Italien est même venu le voir dans sa maison qu’il louait avec d’autres personnes, qui comme lui vivaient péniblement avec de faibles ressources.
Il invita l’Italien à déjeuner et lui offrit un carri voehm, que l’étranger n’avait jamais mangé. L’Italien lui a dit qu’il vivait seul avec sa vielle mère et mangeait souvent des pâtes. Il trouva le carri mauricien, épicé mais très bon.
Après plusieurs voyages, il étonna le chauffeur en lui disant qu’il voulait l’adopter. Le chauffeur fut enthousiasmé de l’idée d’aller vivre en Italie et de devenir un Italien lui-même. Il n’avait pas de liens à Maurice et peu de gens se souciaient de lui.
Après des démarches compliquées, l’Italien a été autorisé de procéder à l’adoption.
Le reste de l’histoire me parait comme un conte de fée. Le chauffeur alla vivre avec l’Italien et la vielle dame, à Livourne, au bord de la Méditerranée. Il s’adapta très vite à son nouvel entourage et avait déjà une bonne connaissance de la langue italienne. Il a été d’abord fort étonné de constater que l’Italien vivait dans une grande demeure, avec trop de chambres selon ses critères pour deux personnes seulement. Il constata que ses parents adoptifs étaient assez riches à en juger par leurs biens et la vie qu’ils menaient. Il prit conscience du fait qu’a Maurice il ne vivait que misérablement, même s’il s’était contenté du peu qu’il avait.
Le clou de l’histoire qui m’a surpris, est que l’Italien devait mourir d’un cancer après deux années. Ce fut un coup dur pour le chauffeur mais il s’habitua à sa nouvelle vie en prenant bien soin de la vieille dame italienne.
Un an plus tard la vieille mourut à son tour. Notre chauffeur en fils adoptif hérité de tous les biens. Il est de nos jours plusieurs fois millionnaire.

-« Li fine vine passe vacances Maurice avec ène zenesse itailienne, mo croire so fiancé. Mo fine renccontré li ène zour divant la place l’auto, li ti vine reconter so ben vieux camarades. »

Comme son interlocuteur, renversé sans doute par ce récit, il resta muet, un moment et ajouta doucement :

-« Ene bon garçon. Pas faizeur di tout. Mo content pou li. Bon Dié grand ! »

Plusieurs jeunes mauriciens de toutes les ethnies ont été adoptés par des étrangers. Chez nous même des couples sans enfants adoptent des bébés. Une de mes belles sœurs avait épousé un policier qui avait un fils adoptif. Comme elle n’avait pas d’enfants, elle semblait contente de vivre avec ce grand
garçon !

Il faut beaucoup de démarches officielles pour pouvoir adopter quelqu’un. Pour l’adoption d’étrangers, ces procédures sont normalement très compliquées. Ces précautions s’avèrent nécessaires, car les enfants adoptables, sont issus d’une autre origine, ont été formés par des habitudes de vie différentes de celles de la famille adoptive. Les enfants adoptés ont souvent des difficultés pour s’adapter à la nouvelle famille et cela prend du temps pour créer de nouveaux liens affectifs d’attachement.

72. Mèdecins.

Notre pouvoir scientifique a dépassé notre pouvoir spirituel. Nous avons des missiles guidés et des hommes mal guidés. Martin Luther

-« To alle l’hopital, to attend deux heure et docter vine enguelle toi ! Enan qui bien méchant ! »

C’est une femme d’un certain âge qui se plaint, en parlant à ses deux voisins, un vieux couple.
J’ai entendu des gens faire des éloges de médecins dévoués mais rarement dans les autobus. Les malades qui vont à l’hôpital et ne voyagent pas par autobus, sont plutôt enclins à se plaindre. Je ne sais s’il faut faire la part de l’exagération mais les propos de cette vielle de ce matin semblent bien avoir l’empreinte de la vérité.
On rencontre des variétés de toubibs.
Beaucoup cherchent à gagner le plus d’argent. Les honoraires en priorité ! Il faut des sous pour la belle limousine, la grande maison, le campement.
Le statut c’est le principal. Les gens doivent savoir que l’on est médecin.
Heureusement que l’on trouve aussi des médecins qui s’attachent à s’occuper de la pauvreté. Il ne faut donc jamais désespérer.
L’état a le devoir de s’occuper de la promotion de la santé et les soins en milieu d'extrême pauvreté, réduire les inégalités sociales de santé et améliorer la qualité de vie des plus démunis..

Les médecins font payer le prix fort à la société leurs longues années d’études à potasser anatomie urologie et gynécologie ! Si vous avez les moyens ou que vous avez des assurances maladies, tout va bien. Vous n’aurez qu’à régler les factures. Vous le ferez obligatoirement avant de quitter la clinique. Ayant confiance dans les soins de la clinique, on ne vous fera pas confiance cependant, pour régler la note. Un petit chef d’œuvre de comptabilité avec les détails croustillants de ce que l’on doit pour le médecin, la salle d’opération, l’anesthésiste, la chambre avec repas, les médicaments, l’infirmière additionnelle, l’écographie, les gants, les seringues, les analyses, etc, etc.

Le pauvre, lui n’à d’autre choix que de se mettre patiemment dans la queue d’attente à l’hôpital ou en cas d’extrême urgence au cabinet exigu et poussiéreux de n'importe quel médecin, pour y être soigné. Il n’a presque pas de moyens de payer la facture.
Dans les hôpitaux, il faut d’abord remplir les formulaires et passer par toute la paperasse. Routine qui éreinte et déprime autant que la maladie.

-« Grave docter » ?
- « Comment ou lé mo conne ca tout de suite, mo pas longaniste ! »

Le médecin est parfois rude, impatient et de mauvais poil. Il a une queue d’attente impressionnante. Il se sent fatigué.

Si le cas l’exige, il faut qu’il l’exige vraiment, le malade sera admis gratuitement à l'hôpital. Il deviendra un patient soigné autant que possible par des infirmiers désabusés, dont le syndicat est en perpétuel conflit avec les autorités pour les questions de salaires et de conditions de service.
Pendant son séjour, on va ignorer qui il est, comment il vit, s’il a de famille ou nom. Il lui faudra se taire et se laisser soigner et espérer.
Le toubib va diagnostiquer la maladie. Ce n’est pas son boulot d’enquêter sur le degré de malnutrition, du stress de son malade.
A la ‘décharge’ comme on dit en jargon médical, Il va lui délivrer le certificat médical essentiel pour calmer les patrons et ne pas perdre son emploi. Un minimum. Quatre jours de congé ! Ayant rempli d’autres formulaires, le malade est déclaré en bonne santé. On espère ne plus le voir encore à l’hôpital.
Il lui faudra se retaper avec une enveloppe contenant des Panadol et d’une vingtaine de pilules de vitamines B complexe, de fabrication locale, offerts par l’état.
Dorénavant, il lui faudra se débrouiller, et de nager seul même à contre courant.

Le ministre dira à ses mandants :

-«Savez-vous combien cela coûte à l’état ces soins gratuits dans les hôpitaux. On songe à faire payer ceux qui ont les moyens. »
Ceux là vont réagir violemment avec l’aide de l’opposition politique.

-« Pas d’hôpital gratuit pas de votes. »

Les nantis, égoïstes, qui vont à l’hôpital, ne veulent pas comprendre qu’en profitant de la médecine gratuite, ils privent les vrais nécessiteux d’un meilleur service santé.

73. Produits cuisine.

Deux femmes accompagnées par un homme plus âges emportent de gros sacs vides. Ils vont au marché de Quatre Bornes Ils s’adressent à deux autres femmes qui viennent d’entrer dans l’autobus.

-« Nou alle acheté légime pou vandé dans nous ti coin cotte tabazie. Bisin létend pot acheté tout.’
- Zotte fine amène manzé.
- Pas bvisin, enan ti l’endroit cotte gagne tout. Dipli Dhal pourri, di riz frit, tout. Capabe même assisé. »

Les restaurants guérites, nouveau-nés honteux de notre l'industrie alimentaire, c’est une cabane étroite, nauséabonde, montée sur roues qui longent la rue à côté de la foire. Ce système a été approuvé et béni par les autorises de la mairie.
Ces marchands livrent une quantité croissante de produits réellement prêts à consommer. On vend a bon marché. L’hygiène douteuse, semble secondaire.

74. La fin du monde.

La suggestion consiste à faire dans l'esprit des autres, une petite incision où l'on met une idée à soi.
Victor Hugo.

La fin du monde ce n’est pas un sujet pour discuter dans l’autobus de Flic en Flac. Mais pourtant, trois femmes bien portantes, et même un peu obèses, qui viennent de prendre place, cocottent allégrement. On parle de scandales. C’est un sujet qui plaît particulièrement aux femmes. J’ai entendu une histoire qui m’a surpris.

-« Mendil, to fine tanté qui énan éne secte qui fine réissi faire copier
dimoun. »
-« Qui ça ça qui to appelle copier dimoun. ? »
-« To conné qui zotte faire zenfant né dans tibe et mette li dans ventre maman. Maurice même pé faire ça.
Mais secte la, zotte faire miltiplié dimoun dans tibe. Faire dé dimoun pareil. Pareil pareil mo dire toi. »

Après une pause semble-il nécessaire pour digérer cette information, l’une des femmes dit :

-« To ti conne Pushpa, li dire moi qui li ti travaille Sodnac dans éne ti compagnie qui appele Micab pou lave tibes ec nettoye plancher. Li dire qui ben là en catimini ti pé faire ti plant en tibe. Couma dire ene ti plant donne mille ti plants. Gouvernement pas empêcher.
Li fine quitté quand ben là fine fermé pou alle remonte zotte ti lisine dans Flacq. »

-« Mon cause ça ec Bhai Soodron qui conne tout zaffaire. Li dire moi plant capabe propazé coumment nou lé mais pas zanimaux ec dimoun. »
-« Ben sectes pé faire li et dire zot ine réissi. »
-« Mendi, qui to dire, mo croire bon dié pé en colère et nou pé alla vers la fin di monde. »

Toutes les trois semblent être d’accord. La fin du monde approche !
La compagnie de micro propagation de plantes, Microlab, où Pushpa a travaillé, existe.
Je connais bien son directeur, qui emploie plusieurs dames dans son laboratoire. Il propose des micro plants de plusieurs variétés de fleurs, mais aussi des bananiers et d’autres plantes.
C’est une technique scientifique adoptée par la plupart des pays à vocation agricole et qui rend de grands services. A Maurice, par exemple on peut propager la Trochetia, plante très rare, dont la fleur a été choisie comme fleur nationale de Maurice.
Je ne crois nullement que ce directeur ainsi que ses collègues qui ont des laboratoires aux quatre coins du monde, sont impliqués dans le déclenchement éventuel de la fin du monde. Je ne dirai pas de même en ce qui concerne la proposition démoniaque de la secte des Raelliens, qui a été condamnée par le pape et les dirigeants des grands pays civilisés.

75. Militant coaltar.

Le socialiste par raison peut avoir tous les défauts du riche. Le socialiste par sentiments doit avoir toutes les vertus du pauvre.
Simone de Beauvoir.

Deux femmes accompagnées d’une fillette adolescente arrivent par l’arrêt de Bambous. Celle qui a un aspect folklorique, avec des motifs aux couleurs trop voyantes.

-« Fidou, mo content trouve toi zourdi. Lot zour même ni ti pé cause toi »

-« Mo espère en bien Alix ? »
-« Qui nouvelle to mari ? Li touzours travaille pou parti. Mo mari dire moi qui li faire politique dipi création militant. Li ene rare militant coaltar. »
-« Qui to causé ma chère ! Tout so causé ça même : Li boire ; li manzé, li discuté, nec nec cause zaffaire militant.
Paul ine dire moi ceci, Paul ine dire moi cela.
-« To pas content ? li ene dimoun important dans parti. Capabe gagne lavantaze »
-« Qui lavantaze, li touzours pareil dipi dix ans quand li fine gagne ène ti place.
Paul ine vine ministre des finances, li faire so bidget coument ène riche. Mo mari li, li trouvé qui so Paul énan bon sentiment. »
-« Mo fine plein entende : Paul Paul, Paul » !.

76. La rage de dents.

On voyage parfois avec des passagers de l’autobus qui se tiennent un coin du visage avec un mouchoir, souffrant d’une dent et prenant leur mal en silence. Mais ce matin, la femme qui est entrée avec son amie à Palma, semble avoir une vraie rage de dents. Elle pousse des

-« Aah ! Aio ! Fermal ! Ouf Fermal ! »

En direction de son amie. Celle-ci essaye de la faire prendre patience.

-« Encore ène ti moment, nou arrive dispensaire. Zot a donne toi ène calmant. »’

Un homme assis juste dernière eux s’interpose :

-« Pas alle dispensaire, alle droite cotte ène dentiste pou tire sa lédent là, sinon li pou souffert plis. Mo conné qui appelle mal dé dents. Mo prend part pou ou madame. »

Un loustique, un peu plus au fond de l’autobus s’écrie :

- « Facile pou tire lédent, pas bisin dentiste. Attache lédent avec ène la ficelle dans la porte et puis ouvert li brisquement. »

Des passagers protestent.

-« Ou pas honté sicane dimoun qui pé souffert ? »

Une vieille dame, compatissante dit : «

-« Pénan personne ènan ène Panadol ? »

Une jeune fille ouvre son sac à main et offre une pilule à la femme souffrant atrocement de mal de dents.

_« Comment li pou boire ça. ? »

De sa cabine, le chauffeur qui a tout entendu propose.

‘« Prend mo chopine dilo. »

77. Le ‘Tabardaine.’

La nature a fait l'homme heureux et bon, mais la société le déprave et le rend misérable. Jean Jacques Rousseau.

-« Chloé qui novelle mo content capabe cause are toi. To conné pas capabe alle cotte toi, to mari trop tabardaine. »

J’entends alors un échange de propos sur la pénible existence de cette femme qui, de son propre aveu doit endurer la perpétuelle mauvaise humeur d’un mari peu commode.

-« To conné, li ti touzours coume ça. So ser dire moi quand li ti piti piti, li ti grognon. Ensuite li fine vine difficile. Li fonce lor dimoun a tort et à travers. Zamais capabe marque ène point. So ben camarade même n’a pli lé li. Qui pou faire ? »
-« Li batte toi quand li boire ? »
-« Li zamais boire boucoup. Li dire perdi la monnaie acheté bouteille. Si li gagne gratis li boire ! Li pé vine de plus en plus avare. Guette mo robe. Tout pé isé »
-« Qui li faire ec se casse ? »
" Nec ramassé même. So la vie ramasse casse ec zourre moi."

78. ‘Manchestaire United.’

Aux jeunes, mis en situation, il importe de montrer leurs capacités à se hisser au niveau de leurs aînées.
Roger Lemerre.

Quand les jeunes garçons sont dans l’autobus, ils parlent bien entendu de Foot. C’est tout un groupe qui mène une conversation assez animée sur le football. Deux hommes plus âgés participent tour à tour à la conversation.
L’un d’eux, prend à témoin son compagnon et dit aux jeunes, en mimant celui qui se mouche :

-« Ben l’équipe football zordi faire honté. Pénan aucaine grand zouère. Dans mo létan temps ti enan Fire avec Jean,, Martin, ec Favori. Zotte pas fine conne Jean, li ti a cababe zoué manchestaire, tellemnt li bon. Li ti comment dire Beckham. »
Et puis ti enan Dodo, Racing, Iskoute. Tout ça avec ben bel zouers. Grands match mo dire zotte. Nou léquipe nationale batte la Reunion 15-0. Maintenant zotte gagne batté. Réunionais pli fort. »

Les jeunes gens en prennent pour leur grade et singulièrement, ne sachant quoi dire pour la riposte, se taisent. Puis un des jeunes dit :

-« Ton, nou guette match anglais chaque samedi. Zotte zoué grand grand
football. »

L’autre homme âgé approuve et dit au jeune garçon.

-« Qui to léquipe préféré ? »

Sans hésitation :

« Manchestaire United. »

Large sourire du vieux qui approuve une fois de plus.
Il connaît bien son sujet.

-« Ferguyson ène mari entrainair. To pou guetté comment li pou ramasse Arsenal, qui line laisse alle divant, dans poteau. C’est qui mo content ec li, li mache maché so chewing gum pendant qui li guette so léquipe mette goal ! Zot passe boule bien loin, ça arrive divant poteau et alors… Fisette. Boule alle crazé dans filet.
Ene zour to pou guetté, marqué garder, goalie Bartez pou mette ène goal dipi so poteau.
L’homme semble essouflé, et ajoute : Grand, grand léquipe Manchestaire. ! »

79. Rôle social des riches.

Les malheureux sont ingrats ; cela fait partie de leur malheur. Victor Hugo.

-« Cotte to pé allé Eliane. Bord la mer? »
-« Non, mo enan rendez-vous avec ben madame blancs qui habitent lors propriété cotte Bambous et qui occupent di moun pauvre. Zot lé qui mo donne ene coup de main pou ene ti la paie. »
-« To pas ti a mieux alle travaille
lisine. ? »
-« Non, mo mari ènan ène bon place nou pas bisin qui mo alle travaille. Mo fine choisir alle donne éne coup de main à ben bon dimou là. To conné zotte donne bocoup cash. Zot alle dimande cash zotte ben camrade riche qui donne zotte grand la monnaie. Pou enan boucoup projets. Madame là lé monte ène la crêche et aussi ene maison des vieux. Boucoup travail la dans. Li donne aussi boucoup l’argent dimoun pauvres. »
-« To croire ben là sincère ? Madame là pas pé faire politique ? »
-«To conné, nou tou méfiant mais pafois mo trouve dimoun zouir l’avantage qui ben madame riche donne zotte et zotte alle cause mauvais causé. Zotte morde la main qui pé donne zotte manzé, to comprend. »



Ce n’est pas souvent que j’entends les éloges des nantis dans un autobus. C’est même exceptionnel.
On peut arguer que sans argent on ne peut aider les démunis, et que plu son est riche plus on peut soulager les souffrances des pauvres.
Cela m’a poussé à réfléchir sur le rôle de la richesse. Est-elle essentielle dans la société ?
La richesse est l'état caractéristique d’une accumulation de monnaie ou de biens, maisons terres, transformables en monnaie. Dans certaines familles on ne se demande pas comment on l’a obtenu. On est riche. Or, avec une somme d’argent, est possible soit de l'investir et devenir plus riche, (pour engendrer de nouvelles richesses), la dépenser, en achetant des s articles de tous genres et faire tourner l'économie), la donner, enfin l'épargner, pour le léguer à sa descendance. Malheureusement l’argent sert aussi à corrompre, à payer un voyou pour commettre une violence quelconque, à payer des assassins.



Le riche doit être présumé utile. Le progrès est dépendant de l'existence de riches. Sans les riches, les marchés ne pourraient pas évoluer.

Les produits de consommation, chaînes hi-fi, micro-ordinateurs sont moins chers par ce que les riches les ont achetés plus chers. Les riches sont ceux qui financent de grands projets dont l’exécution permet d’améliorer des techniques et inventer des articles utiles qui vont servir aux moins riches et même aux pauvres.

Par leur intervention, ils sont donc à la source des améliorations dans un grand nombre de domaines. Ils nous forcent à accepter de nouveaux produits. Nous apprenons à connaître de nouvelles choses ou à à manger et boire de nouveaux produits. A Maurice toute la population a un engouement pour les loteries le jeu aux courses ou ailleurs. La majorité des gens recherche l’argent et rêve de devenir riche. Vite, il faut un petit business qui donne des profits. Le système de profit dans le monde entier est pratiqué par tous : Grands et petits commerçants s’en servent effrontément. Plus de profits plus de richesses.
Ces mêmes gens à la recherche de l’argent par tous les moyens, honnêtes ou malhonnêtes, vont répéter pourtant à satiété qu’ils n’aiment pas les riches qui les exploitent..
Une fois riches, il nous faudra être circonspect pour ne pas tout perdre. Pas de gaspillage effréné. Le vrai riche n'achète pas n'importe quoi. Il ne va pas dépenser inutilement son argent. Il va donner de l’emploi à quelqu’un pour lui faire gagner plus d’argent. Il favorise l’emploi. Avec son excédent, il emploiera des domestiques, des jardiniers. Voyez les touristes riches qui fréquentent nos hôtels. Leur passage entraîne une vraie distribution de richesses. Barmen, musiciens chauffeurs de taxi.
Nous savons enfin, par l’exemple décrit par la femme de l’autobus, que les riches donnent souvent énormément d'argent à des fondations charitables.



Malgré une certaine oppression d’un état socialiste, l’envie et le mépris, voire la haine de leurs concitoyens moins fortunés, ils survivent. Le plus souvent, ils font mieux que survivre, ils s’enrichissent davantage.

80. Détection du stress dans l’autobus.

Si vous voulez voir les effets répandus du stress, il vous suffit d’observer les gens voyageant par autobus, sans oublier les employés habituels ; le contrôleur et le chauffeur. On peut observer les expressions des visages des personnes plus pressés que d’autres.

Sans aucun doute, nous ressentons tous du stress à un moment ou à un autre, mais notre santé va dépendre de la façon dont nous allons gérer notre stress.
Si vous pouvez augmenter les facteurs qui amènent plus de satisfaction au travail où à la maison, vous êtes sur le bon chemin. Aucune difficulté n’est vraiment insurmontable.
Observons donc avec assiduité les signes de stress chez nos habitués de l’autobus. Nervosité, anxiété ou contrariété, ces facteurs qui augmentent la tension.

Il y a aussi une détection assez facile de tristesse, d’épuisement, de fatigue morale, allant à la dépression, et même le désespoir. Pour ces pauvres diables, la vie est vide de sens. Ils ne se sentent pas acceptés par leur entourage.

J’ai noté ce matin au moins deux cas de personnes montant une certaine agitation. Je constate chez eux une incapable de se tenir en place. Ils sont constamment en train de secouer la tête de crisper les mains, et présentent des tics désagréables. C’est gênant !





81. Scolarisation.

Certes les êtres humains sont égaux, mais les individus ne le sont pas.
Alexis Carrel.

Avez vous remarqué ces gosses qui entrent dans l’autobus, chargées de gros cartables remplis à bol de toutes sortes de bouquins ? Ils courbent le dos sous le poids.
J’en ai observé un enfant aujourd’hui, plus petit que les autres. Pathétique ! Il y en a de ces maigrichons que la nature aura destinée de rester petits et maigres.
Avant d’aller affronter le monde, on passe obligatoirement par des années d’études. Le bambin débute en allant se réfugier dans les jupes de la maîtresse. A force de pleurer et de demander sa maman, il va finir pas se taire et accepter le mouchoir. On le changera d'école, l’école ou le bourrage de crâne va commencer. Etudes préparatoires, études moyennes, puis le grand test la sixième, le certificat d’étude primaire.

L’enfant se sent vidé. Pourtant ce n’est que le début les études secondaires, qui sont longues et compliquées.

Pendant ne bonne douzaine d’années, l’enfant va passer autant de temps avec les profs qu’avec ses parents. Il va ainsi apprendre à se passer de sa famille. Pendant ce temps, on va le jauger et noter ses progrès, ses déficiences, ses échecs.
Adolescent encore, il va comprendre que tout ce qu’il a appris n’est pas nécessairement utile ou ne correspond pas toujours à la réalité. S’il n’est pas un brillant sujet, il va enfin entrer dans le monde des chômeurs.

Si le papa est riche, il se contentera d’être fils à papa, va s’amuser les nuits dans les discos, va fumer le gandia et va vieillir imbécile. Sinon, il y le choix entre la bonne voie et la mauvaise voie. La mauvaise c’est d’abord la petite délinquance, puis la grande et la prison. La bonne c’est le petit job ou il peinera et sera exploité jusqu'à la retraite. Il aura alors le privilège comme nous de bénéficier d’un ticket d’autobus au rabais et de se mêler au nombre de petits vieux dans l’autobus de Flic en Flac.

A Maurice, comme dans bien de pays sous développés, les ressources disponibles pour l'éducation, les moyens de se pourvoir d’enseignants compétents, sont faibles. Les classes sont surchargées. Il y a deux à trois fois plus d’élèves que les normes d’éducation réclament. Le matériel pédagogique est rudimentaire.

Très souvent, les enfants sont reçus dans les écoles éloignées de leur maison. Les parents doivent donc accompagner les jeunes enfants dans les autobus.

Il en ressort des taux d'absentéisme élevés. Le taux d’échec est donc assez élevé. On se contente de 60%de réussite pour le premier certificat d’étude.

Dans beaucoup de familles des ‘Ti dimounes’ (gens de petite condition), parents comme élèves sont découragés.

-« Mo bien embété, pas capabe trouve ene place pou mo tifi. Après forme 6 li pas fine gagne ène bon rang mais li fine passé. Zotte envoye li loin dans ène lécole la campagne. »
-« Mo aussi pareil Dé piti qui pou sacrifié. Mo pas conné si zotte pou capabe continué alle l’école. »
-« Pas vaut la peine alle l’école, pas pou passe l’examen. Pou sorti sans
certificat ! »

C’est bien ce qui se passe pour 40% des élèves.

Les enfants des classes moyennes bénéficient de leçons particulières et ont plus de chances de réussir. Les enfants des riches, et les gens aisés fréquentent les écoles privées et vont bénéficier de meilleures écoles, de meilleures infrastructures et de meilleurs enseignants. Ils partent gagnants.

Dans ce monde ou nous vivons, 130 millions de personnes ne vont pas à l’école !

82. La protection entre ministres.

Aucun homme n'a reçu de la nature le droit de commander les autres.
Denis Diderot

Quatre hommes, très décontractés parlent de politique. L’accent est mis sur la corruption des ministres et des fonctionnaires.

-« Zot tout coquin. Zot tou foine enrichi avec corription, bribes, gros bribes. Coquin par millions. »

L’autre homme rajoute « Zamais énan ène l’enquête et si faire ene l’enquuê zamais li abouti. Zotte touffe zaffaire »

Le troisième homme est plus direct :

« Tou ben gouvernements enan corrompus. Zamais fine conné comment zotte vine riche. Tous ministre enan lacaze, grand grand lacaze, campements. Dernièrement nou apprendre qui zotte gagne emprunt plusieurs millions avec la banque. Tou pou zotte même. Et zotte vine couillone nou quand élection vini »

Le quatrème homme calmement :

-« Et nou laisse nou couilloné ! »

Qui peut soutenir avec certitude ces allégations ? Tout le monde en parle, personne ne voit que c’est anormal que les dossiers, s’il en existe n’avancent pas. Il y a vraiment eu des affaires louches qui ont occupé l’opinion publique, de gros scandales qui ont été rapportés dans les journaux, mais jamais de lendemains. Aucune culpabilité prouvée.
Tout est palabres. Les ministres sont innocentés et victimes de persécutions !
Comme j’aurais aimé entendre un ministre déclarer à la fin de son mandat :

-«Vous voyez, j’étais pauvre avant d’être ministre, je suis toujours pauvre. Je n’ai travaillé que par dévotion pour le peuple. »

83. Le contrôleur qui répète ‘descende avant.’

-« Allé monté ! »
-« Descende avant ! »

C’est le langage coutumier du receveur. Il s’adresse au passager comme à un mouton parmi des moutons. Un mouton désobéissant qu’il faut secouer, voire même brutaliser.
J’ai observé ce matin un de ces receveurs ayant une voix forte et sèche. Il ne mâche pas ses mots.

-« Zite place dibouté. Entré fine dire. Entré, mette zotte derrière. Réculé. Derrière ! zotte pé zène lotte dimoun qui pé entrer »

Les moutons s’inclinent.

Au prochain arrêt, notre matador s’approche de la porte d’entrée, qu’il a ouvert avec fracas. Il jette un coup d’oeil dehors vers l’arrêt et crie :

-« Descende avant, laisse passer !. »

Puis : -« Allé monté ! dépéché monté ! »

Son métier c’est d’enrichir le patron ou le propriétaire et de brutaliser ses moutons.

84. Les affiches.

Si vous jetez un coup d’œil sur les affiches dans les arrêts et même sur la rorte, vous allez vite constater que ce n’est pas uniquement de la publicité pour « Buvez le Coca Cola » ou « La bière Phoenix. » Il y aussi les affiches de cinéma. Adultes, jeunes adolescents et enfants vont lire la description juteuse du prochain film

-« Jeunes filles en délire. »

-« Vicieuse au pensionnat. »

Au moins on a le temps de réfléchir sur le genre de distraction qui est offert à un certain public.
Les propriétaires de cinéma vont vous dire :

-« La censure a accepté et le public réclame ce genre de film. Cela paye
bien ! »

Le gouvernement a interdit des films pornos et autres à la Tv. Tard dans la nuit, cependant,les scènes de coucherie, et autres beuveries, sont permises. C’est le pain quotidien.

On peut déceler une certaine hypocrisie dans la gestion officielle des choses malsaines offertes au public.

85. Le métro léger.

-« Bientôt avec métro léger pou facile voyager mo espère qui vié dimoun po gagne même rabais. »
-« Qui métro léger ! To croire bonhomme Noel. To conné combien million pou
bisin ? Pénan casse pou sa qualité travail. Dire toi por faire métro pou to prend patience. Pas énan l’intention faire narien. Chaque nouveau gouvernement joué ec ça boule là. »

Un homme dit à la voisine assise près de lui :

« Metro léger to conné coument dire diamant Ramgoolam. Bonhomme Ramgoolam, ène vié risé. Quand pays en difficuté et lé peuple grogné, la vie trop cher, critique scandales, li dire :

- Mo fine engage dimoun expert pou rode diamant ec pétrole. Mo enan bonne source qui enan ça dans Maurice. Nou foullé nou pou trouvé ! Ler là pays pou profité. Pli grand richesse pou partazé. »

-« Zordi zotte dire pénan pétrole ec diamant, mais pou gagne gros emprunt ec grands nations, pou faire métro léger, parce qui gouvernement mari bon. Enan grand confiance dans li. Pou enan métro souterrain comment enan dans Paris, Londres. »

Le peuple croit et espère.

Ce sont les fonctionnaires, les petits fonctionnaires qui n’ont pas de voiture qui en sont les victimes des encombrements du trafic routier, et du système archaïque de transport public.
Les autobus de Port Louis, ralentis continuellement, prennent une heure pour arriver lentement à destination.
Les pauvres employés sont rabroués par le patron ou le chef quand ils arrivent en retard.
Peuple docile. Il ne se plaint pratiquement jamais, ayant cet espoir fou que le Métro léger promis va devenir bientôt une réalité.

Pourquoi ne pas rêver d’un métro léger entre Q Bornes et Flic en Flac ?

86. Le Père Grégoire.

Même sans espoir, la lutte est encore un espoir.
Romain Rolland.

Le père Grégoire, qui a eu une formation aux USA, est devenu soudainement une figure populaire à Maurice. C’est un bel homme brun qui se présente avec une barbe touffue qui cache un peu ses traits. Il n’est probablement pas beau, mais possède un charisme particulier qui attire les foules. Il compose et chante des hymnes en créole. Une femme d’un certain âge entourée de quatre adolescentes sont groupés devant mon siège.

-« Maman, faudrait nou alle concert père Grégoire vendredi soir. L’autre jeune fille ajoute.
-« Mari talent li enan. Li chante bien et so chansons bien joli. »

Une troisième fille :

-« Faudrait entende dimoun applaudi quand li fini chanté »

C’est exact. Malgré le répertoire purement biblique, le père se fait beaucoup apprécier. Il y a foule a chaque concert. Il attire et séduit !

L’histoire de notre peuple, je le pense, n’a jamais jusqu’ici atteint ce stage de maturité au moins dans ce domaine particulier. Il faut l’admettre, ce prêtre est en parfaite communion avec ses fidèles. Mieux encore, il attire les jeunes de toutes les ethnies et de plusieurs religions. On aime l’entendre chanter.

Dans le passé, un prêtre ne se mettait directement en communication avec le fidèle que pendant la confession. Il s’entretenait un peu avec certaines personnes après la messe. On le regardait avec un mélange de courtoisie d’admiration et de respect. De son côté, il ne prenait pas la peine de sourire ou de plaisanter. Il gardait une certaine raideur. Ils ne s’extériorisaient que devant des blancs comme lui. On s’étonnait de l’attitude de quelques prêtres ayant une mentalité différente. Presque tous des prêtres étaient des blancs ou des étrangers. J’en ai connu des français, des anglais des écossais, des irlandais ; des polonais, des italiens. Certains d’entre eux ne parlaient qu’incorrectement le français et ne prêchaient que pour les prunes. Des prêtres mauriciens issus de la classe moyenne ont eu beaucoup de succès de communication. Mais depuis que des prêtres issus du peuple, des ti- créoles ont été faits prêtres, il y a eu un revirement dans l’attitude des fidèles de la classe ouvrière. On peut chanter en créole, prêcher en créole. Depuis peu l’évangile est traduit en créole dans l’hebdomadaire La vie Catholique.

Le peuple déjà souvent exclu dans le développement du pays, ne se sent plus marginal dans sa propre religion.
Il se sent réconforté par la présence des prêtres comme le père Grégoire, qui sont de plus en plus nombreux et viennent renforcer les rangs de l’évêché.

C’est une bonne chose ! Le cardinal Margéot l’avait longtemps ressenti comme une nécessité et a personnellement travaillé pour envoyer des prêtres créoles au séminaire.

N’allez pas croire comme certains, qu’il y aura des conflits dans l’Eglise mauricienne entre la direction blanche et les prêtres créoles. Le clergé est patient, et on peut assumer sans se tromper, qu’il y aura un jour un évêque créole issu de la classe des défavorisés de la société, sans qu’il y ait de contestation ou de scission.
La tendance continue, le jour viendra.

87. Les cyclones à la radio nationale.

On est étonné de ce que les choses sont ce qu'elles sont.
Aristote

‘« Mo pas comprend qui fer nouvelle bisin en francais anglais créole ec Boujppouri. Mari perdi lé temps. Tout dimoun comprend créole ! »

Exact ! C’est énervant à chaque heure d’avoir à attendre que les orateurs de la MBC se mettent à lire les bulletins de la météo. Le même bulletin, composé par des gens qui ne semblent pas avoir beaucoup d’imagination, vous est adressé avec des nonchalances et des indifférences caractéristiques. Du mauvais anglais, du piètre français, du mauvais Bhojpouri, du créole passable.

C’est dit et redit. On ne pourra rien reprocher aux politiciens. La multiplicité des ethnies, à Maurice , ‘tigre de l’océan indien, a été respectée.’

N’allez pas croire que les radios dites libres vont changer cela. C’est une de ces tares du pays, qui ne s’efface pas.
Nous n’avons pas eu de cyclones violents depuis très longtemps et je peux assumer que les jeunes et adolescents de ce pays n’ont jamais connu des vents violents et vécus le lendemain de désastres. Ils vont vous parler du dernier petit cyclone, comme étant très fort. Hélas, quand le jour viendra ou un météore hyper puissant va nous toucher du nord au sud, avec des vents de 300Km à l’heure, ils vont être sidérés. Et vont se dire :

-«Comnent capabe vive dans sa pays là ? » C’est bien ce que j’ai entendu après Carol.

La MBC ne pourra diffuser ses textes multilangues. Il n’y aura ni antenne ni électricité. Le peuple issu de toutes les ethnies que l’on dit jalouses de leur culture, ne fera alors ses commentaires qu’en créole.

88. Irréligion.

L'homme est malheureux parce qu'il ne sait pas qu'il est heureux.
Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski.

Discussion inhabituelle.

-« Paulete toi qui travaille cotte grand bourgeois français to cape dire moi si zotte alle la messe ?»
-« Qui faire tolé conné « Parce qui moi mo ben bourgeois zamais alle la messe ! Dans dimanche zotte lève tard parce qui fone faire la fête samedi et zotte attend l’heure déjeuner. Mo croire zotte zamais prié. »

Après un moment silencieux,une des deux ajoute
-«Mo croire qui au fond malgré zotte fortine zotte malheureux »

Les deux femmes changent alors de sujet de conversation.

On peut penser que le monde occidental converge de plus en plus vers la recherche de plaisirs uniquement sensuels.
La pratique sincère d'une religion diminue inexorablement et l'intérêt pour le matérialisme, les plaisirs des sens corporels a tout envahi. Un pays qui possède de grandes cathédrales des Amiens, un Beauvais un Reims et qui n’en prend aucun compte. Il ne veut pas se mettre à genoux pour contempler ces merveilles.
Lors d’une de ses voyages en France disait aux français.
-« Fille aînée de l’Eglise, qu’as tu fais de ton héritage ?

Nous pouvons constater que dans les îles éloignées comme Maurice, face à face avec la nature, plus près de Dieu, les habitants sont pieux et pratiquent leur religion. Chaque dimanche, et pour toutes les messes on constate une grande affluence. Et quelle piété.

Je connais pourtant quelques personnes qui se sont retranchées derrière une façade qu’ils croient immuable et qui se disent athée.
Le désespoir d’une vie sans espérance se lit sur leur visage.

89. Les végétariens.

Les jeudis mercredis et les samedis sont jours de foire à Quatre Bornes. On va donc prendre des passagers de Palma en grand nombre. Femmes et hommes entrent dans le bus avec de grosses ‘tentes’, des paniers de tous genres. Si vous allez de Quatre Bornes vers Flic en Flac, les paniers sont pleins à craquer et les passagers posent leurs colis soit au plancher, soit sur eux-mêmes. Ce qui est le plus souvent les cas.

Quand il n’y a ni cyclones,, ni inondation, ni sécheresse, les légumes sont à bon marché et on achète la tomate ’pomme d’amour’ à cinq ou dix roupies la livre. Vous pouvez donc constater que les paniers contiennent des brèdes cresson, des concombres, des patoles, des choux des aubergines surtout les petites et longues, les bringelles appréciés pour les curry.

On voit aussi, parfois, de belles grosses aubergines brillantes, presque parfaitement rondes. En Europe elles sont prisées pour les gratins mais ici elle sont coupées en tranches et frites avec de la farine produisant de délicieuses fritures :

-‘Les beignets ou gâteaux brinzelle’.

Les habitants ruraux profitent de leur déplacement pour s’approvisionner en poisson salé, ourites secs et autres articles dont les prix sont plus abordables à Quatre Bornes.

La majorité de la population à Maurice, d’origine hindoue est plutôt végétarienne. Certes ils consomment le mouton et la chèvre, le cabri. Mais en petite quantité car ils préfèrent consommer des currys de légumes seulement.

Savez vous ce n’est pas seulement par hasard et pour des causes religieuses que des populations de l’Inde sont végétariennes ? La viande coûte cher et n’est pas à la portée du pauvre. Plus on est pauvre, plus on devient obligatoirement végétarien.

J’ai lu récemment un article d’un journal ou il était fat mention que la faim dans le monde pourrait être largement limitée si nous réduisions ou éliminions nos habitudes carnivores.

Apparemment si les Américains réduisaient leur consommation de viande de 10 %, cent millions de personnes pourraient être nourries par les céréales qui étaient utilisées pour le bétail. Et si chacun d'entre nous réduisait sa consommation de viande ou même devenait végétarien?

Élever des animaux pour la viande est une perte de ressource. Presque 40 % de la provision de grain mondiale sert à alimenter le bétail au lieu de nourrir des gens.
"Chaque année, 40 a 60 millions de personnes meurent de faim ou de problèmes santé dus à la malnutrition" Il faut 300 g de céréales pour produire 100 g de poulet, 500 g de céréales pour 100 g de bœuf. Il en faut encore plus pour produire 100 g de porc.

De plus, une terre a un rendement plus intéressant en céréales qu'en viande : il faut 4 à 10 fois plus de terre pour nourrir des mangeurs de viande que des végétariens.

La famine existe toujours. Chaque année, des millions de gens meurent dans le monde suite à la sous-alimentation pendant que d'autres ont le luxe de gaspiller leur nourriture, laissant la moitié de leur repas dans leur assiette, nourrissant leur chien de leurs restes.

90. Elections bidon aux USA.

-« Matelot tou fine suive élection en Amérique. Ene grand pays coume sa pas enen ene bon système élection »

Même le petit peuple avit suivi avec intérêt le élections présidentielles aux Usa. Bush allait-il être élu ? Il a fallu compter et recompter les voix. On a tendance à douter de la validité de ces élections. Et comment faire comprendre au peuple les méthodes américaines de petits électeurs et de grands électeurs.
Rien de commun avec le simple mais combien efficace système britannique que nous avons hérité.

Il a fallut cinq semaines, après le vote du 7 novembre, avant que l'establishment politique ne décide du résultat de l'élection présidentielle contestée - une contestation qui a étonné le monde entier. Beaucoup pensent que la décision finale, la nomination de Bush, a été prise de façon ouvertement partisane et antidémocratique.
Un journalise américain a écrit « Le pays est comme au lendemain d'un coup d'État sans effusion de sang. La vie quotidienne continue. Les médias bien dressés se veulent apaisants. Les rituels de la démocratie continuent. Le parti évincé simule l'opposition, sans conviction.
La déclaration se poursuit : « La crise à Washington découle d'une complexe interaction entre des processus politiques, sociaux et économiques. La démocratie bourgeoise est en train de s'écrouler sous le poids accumulé de contradictions de plus en plus insolubles. Les processus économiques et technologiques associés à la mondialisation de l'économie ont miné les conditions sociales et les rapports de classe sur lesquels reposait pendant longtemps la stabilité politique des États-Unis. Quand un grand pays comme les USA n’arrive pas a s’entendre pour élire un président selon des normes civilisées, c’est que le monde est malade !

91. La société de consommation.

Les Français ne pensent qu'à bouffer et à augmenter leur niveau de vie. Les bifteck-pommes frites, c'est bon. La Quatre-chevaux, c'est utile. Mais tout cela ne constitue pas une ambition nationale. Charles De Gaulle.

Quatre femmes, entrées dans l’autobus en même temps et portant chacune un assez gros sac, s’installent à gauche dans deux sièges de deux places. Comme elles ont proche de notre siège je crois participer à leur conversation animée qui avait été déjà activée en chemin !

On parle bien sur de l’hypermarché, le Shoprite, qui vient d’être inauguré à Trianon.

-« Ene bon zaffaire gagne compétition entre sipermarcé. Zot a bisin baisse prix ! »

-« Moi mo pas croire dans narien. Prix à peine baissé. Zotte couillone dimoun ec piblicité. »
-« L’année pé vini mo croire nou bisin batte batté partout avant acheté. »
-« Ce qui faire nou malher, tout 13e mois pou alle sipermarché. Quand to rentre dans ene grand sirface on dirait to drogué to nec acheté ? Quand payé qui pou comprend ! »

Je pense que ces dames ont bien raison. Les supermarchés sont dans une phase exponentielle. En deux mois on a vu s’ouvrir le Super U à Belle Rose, le Spar de Flic en Flac et le supermarché Shoprite de Trianon. Les anciennes grandes surfaces doivent en pâtir. Les clients vont s’envoler d’autant plus qu’ils ne peuvent pas baisser davantage les prix.
Les petites boutiques de la campagne, par contre, vont survivre, car les propriétaires viennent s’approvisionner dans les supermarché des villes, pour revendre chez eux. Ils continuent d’ailleurs le vieux système de crédit. On achète et on laisse un petit bout de papier avec sa signature. On va payer à la fin du mois.

Quand j’étais jeune c’était un peu partout le mode de s’approvisionner à crédit ! J’avais moi aussi une boutique ou on achetait à crédit et quand nous avions trop dépensé, nous n’avions pas les moyens de s’acquitter de la dette à la fin du mois. Il fallait payer la moitié ou les trois quarts en laissant ce que le‘chinois’ appelait ‘la queue’. Nous prenions souvent, des années pour arriver à bout de ces queues. Certains boutiquiers refusaient de vendre à certains clients quand la dette devenait trop lourde.

-‘Prend Ziste di riz la farine, di lai, di sic, ec di luile. Mo pas donne lotte quique chose tant qui pas paye un pé.’

Si ce système prévaut encore, comme je le pense, les petites boutiques continueront à exister.
La bourgeoisie et les classes élevées ont pris l’habitude de payer comptant ou par carte de crédit. Le crédit est ailleurs !

La surconsommation peut avoir de graves répercussions autres que l’endettement. On veut obtenir ce que d’autres possèdent. Dans beaucoup de pays, même ceux qui sont très développés, des jeunes de la classe moyenne arrivent même à se prostituer, poussés par une forte envie de posséder certains articles de consommation et de luxe qu’ils considèrent essentiels.

92. Les avocats.

Ce serait beau, l'honnêteté d'un avocat qui demanderait la condamnation de son client. Jules Renard

On a l’impression qu’a Maurice, une classe d’avocats s’enrichit en défendant des barons de la drogue ; des bandits notoires des criminels de la haute finance.
Les affaires en cour sont habilement menées avec renvois et contestations légales. On se sert toute la panoplie légale pour avoir un non-lieu. N’allez pas me dire que les hommes de loi avocats ou autres ne savent pas que le présumé coupable est innocent. Cela peut sans doute arriver, mais le peuple dans son ensemble n’y croit pas. Le peuple se dit :

-« On va tergiverser, et il y aura bénéfice du doute et acquittement. »

Trois hommes en discutent ce matin avec véhémence.

-« Bhai Tole fine alle en prison avec boucoup difficulté mais maintenant pé rode libér li . »
-« Narien ça, zamais to trouve ène vrai marchant la drogue alle en prison. Touzours ti poisson qui maillé. »
-« Par contre ben ti drogué couman Kaya alle dans prison réservé pou grands bandits. Nou tout croire qui li fine gagne batté.. La police faire l’enquête lor la police et protèze zot zommes ! »

93. La méchante femme.

Il y a chez les femmes une certaine dose de fourberie ... Une fois qu'on l'a mise en route, rien ne l'arrête. Achard, Marcel

Triste histoire que celle racontée par une jeune femme à une autre assez âgée, ayant pris place à côté d’elle.

-« Tantine to conné mo touzous habit ec mo belle-mère. Mo mari pas capabe débrouille tout sel et comme li énan casse nou bisin li. Mais li méchante, li ti toujours méchante et bisin prend nou di luille ricin en silence’

Elle va raconter que cette belle-mère prend plaisir d’humilier sa belle fille en lui faisait journellement des observations malveillantes.

-‘Li traite moi comment ène pitain. Tout ce qui mo dire pas compté. Li crazé même !

La méchante femme a pris pour habitude de chercher querelle pour rien. Elle fait feu de tout bois, et accable la jeune fille en lui reprochant même de manger son pain.

-« Ec ca ou pa ti à croire li alle la messe tous les dimanches. Mo pas cape guette li avec éne l’air bon dimoun qui li prend ! Faire ou envie arrête alle l’église. »

Je me demande parfois si des êtres vils et méchants ne souffrent pas de leur proche méchanceté.
Tel ne semble pa être pas être le cas, si j’en crois les récits de ceux qui font état de la méchanceté d’un membre de leur famille. Certains sont plutôt contents de leur méchanceté et prennent plaisir de faire le mal et de peiner les autres.
Je connais des cas de gens qui souffrant d’une infirmité, se mettent à injurier les proches. D’autres qui ont une maladie pénible, le diabète par exemple qui nécessite des piqûres quotidiennes, s’installent dans une mauvaise humeur perpétuelle et s’en prennent à des membres innocents de leur famille.

Mais il y a aussi, mais heureusement, plus rarement, des gens vraiment horribles qui ont toujours été méchants. C’est parmi eux, je le pense que l’on trouve les tortionnaires et les assassins.


94. L’hypocrite.

Chacun de nous est une lune, avec une face cachée que personne ne voit. Marc Twain.

Temps très lourd ce matin. Les nuages s’amoncellent et, il y a une sérieuse menace d’orage. Il fait chaud dans l’autobus, car il n’y a pas suffisamment d’ouvertures, plusieurs glissoires de fenêtres n’étant plus fonctionnelles, comme c’est souvent le cas dans les vieilles carrosseries.
Le confort du public ne semble pas être la priorité des propriétaires d’autobus.
On s’entasse donc sur les sièges en s’efforçant de tenir le coup. Une vieille dame agite son éventail aux motifs anciens. D’autres se servent de leur journal. Quelques passagers se tournent vers des voisins en disant bêtement :

‘« Faire bien chaud zordi. »

Pourtant sur le siège à côté du mien, deux femmes en sueurs sont en active conversation. Comme toujours une parle pendant que l’autre se contente de secouer la tête par un geste appobatif ou émét des syllabes ‘oum oum ! Ou alors ‘Terrible’.
Il s’agit, encore je le pense, d’une histoire de famille.

-« Mo voisine , to conné li passe so mé temps veille nous. Coment to ouvert to la fenêtre, li fine glisse li divant pou écouter. Li conne tout nou zaffaire. Quand li trouve moi li faire semblant rier et dire bonzour. Après li passe partout pou cause mauvais causé ec lot dimoun’

Je crois comprendre qu’il s’agit d’une de ces hypocrites qui laisse croire q’elle aime bien sa voisine mais qui prend plaisir à la dénigrer ensuite par tous les moyens. «On dit ici qu’elle fait des ‘palabres.’

Dans les cités ou les gens vivent dans un état de promiscuité, les hypocrites trouvent le climat parfait et peuvent s’épanouir.

- « Qui nouvelle madame ? Mo trouve ou robe bien zoli, zourdi.. Ou tifi fine alle travail ? Ou mari rentre touzours tard. »

De mielleuses paroles, au sens caché, pleines de fiel. Elle ira raconter, avec délices ce matin même à d’autres voisines :

-« Micheline toujours avec so vié robe mal cousue. So tiffi avec so robe sérré pé rode galand dans la rie, et rode la vie ec patron, dans so travail. So mari alle boire avant retourne lacaze. »

C’est une authentique hypocrite, elle ajoutera mieilleusement :

-« Mo bien sagrin Miceline ! »

95. Geste bien féminin.

Qui n’a pas remarqué ce geste purement féminin de ces femmes de se caresser les cheveux, surtout quand ils sont longs et de relever brusquement la tête pour faire sautiller les brins de la chevelure, vers l’arrière, dégageant pour un moment l’avant du visage ?

J’ai eu ce matin une jeune voisine assez attrayante quoique de petite taille. Elle était assise à côté d’une autre jeune fille, mais celle-là avait des cheveux cours presque en brosse.
La fille ayant la longue chevelure ne cessait de caresser parfois l’avant et parfois l’arrière de sa chevelure.
Avait-elle développée une véritable manie ? Je me suis amusé de chronométrer des gestes presque semblables toutes les 20 à 30 secondes. Elle repoussait d’abord, vers l’arrière, les brins qu’elle pensait gêner sa vue. Je n’en voyais pourtant pas de raison suffisante. Puis elle se mettait à mimer une coiffure de l’arrière de sa chevelure. Elle se mettait à tapoter des brindilles et eut même une fois ou deux le geste de faire tourner en rond ses menottes sur une partie des cheveux. Tout en l’observant,, j’étais convaincu que cela tenait de la maniophobie.

Après quelques minutes, comme je m’y attendais, elle secoua sa tête et d’un geste précis, elle renvoya toute sa chevelure vers l’arrière. Elle recommença sans tarder le manège précédent. Caresses et tapotements.
Pendant tout ce temps, elle semblait fort bavarde et menait une conversation animée avec son amie. J’ai remarqué qu’elle faisait de nombreux gestes de la main.
Gestes verticales ou horizontales assez brusques, avant que la main n’ait été gracieusement placée sur la poitrine ou le ventre.
J’ai esquissé un sourire, en me disant.

-« C’est une vraie coquette que cette jeune voisine ! Cocasse mais
coquette ! »

96. Famille ‘ta ler’, Famille ‘tout suite.’

Une histoire amusantece matin dans l’autobus ou n’a pris place qu’une dizaine de voyageurs, dont deux femmes qui parlent plutôt à haute voix.

La plus jeune vêtue d’une jupe serrée rouge et d’une blouse blanche, avec ce que j’estime un nombre excessif de boutons dorés. L’autre, beaucoup plus âgée, est sobrement vêtue d’une robe gris-noir, comme en portent souvent des veuves.
La jeune femme demande à sa voisine les nouvelles de ses deux fils.

-« Mo n’a pli trouve Paulo ec Raymond depuis qui zotte ine marié. Zotte n’a pli sorti ? »
- « Mo pas conné, Zot bien, zot occupé ec travail. Enan responsabilité maintenant. Ben bon garcons comment to conné. »
- Ou satisfait zotte ménage ?
- Mais ou mo piti, zot fine tombe avec deux femmes bien sérieuses.

Silence….

(« Enan pourtant ben ti problèmes. »

L’autre femme fait un mouvement, en se rapprochant involontairement de l’autre et semble attendre des révélations.

La vieille femme hésite un moment et dit
: -« On dirait deux femmes pas pareilles ditout. Femme Raymond li tou le temps pé travaille. Li lavé, rangé, essuyé, passe balié, répasser. Li toujours pé astiqué. So la case brillé comment ène sou neuf. Raymond dire li enan manie. Femme Paulo, ène lotte qualité. Li pas pressé pou faire so ménage. Mo pas dire qui i manque propté mais li lente. To alle dans so la cuisine rempli vaisselle sale. So lili pas encore arrangé tard le matin. Mo croire li pas content balier, enan un peu la poussière dans so lacaze. Quand so Mari dire li faire quique chose li toujours dire ‘Ta lère’

- « On dirait ou enan ene belle fille qui pas trop fameux ? »

- « Non ma chère, mo bien comprend moi ec tout le dé. Zot bien bon dimoun, zot content zotte mari, mais zot pas pareil di tout. Paulo dire femme Raymond coument dire ène fourmi. Tou lé temps pé aller vini pé travaille »

Les deux femmes se taisent et quand elles reprennent la conversation, c’est pour parler d’autres choses.
Je mes suis adossé, la tête un peu en arrière en songeant à cette histoire des deux belles filles différentes. Je pense que ces problèmes familiaux peuvent avoir comme sources les habitudes des familles. La façon dont les enfants sont élevés. L’exemple donné aux enfants par les parents. Dans ce cas particulier je pense qu’il existe des familles ou les enfants sont entraînés au travail rapide. Ils trouvent tout à fait naturel de ranger les affaires et de s’occuper de la maison. Ils en prennent même un certain orgueil, un certain plaisir d’activer les choses comme le lavage immédiat de la vaisselle après les repas.

Il en existe d’autres ou les enfants ont eu l’habitude de voir entasser la vaisselle et ou les travaux ménagers ne sont pas prioritaires. On revoit le nettoyage à plus tard. Pour prendre le juteux langage de ces deux femmes assises devant moi,

« Enan famille ‘ta ler’, Enan famille ‘toute suite !’»

97. Les grandes familles.

Vivre, c'était vieillir, rien de plus. Simone de Beauvoir.

En prenant l’autobus à l’arrêt de Wolmar, une femme âgée que nous avions déjà rencontrée sur la plage avec sa famille, est montée en même temps que nous. Cette dame nous avait raconté qu’elle avait 7 enfants et 28 petits enfants. La grand-mère avait bonne mine et ne montrait pas des signes d’un visage ridé. Les femmes créoles ont l’avantage de n’avoir des rides qu’a un âge très avancé. Après 80 ans. Je me souviens qu’un de mes collègues du service gouvernemental, un aîné, qui assistait à un cocktail officiel m’avait fait faire la connaissance de sa femme. C’était surprenant qu’elle ait conservé un visage toujours jeune. Mon ami m’a alors dit :
-«Mon cher c’est notre privilège à nous que nos femmes ne montrent pas les signes de vieillesse et n’ont pas de
rides. »

Je pense que c’est le climat trop sec qui donne des rides à des gens encore jeunes dans les pays tempérés.
La dame prit place à côté de nous et me demanda si je retournais définitivement à Quatre Bornes. Je lui ai expliqué mon contrat de résident à un appartement de Wolmar et elle me précisa qu’elle avait loué un campement pour réunir sa grande famille. Elle devait repartir dans trois jours. Elle se rendait à Quatre Bornes sans doute pour les emplettes ou des rendez-vous médicaux. Comme toutes ces grandes familles une partie des enfants et des petits enfants étaient établis dans un pays étranger. Une fille en France, deux autres en Belgique, un garçon en Australie. Quand la famille se retrouvait plus ou moins réunie, il fallait louer un campement assez grand pour loger toute la famille ! On n’avait jamais assez de chambres et de lits et les matelas avaient été disposés dans la salle de séjour pour la nuit. C’est dans ce milieu étroit mais convivial que les cris des enfants se mélangeaient à la musique criarde et assourdissante des jeunes.
Tous parlaient en même temps et c’était la fête familiale à tous les instants.
La grand-mère était ravie de présider à ce joyeux carnaval.
Nous avons nous-mêmes quatre enfants, dont deux établis en France et sept petits enfants. Nous étions réunis au complet pour fêter nos Noces d’or. Il y avait aussi, une arrière petite fille qui venait de naître.
Quelle fête, et quelle ambiance !
Ce sont de souvenirs impérissables qui ornent la vieillesse.

98. Bibasse.

Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé.
Ernest Renan.



Un vieux bonhomme au visage craquelé et ne montrant que quelques dents éparses quand il parlait, montrait à ses deux jeunes compagnons, sans doute des neveux, la belle grappe de letchi qu’il transportait dans un panier, usé ayant fait son temps dont les manches avaient été recousues. Une vieille femme cossue aussi âgée que lui, sans doute sa femme, était assise à côté de lui.

-« Letchi zotte conné, Longane zotte conné mais boucoup fruit zotte pas conné. »

Un des enfants lui dit :

-« Ton Bibasse, nou conne pomme, zorange, pèche, mangue. Pas assez
ça ! »

Le bonhomme secoua sa tête :

-« Mo sagrin zennesse zourdi n’a pas conne nous ben fruits di pays. Quand mo ti zène partout dans tou la cour ti enan fruits ! »

Jamalac, Jambelon,Vavangue . Faudrait guétté ene pied rempli ec bibasse gros gros bibasses.

Le plus jeune des enfants dit :

-« Ton bibasse cause sa même dimoun appele toi Bibasse. ? »

La vielle femme sourit mais ne dit rien. J’avais compris que me bonhomme avait hérité du sobriquet de Bibasse à force de répéter ses récits de son fruit favori aujourd’hui quasiment disparu.
Ou sont donc passé les fruits d’antan. On dit que se sont les dégâts de mouches de fruits importés, ou des maladies. D’autres soulignent que les grandes cours avec des vergers ont disparu. Le fait est que nos enfants ignorent complètement les fruits du pays.
Je me souviens q’y un voisin qui habitait Beau Bassin comme nous et qui habitait une grande maison coloniale en bois, avait deux vergers l’un à côté et l’autre à l’arrière de la maison. C’était avant la guerre. J’étais l’ami d’un des deux fils qui devait plus tard devenir pilote et se faire tuer en étant descendu sur l’Allemagne Nazie.

Il me guidait quand on marchait avec nonchalance dans les étroites allée de son magnifique verger. Il y avait en sus des pêchers chargés de fruits, le Téton de Venus, apprécié. On pouvait en passant cueillir des groseilles. Les bibasses du bonhomme ne passaient pas inaperçus. Et les goyaviers de toutes dimensions. Et le fruit Cythère aigrelet. Et les prunes, les rousailles, les mûres. Et la modeste vavangue, le fruit des pauvres, qui vont les cueillir dans des terrains vides. Nous avons connu et apprécié tous ces fruits, dont les générations d’aujourd’hui en sont privées.

Je me souviens qu’il y avait rois manguiers et quatre plants de letchis dans notre propre cour et pendant la saison des fruits vers la fin de l’année, mon frère et moi-même, on grimpait sur les arbres et consommaient sur place. On ‘entamait’ une mangue demi-mure ou mure en découpant la peau avec ses dents. On laissait choir le noyau au bas de l’arbre. Je pouvais manger 50 letchis avec la même technique en laissant tomber la pelure, mais mon frère se ventait de pouvoir en manger une centaine. La saison des fruits c’était la saison des coliques ! On se rendait parfois sur le sentier qui longeait les rails de chemin de fer entre Beau Bassin et Petite Rivière. On y trouvait des vergers de manguiers, mais aussi des arbres fruitiers poussant à l’état sauvage. On grimpait chacun sur un plant de Jambelon et on se grimaçait la bouche noircie par le coloris du fruit. C’était bon les Jambelons. Mieux que les Jamalacs roses ou rouges qui manquaient de saveur. Les bibasses étaient plutôt sous culture et venaient très bien. On s’en régalait.

Quand il y avait un cyclone c’était un vrai carnage, la cour était parsemé de fruits de toutes sortes. C’était le gaspillage.
Pendant le cyclone de 1930 ma sœur aînée s’est fait rosser par ma mère pour avoir imprudemment été cueillir des pamplemousses qui étaient tombés à terre, sans attendre la cessation des vents violents.
Nous lui avons depuis décerné le sobriquet

-‘Miss Ponc ramasseuse de pamplemousses dans le cyclone.’

Je suis seul aujourd’hui à être en mesure de le lui rappeler.

99. L’église d’Albion.

En vérité, le chemin importe peu, la volonté d'arriver suffit à tout. Albert Camus.

-« Mo ti fi dans chorale, si to tande li chanté chanté. Mari la voix. »

Lundi matin, nous sommes dans l’autobus par une chaleur torride. Deux femmes s’échangent des propos sur les évènements de la veille. Je crois comprendre qu’ils ont été comme moi assister à la consécration de l’église d’Albion ‘ Notre Dame de la Mer.’

« Ti ene bon cérémonie l’évêque là fine bien prêché et ça divant gouverner ec Beranger. Li pas fine manqué dire gouvenement so position lors zaffaire l’école. »
-« Zaffaire l’école »

C’est le résultat d’un jugement de la cour suprême qui abolit d’iun trait de plume les avantages acquis par le diocèse de réserver 50% des places dans ses écoles. Les écoles chrétiennes sont la propriété du diocèse depuis un siècle. Ces écoles ont été construites et aménagées au cours des ans par des contributions de Catholiques. Les écoles ont accueilli des enfants de toutes races et toutes religions. Des ministres et hauts fonctionnaires Hindous ont fréquenté ces écoles, et ont bénéficié de la formation des religieux et religieuses catholiques. .

Un arrangement que je pense être raisonnable avait laissé une certaine manœuvre à l’église. Mais voilà tout est remis en question.

-« L’évêque dire divan Béranger qui pénan simin. So Banne collèges catholiques bisin garde zotte vacation catholique. Bisin l’enseignement chrétien. Bisin Jésus au centre de
tout. »

Ces deux femmes ont longuement commenté cette question de places réservées dans les écoles catholiques.
L’une d’elle a évoqué des craintes assez pertinentes.

-« Ben créole milate ec ben qui enan casse, dire réprend l’école, zotte capabe payé. Mais nou comment nou pou faire. Tout dimoun gagne l’école gratis dans Maurice. Est-ce qui pou diman nou payé ? »

J’ai constaté que la conversation s’était déroutée et qu’il n’était plus question de la jeune fille ayant une belle voix qui chantait dans la chorale. Pourtant, j’avais bien apprécié cette chorale et je crois qu’à la fin de la cérémonie, Béranger lui-même, qui remplaçait le Premier ministre en déplacement à l’étranger, avait fait un geste de remerciement envers les choristes. Je crois savoir que pour cette occasion la chorale d’Albion avait été enrichie des chorales de Petite Rivière et de Bambous. Il existe dans ces trois chorales des voix individuelles qui font de bons solos.

L’église d’Albion est un exemple de la participation des laïcs dans la construction d’églises. Pendant trois ans, les paroissiens qui né bénéficiant que d’une mansarde pour assister à une messe, avait économisé et trouvé des fonds par des ‘Fancy Fairs’ d’autres activités pour récolter la somme d’un million de roupies. Le diocèse convaincu de la nécessité de bâtir une église dans cette localité a emprunté le reste du coût de la construction et en un temps record la Consécration a pu se faire, à la grande joie et ferté des paroissiens. Albion s’enorgueillit d’une belle église au bord de la route, jonchée de flamboyants qui en cette période chaude de l’année, ont revêtu avec l’abondante et généreuse floraison, des couleurs d’un rouge rutilant.

100. Les cadeaux de Noël.

C'est pas les sous qui font la richesse. C'est le contentement.
Giono Jean.

Derrière mon siège, deux femmes bavardent avec volubilité. Je sens une quelconque excitation dans l’air. On parle des préparatifs de Noël.

-« Et Ta qui to pou donne to dé piti. Nou lé nou pas lé bisin dépensé. »

-« Germaine, mo fine fini acheté. Pa enan beaucoup cash ça l’année là. La viue trop dire. Pou Noël, pas grand chose: Ti jouets ec marchand ambulant lors la rue, jiste ti quique chose : ene savatte par exemple. »

Les enfants s’en contenteront et seront heureux. Les enfants des pauvres ne sont pas exigeants. Ils voient bien dans les étalages de grands magasins des jouets de luxe, de grosses poupées, de belles voitures électroniques, mais savent que ce n’est pas pour eux. Ils n’envient même pas les autres. Ils seront ravis d’ouvrir leur modeste paquet le matin de Noël.
Jadis, on se contentait de petits jouets.
Je me souviens du manque de jouets pendant la dernière guerre. Il n’y avait presque pas de jouets importés, on voyait des gosses tirant allégrement, par une longue corde, une des boite de cigarettes en métal de la marque Capstan et qu’on nommait boite Capstan. Je me suis moi-même amusé avec mes copains en poussant derrière moi, la boite Capstan en mimant le trajet d’une vraie voiture. Les filles étaient ravies de recevoir des poupées ‘Chiffons’ faits maison avec des coupures de tissus.
Les enfants des familles aisées et les riches, sont devenus aujourd’hui désabusés. Ils possèdent tous les jouets, et même les plus sophistiqués. Leur chambre est encombrée de ces jouets qui s’entassent pèlent mêle au fil des années. Ils éprouvent certes, comme tous les enfants, le plaisir éphémère d’ouvrir leur colis de cadeaux. Puis ils oublient bien vite la nouvelle acquisition et se tournent vers d’autres occupations.

101. Le cerf Volant.

C’est la première fois depuis que je n’ai plus de voiture et que je me déplace par autobus, que je vois un enfant transportant un cerf volant. Le gosse va aller jouer sur la plage de flic en Flac. Il se tient tranquille dans son coin et ne semble ne pas quitter des yeux son jouet qu’il contemple avec ravissement. Pourtant ce cerf volant en matière plastique, ne me plait guère. Probablement importé d’un pays d’Asie, on peut voir un motif compliqué avec trop de couleurs.

J’avais déjà vu des enfants jouer au cerf volant sur la plage de Wolmar. Ils ne sont pas particulièrement efficaces et se contentent de tirer le cerf volant avec une corde trop courte. J’avais l’impression qu’ils ne savent pas vraiment jouer.
Dans ma jeunesse, mon frère aîné et moi-même on se rendant avec deux frères voisins, dans un terrain vague ou ne poussaient que quelques pruniers sauvages et des plants ‘la colle cerf volant’, un arbuste dont les baies au jus collant servaient à coller les feuilles de papier ‘Mousseline’. On confectionnait les minis cerf volant, ‘Cerf volant mamzelle’ avec des tiges de balai coco. Ce cerf voilant, réputé très docile, convenait aux garçons de mon âge et ne dandinait que faiblement dans le vent. Les grands cerfs volants les ‘patangues, des Zirondelles, les ‘Carrés’ étaient fabriqués avec des tiges de bambous. Mon voisin les construisait à la perfection et je le vois encore effilochant avec la lame de son canif, la longue tige de bambous, qu’il avait sectionné en deux.
Ces cerfs volants étaient envoyés en l’air par de grosses pelotons de fil approprié. Ils ronflaient dans le vent et on les faisait souvent tournoyer dans plusieurs directions avant de les remonter fièrement. Les grands garçons savaient les manier avec maestro.
Une fois envoyé en l’air par le joueur après avoir été soulevé par un porteur, le cerf volant grimpait rapidement et on ne le voyait qu’a peine au bout du long fil.
Il y avait parfois des ‘guerres’ de cerf volant entre le voisin et mon frère. On armait même le bout des cerfs volants de lames de rasoir pour tenter de déchirer la toile adverse.
Batailles sans merci !

102. Snobisme.

Quand l'homme se regarde beaucoup lui-même, il en arrive à ne plus savoir quel est son visage et quel est son masque. Pio Baroja

Trois dames que nous appelons ici ‘des gens de bonne condition’ sont déjà dans l’autobus, quand nous venons prendre notre siège derrière eux.

Une vieille, portant une robe de couleur sombre remontant jusqu’au cou, et une ceinture à la taille, comme un uniforme. Elle se tient droite, et je juge qu’elle est une de ces personnes âgées guindées qui vivent de leurs préjugés.
Les deux autres, jeunes, sont sans doute d’une autre génération.
Les deux filles se sont échangées des propos en créole, la vieille s’est retournée lentement comme une marionnette et les a toisées avec un air sévère et dégoûté.
Au prochain arrêt elle descend, en faisant vers les jeunes filles un geste anonyme de la main. Dans la rue, elle se déplace, comme quelqu’un qui étudie sa démarche, et ne jette aucun regard à l’arrière.
Une des filles se met à rire, et dit à l’autre :

-« Tante Gertude, toujours pareil. Pire depuis qui li fine vine veuve. »
-« Pauvre Roro, li fine passe boucoup misère ec so zimage là »
-« Li même fine alle rode ça ! »

Une des filles un peu plus âgées que l’autre, songeur dit

-« To rémarqué qui benne femmes acariates et méchantes comment li, ça même qui gagne bon garcon, ben anges, pou marié are zot. »

-« Li ti bien bien dominaire. Touzours pé commandé. Roro bisin ferme so la bouche, ec li nec suivre comment ti toutou ».

La plus jeune, s’approche un peu plus de sa voisine, lui fait une confidence ;

-« To conné, mo maman dire bisin généreux pas laisse li croire qui nou fine abandonne li. Lot zour mo téléphone li. Mo faire mo dévoir. Pèse néné. »

Qui to croire li réponde moi.,

-« C’est toi Danielle, Ah ! Je suis occupé à faire cuire un œuf. Téléphone plus
tard !. »
-« Qui to ine faire rétéléphoner. »

-« Et ta, mo fine envoye li faire foute ! »

L’autre amie, fait alors remarquer que la vieille tante a toujours été snob. Elle se donne des airs de grandeur. Depuis la mort de son mari elle vit seule, et la solitude doit peser, mais elle veut faire croire q’elle est très solicitée.
Elle se croit toujours très occupée.

-« Ene vrai minente ! »

103. Ton Joseph et les chevaux.

Un jeune homme s’entretient avec son voisin, un homme robuste, qui me semblait être un de ces septuagénaires qui ont la chance d’avoir une santé solide.

-« Ton Joseph, chaque fois mo alle l’entraînement Champ de Mars mo trouve ou cotte barrière. Ou conné mo ène grand amateur lécourse et mo suive parfois l’entraînement pou qui mo place avec confiance mo cash lors ène bon cheval. »

-« Ou conné mo garçon mo fine touzours alle l’entraînement et mo capabe dire ou qui mo ine rate bien tigit lécourse dipi 40 ans. Mo conne tout ce qui concerne souvel ec Champ de Mars. Mo ti conne aussi Mangalcan. »
-« Ton Joseph , longtemps pas ti enan beaucoup souvals comment maintenant et pas ti ènan grand grand crack ! »
-« Pas croire ça mo piti. Mo fine trouve tout qualité chevaux, ec grands jockeys. To conné qui ti déza faire fine fine benne chevaux français ec anglais.
-« D’accord, pas ti enan beaucoup entrée dans ène lé course, mais mo ine assisté grand lé couse. »

-« To conne pas bisin grand pedigree pou faire grand lécourse Mo rapelle Herald, ziste après la guerre. Deux tours, li calle derrière. Si to ti trouve ça souval là. Ti pas, ti pas ène cheval qui pâraître piti, là quand li ramasse distance. Li gagné lors poteau. Mais ti enen aussi bel bel calbres comment zourdi. Ti enan ène cheval ferancais qui ti appelle Relsinsodor. Li ti ène ène mari stayer. Enigmatique, Sepoy, Jocelyn qui ti gagne la coupe d’or. Sharp pip ti ene cheval ti distance galloupé comment fizette quand lécouse largue. Pa trop longtemps ti enan Prodigal. Mo croire li fine gagne ène record lé course. Zamais mo pou blié àa lécouse entre Enigmatique ec Sepoy. Sepoy gagné par ène néné. Sepoy ti a capabe batte tout cheval qui gallopé zordi. »
-« Mais ou ti alle l’entrainement ça létemps là.
-« Mais oui mo piti, nou ti marché dans noir ène longue distance pou alle Champ de Mars. A peine ène douzaine dimoun, ti là.. Mo touzours lors barre. Ben missié propriétaire ti conne moi. Palefrenier et même jockey ti cause are moi. »
-« Mais ton Joseph, mo ti a content conné si ou ou fine gagne plis largent qui ou fine perdi dans lécourse tout ça létend qui oune zoué. »

L’amateur turfiste, un homme svelte avec un soupçon de ride sur son front et visage agréable et calme, se met à regarder le jeune homme et lui dit lentement :

-« Mo garçon, mo zamais fine zoué. Mo alle lé course pou souval pas po alle zoué la monnaie. »

Un homme de cheval rien que pour le cheval !

104. L’ivrogne.

Au démarrage du véhicule, Un homme assis juste devant de mon siège, touche le brad de la femme assise à côté de lui et regradant par la vitre lui dit « « Guette Jérôme, à peine si li capabe marché, li balance à droite à gauche. Bien soul ! »

La femme répond :

-« Li pas fine changé. Cela faire longtemps qui li fine vine soulard. Si tifi dire moi li boire dipis 6 heures beau matin quand li lévé. Rhum, ça même so di thé. Vers 9 heures lifine déjà soul.
Li alle tabagie boire ziqu’a li tombé. Li titibé, rentre lacaze dormi et sorti po boire encore. »

L’homme ricane.

-« Li pé fini so la vie Ene zour ene l’auto poi craze li. »

Au coin de la vitre j’ai une dernière vision furtive de l’ivrogne, la chemise jaune hors du pentalon rayée qui semblait trop long pour lui. Il se penche un peu trop, se redresse et pique une course, sans doute sans le vouloir, vers une boutique.
J’ai connu un bon nombre de grands buveurs et d’ivrognes dans ma vie. On en trouvait dans ma propre famille.
J’ai connu des gens ayant la capacité d’ingurgiter une bouteille entière de rhum et de whisky. Ils sont alors ivres mais pas exagérément. Ils peuvent parler avec une certaine cohésion.
Dans le passé quand il n’y avait pas beaucoup de voitures, ces gens tout à fait saouls, conduisaient leur véhicule.
J’ai connu un haut fonctionnaire ingénieur célèbre, qui avait été invité par les employés pour une fête quelconque et qui a toisé le cercle des jeunes en disant, avec un air de mépris ;

-« Mo pas croire enan personne ici qui fouti boire are moi. »

Exact ! C’était l’homme d’une bouteille par jour. Il était habituellement snob et arrogant. Son jardinier me raconta un jour que quand il buvait et le regardait travailler, un verre en main, :

-« So lé cœur vine tendre ! »

J’avais un ami grand buveur qui avait la même capacité. Il s’enfonçait dans un fauteuil et ce n’est que quand il se levait que l’on pouvait se rendre compte qu’il avait bien bu.
D’autres ivrognes se saoulent facilement, se mettent à dire des sottises et se rendent désagréables.
N’allez pas croire comme on dit que l’alcool tue. Ma propre expérience c’est qu’elle ne tue pas toujours ou alors, elle ne tue que très lentement certains bons sujets. J’ai connu de grands buveurs qui ont atteint les 80 et 85 ans en n’abandonnant nullement l’habitude de boire. En principe un buveur de whisky, surtout s’il s’agit de bon whisky, s’adapte bien à son régime.

-« Attention Cirrhose ! » C’est la menace des professionnels de la santé. C’est vrai que le grand buveur qui boit sans manger et n’a pas une provision de vitamine B, va avoir le foie gonflé, le ventre proéminent et la cirrhose. Il va mourir jeune.
Les Américains ont récemment découvert que les buveurs même moyens, avaient moins de risques que les non-buveurs d’avoir une attaque cardiaque.
Alors ! Ne nous en privons pas. A votre santé. !

105. Le gourmand.

Un couple assis derrière notre siège, fait un signe de reconnaissance à un homme qui vient de les frôler en descendant de l’autobus. C’est un petit trapu, avec un cou étonnamment développé. On croirait que le cou et la tête ne font qu’un unique organe.

Le ventre proéminent, il descend les marches avec difficulté et s’évapore.

-« Doudou ! To conne li bien toi ? »
-« Mais oui, mo cousin. Et puis qui pas conne li. Mo croire personne pas mange autant qui li. Ene jour nou alle poc nic ensemble. Li tape toi deux gros l’assiète pilau. Après li continué mange tout ce qui fine apporté. To ti a croire line mange assez, li dire ec so sœur :- Qui to ine cuit à soir. »
-« Si tou invite ça to ruiné. Plat au pain, li bisin ène dipain entier. Après li tape ène plat di riz li tou seul. Li pas cause beaucoup quand li manger. To a croire li pé faire ène travail important. »
-« So sœur qui vive are lire dire moi qui li énan cholestérol. Pli dire li arrête mangé pli li mange plisse ! »
-« Lot zourmo trouve li divin marchand gâteau. Li pé guette fritire ec gro lisié, sac dhol pourri dans la mian, gâteau piment dans la bouche. »

So sœur dire li pas capabe faire narien, li mangé dipi grand matin. Li pas arrêté.

-« Et ta, to pas croire li énan deux l’estomac ?

106. Le vieillard.

Oreste: Viens, nous allons partir et nous marcherons à pas lourds, courbés sous notre précieux fardeau. Tu me donneras la main et nous irons...-Electre: Où?-Oreste: Je ne sais pas; vers nous-mêmes. Sartre Jean Paul.

Un vieil homme prend son temps pour enter dans l’autobus. Les marches des autobus de Flic en Flac sont étroites abruptes et ne conviennent pas aux gens âgées et aux petits enfants. Rien n’est pourvu par les propriétaires pour améliorée le sort de ce type de passager. Le vieux bonhomme grimpe péniblement et ne reçoit aucune aide du receveur qui le regarde pourtant avec intérêt.
Ce vieux a sûrement de bonnes raisons de voyager, et semble souffrir avant de choir sur le premier siège, qui est censé être réservé aux handicapés et qui est, à mon avis, plus inconfortable que les autres.
Je jette un coup d’œil furtif pour découvrir des mains tremblotantes ridées comme des champs qui vont être ensemencées. C’est encore une victime de la maladie de Parkinson.
Il fait le geste de mâcher continuellement un chewing gum, comme le manager de l’quipe anglaise de football, Manchester United, quand son équipe est en difficulté, en perte de vitese.
Je ne peux m’empêcher de regarder le visage de ce vieux en essayant de deviner ce que sa vie aurait pu être. Un manuel, un gardien, un chauffeur, un caissier ?

Tremblotant, il garde ses secrets. Pourtant je vais entendre sa voix car deux femmes assises aux sièges opposées coincées à la cabine du chauffeur se sont mises à agiter des journaux en guise d’évantail.

-« Alla chaud ! . Zamais fine faire chaud coume ça !’
L’autre femme répond comme à l’unisson :

-«Mari Chaud mo senti moi touffé ! »

Le bonhomme qui a entendu, se retourne alors en direction de ses voisines, sur un ton de fausse colère.

-« Qui chaud ! Ou pas conné en décembre faire chaud. Mo pas touve narien pli chaud. L’année toujours pareil. L’été chaud. Mo fatigué tande dimoun plaigne la chaleur. Chaleut là li là, li normal ! »

Il se retourne à côté et semble somnoler. Les femmes interloquées par cette remarque restent coïtent.
Pour ma part j’ai un soupir de satisfaction.
Je suis moi-même énervé quand dans mon entourage on répète sans cesse qu’il fait plus chaud que d’ordinaire. Tous les ans c’est la même ritournelle. Faire chaud ! Faire Chaud ! Quand les gens se rencontrent c’est pour s’accueillir avec ‘Chaud ! Bien chaud ! C’est le seul sujet de conversation. On pense aux anglais qui ont pris l’habitude de dire ‘Lovely day !’
Contrairement au bonhomme j’ai pris l’habitude de ne pas répondre. Je dis à ma femme : Si l’on parle de chaleur je suis sourd et muet.

107. Confidences.

C'est aux inconnus que l'on parle toujours des choses les plus importantes...Chesterton. Gilbert Keith.

Il m’est arrive, ce matin une chose peu commune. Une dame d’un certain âge, sobrement vêtu et le visage empreint d’une grande tristesse, s’est tourné vers moi pour me parler.

-« Missié ou pas à croire gros gros chagrin qui mo pé charrié. Mo croire mo envie ploré c’est pourquoi mo pou cause are ou ? Ou oussi dans l’âge. Ou pou comprend. »

Je garde le silence, hôche a tête et la regarde dans les yeux. De grands yeux trop ouverts, des yeux de biche aux abois. »

-«Mo sorti l’hopital, cotte mo fine alle guette meo se lpiti, ène garçon trente ans. Li t pou marié dans deux mois. Li pas ti senti bien. Touzours fatigué. Docter fine faire moi vine ène côté et li dire moi
-« Mo énan le peine dire ou qui ou garçon énén ène gentre cancer licémie. So cas bien avancé. Mo pas croire nou capabe sauve li. Li capabe vive ène mois quiquefois dé mois. »
-« Mo fine senti moi ène coup écrasé. Mo ti capabe tombé. Docter faire moi assisé et li fine quitte moi. »
- Mo pas conné combien temps mo ine reste là. Mo ine réprend courage pou alle prend bis.
-« Mo ène veuve, mo pénan l’autre famille qui ça garçon là. Ene bon garçon, bien dous, mo dire ou. »

Je reste sidéré ne sachant comment faire face à une telle situation. La vie peut être parfois cruelle !
Comme elle se tait, je détourne les yeux. Je partage alors la douleur de cette femme. Je me retourne encore vers elle, touche légèrement son bras et lui dit la seule chose que l’on peut évoquer en ces moments.

-« Mette ou confiance dans bon Dieu et priè pou ou piti. Mo à faire mo issi ène la prière. »

La femme elle-aussi, me touche brièvement à la main. Elle ne parlera plus.
A l’arrêt de Bambous elle est descendue, m’a regardé avec son regard triste et m’a quittée avec mes émotions.

108. Les jeux anciens.



La jeune génération est très inférieure à la notre. Tout de même, si je pouvais en faire partie. G. Feydeau.

Au démarrage de l’autobus, nous voyons un adolescent qui joue au yo-yo devant une boutique. Il manie son yo-yo raisonnablement bien, mais n’a pas la technique avancée de nos joueurs d’antan. Je mes souviens que dans mon adolescence,,tous les jeunes jouaient au yo-yo. Il y a avait parmi eux, de véritables experts. Ils maniaient leur yo-yo dans toutes les directions. Le renvoyait tout à tour à droite, à gauche et même vers l’arrière.
Un homme assis non loin de mon siège fait une remarque à deux autres personnes assises à côté de lui.

-« Zoueurs yo-yo rare de nos jours.
Mais n’a pli trouve zènes joué canette ‘Sap si Wai’, ec Hula Hoop. »

Un des hommes fait un «Ouaie ! »

L’autre homme, plus jeune demande

-« Qui si ça, Sap si Wai.’

-« Sap si Wai éne boule avec ène huppe ou ène ti paquet plimes dans so boute. To faire li saute en l’air en remuant to cheville. Li passe li pied droite, li plié gauche. Là aussi ti enan ben grands zouers bien habiles. Zotte faire li sauté 200, quiquefois 300 fois. »
-« Hula Hoop, ène cercle en plastique qui faire vire virer lors la taille.
Femmes ti bien joué ec Hula Hoop. Zotte faire li doucement doucement monté ziqu’a licoup et descende en bas li pied. Zoli pou guetté. »

Ce genre de danse avec un cerceau en bois ou en plastique de plusieurs coloris. Elle est pratiquée par les jeunes et moins jeunes et imite la danse Hula des Hawaïens.
Les jeunes enfants ne savent pas jouer aux billes, même s’ils possèdent des boites de billes de toutes les tailles et couleurs. Ils possèdent trop de billes de nos jours. Il n’y a plus ce plaisir de se battre avec l’habileté voulue pour en gagner quelques-unes de plus.

Les billes ou canettes sont en pierre, en agate ardoise, en marbre, et le plus souvent en verre.
On joue avec deux doigts : le pouce et l'index, ce qui s'appelle caler. En créole ‘Faille patte !’ On ne joue qu’a deux. Le premier roule sa bille où il veut. Son partenaire lance la sienne. S'il touche l’autre bille il a gagné, il prend la bille de l’adversaire. S'il n'y touche pas l’autre lance sa bille et essaye de faire mieux.
Où sont donc nos jeux d’antan ?
C’est un monde ou les enfants ne se plaisent que devant la Tv, à voir des dessins animés, des récits de monstres et de géants féroces.
Les petites filles n’ont plus le désir de jouer à la poupée.

109. Pique so ourite.

Et je crois que Dieu pardonnera à tout le monde, sauf aux médiocres. Anouilh Jean.


Deux femmes concertent à l’arrière de mon siège. Des voix un peu criardes. On parle avec volubilité.
Je crois que ce sont ce que l’on appelle chez nous deux poissardes. Elles parlent de tout : Le pays, le temps la famille, les voisines, les histoires qui ne les regardent pas mais un sujet retient mon attention. Il s’agit du patron d’une des femmes.

-« Li enna ene ti busines. Fabrique mouchoir et li croire li ène grand patron. Faudrait guette li Toujours costimé, costime étoffe, cravatte, Li marcé comment dire ené plime dans so derrère. Au fond li ène médiocre, li ène nulle »

L’autre femme se régale et émet un petit son d’amusement..

-« To conné nou fine décidé dans travail pou pique so ourite. Nou pou alla dimande l’augmentation la fin l’année. Si li pas donné nou tout pou quitté, parce qui nou fine déjà décidé pou alle travaille ailleurs. »

Pique so ourite c’est le terme approprié pour des représailles ? On s’attaque à une personne qui le mérite. J’ai jeté un regard sur cette femme convaincu que les choses allaient bien se passer comme elle le prédisait. Un mini patron allait bientôt connaître la déconvenue. Il méritait bien que l’on ‘pique so ourite’

110. Mercredi-dimanche.

Quand nous étions locataires dans in campement à F en Flac, on y passait les jours de la semaine mais on revenait à Quatre Bornes dès le samedi matin afin d’éviter les grandes foules à la mer.C’était le bon termps.
J’ai hérité de ma famille le gôut des festivitées et surtout la bonne cuisine.
Le dimanche on des réunit en famille àprçs la Messe Après les apéritifs on se met joyeusement à table pour déguster un menu de quatre plats.
A Flic en Flac la semaine pouvait parâitre longue et devenir monotone. J’avais donc inventé une astuce en créant le mercredi dimanche. En effet chaque mercredi étaiot considéré comme le dimanche. La réunion dans la joie, les apéritifs le bon repas de plusieurs plats. Bref Un deuxième dimanche pour la mer.
Cette habitude, nous l’avons depuis conservée. Quand nous recevons les enfants et amis établis en Europe, ils sont ravis de profiter des mercredis dimanches.
Ce matin, en prenant le bus nous avons recontré notre vieille servante qui ne travaille plus chez nous mais aime venir nous rendre visite.

-« Bonzour Missié, madame. Pé alle Flic en Flac. Pas mercredi dimanche zordi ? »

Je lui ai dit que nous allions parfois le mercredi prendre le bain de mer avant de jouir de notre journée de festivité.


111. Le 30 décembre.

Ce qui paraît générosité n'est souvent qu'une ambition déguisée qui méprise de petits intérêts, pour aller à de plus grands. François de La Rochefoucauld.

L’homme qui revient des emplettes avec sa femme et deux grandes filles. Il se met dans le siège avant qui est réservé aux handicapés, ses filles à l’arrière et sa femme est descendue vers le bas de l’autobus. C’est la mésentente.

-« Li faire moi honté nec marcandé marchané. Li guette tout, ouvert tout, dimande prix, mais zamais prend narien. Marchand enan patience mais pas moi. »

La colère l’envahit et comme les filles ne disent rien et se mettent même à rire sottement, il ajoute :

-« Mo pou alle boire, mo fine plein ! »

Bien vite cependant, à mon grand étonnement, son ballon se dégonfle. Il se tourne vers les autres passagers de l’autobus et fait la remarque suivante :
-« Bisin conne pardonner. Alla la femme ! Et dire nou bisin zotte ! Pou mette bouton simize. »

Bon garçon, il se rétracte et s’en va s’asseoir plus bas à côté de sa femme.

112. Déluge.

Dans un examen, des gens qui ne veulent pas savoir posent des questions à des gens qui ne peuvent pas répondre. Raleigh.


Pluies diluviennes à la rivière Noire. Le chemin Jeffroy est innondé, le bus roule dans des mares jusqu’a Bambous.
Je n’ai jamais vu autant de pluie dans cette région. Pourtant, au loin la propriété Médine pratique encore l’irrigation aérienne. Je pense que cette région est mal irriguée et qu’il y a des possibilités d’inondations. les habitants du petit village, à l’entrée de Bambous vivent dans des cahutes bien basses et l’eau doit monter dangeureusement à la saison des pluies.Ces mêmes personnes qui habitent à côté du részrvoir de la Ferme s’entendent dire, année après années que le réservoir est plein à 10% seulement et qu’il faut économiser l’eau à cause de la sècheresse.
Le pays peut être vert, la végétation luxuriante. On parle que de sècheresse à la population. Si nos journalistes pouvaient étudier un peu mieux, la climatologie de leur pays !
Pour l’habitant de ce hameau, à coté de Bambous, toute réflexion est interdite. Il est innondé, mais c’est la sècheresse.
Petites et grandes misères du peuple.

113. Ti marmite.

Le 5 janvier 2003.

Quand on a fini de jouer soi-même les premiers rôles, on veut donner des leçons et diriger les jeunes acteurs! C'est le geste des adieux! Roussin André

Toutes les plages de Flic en Flac et Wolmar sont occupées par des gens venus des villes, la plupart des gens de petite condition. Beaucoup d’entre eux comme nous, sont venus par l’autobus et en repartent. La fête est finie. Avec la fin des festivités la nouvelle année va vraiment commençer.
Nous aviopns déjà presque le plein à la première plage publique, à côté du Four à chaud.
A l’arrêt de la seconde plage, près du noveau supermarché, une grande foule se presse pour avoir des places. Le bus a presque atteint ses possibilités de recevoir d’autres passagers, mais on y entre encore. Les gens sont debout et s’entassent le long de l’autobus. On ne va pas refuser des places et d’autres personnes encore vont entre paà d’autres arrêts. Je n’ai jamai vu autant de monde dans un autobus.
Coincé sur mon siège avec deux autres personnes, j’ai posé mes gros colis sur mes genoux comme les autres passagers assis. C’est une véritable cohue. Les gens parlent en même temps et ce n’est pas aujourd’hui que je vais pouvoir récolter des bribes de conversation. Je m’intéresse donc à se qui se passe à l’arrière. Dans les derniers rangs, les jeunes, avec leur enthousiasme et leur bonne humeur, ont apporté des instruments de musique. Un mini orchestre va se faire entendre.

Deux d’entre eux se mettent à chanter un séga.

-« Coq chanté Soleil levé.
Papa fien lévé quatre heures di matin, li pécher li alle gagne so la vie pou nourri so famille.
Coq santé soleil léve.
Oh ll la lile O la la la lilo O la la li lo le. La le li li la. »

Beaucoup de gens ont critiqué ces ségas qui se terminent inlassablement par des ‘lo li li lo lo,’ mais aujourd’hui c’est la tolérance.
Des garçons et des filles aiment bien la cadence de ces ségas, même si les paroles sont bêtes.
Accommodons-nous !
Je me penche vers l’arrière pour prendre une photo. Les musiciens m’ont vu et l’un d’entre eux dit :

-« Alla grand dimoun pé prend photo ! »

Je fais un salut et ils lèvent tous la main, et continuent de chanter. Plus fort que jamais.
Je crie ‘Ti marmite’, un séga chanté par des jeunes enfants comme une sirandane et qui me plaît.
Après un répit, une voix a entonnée :

-« Ti enan ène ti marmite. Ene ti poule noire ti danse la dans »

C’est parti ! Les jeunes vont s’enflammer, et avec l’accompagnement de l’orchestre, ils vont se défouler en chantant de vive voix ce séga.

-« Lève la main la haut, mette la main dans lé rein ! »

Je reprends ma place, me cale confortablement et laisse des pensées vagabondes m’envahir.

Je reagrde un instant les gens debout à côté de moi. Un visage épuisé et émouvant, un autre songeur, un autre isolé dans les pensées secrètes, un autre enfin d’une complète indifférence.
Je jette un regard dans la rue par la lucarne. Un grand nombre de voitures, dont beaucoup de groses cylindrées se faufille à la droite de l’autobus. Je distingue à peine le visage des occupants. C’est un autre monde.
Ce sera mon dernier récit, avant de présenter ce livre. Je ne peux m’empêcher d’éprouver une certaine mélacholie, un genre de nostalgie indéfinissable qui ne m »a pas laché pendant mes voyages par autobus.
Je ferme les yeux un bon moment. J’éprouve une certaine lassitude.
Le grand-père a besoin de repos.

A l’arrière, bruyante, la jeunesse s’amuse.

Table.

A. Introduction.
B. Flic en Flac et Wolmar.
C. L’autobus de Flic en Flac.
Introduction.
1. Le passager.
2. L’aguicheuse.
3. Les policiers.
4. Mauvais voisinage.
5. Le tatoué.
6. Les barrettes.
7. Le mauvais patron.
8. La langue hollandaise.
9. Différences de caractères.
10. Le salon de coiffure.
11. Le bon autobus.
12. Recherche d’un récidiviste dangereux.
13. Après le cyclone Connie.
14. Le marchand ambulant de la plage.
15. Le bus neuf.
16. A quoi pensent les enfants ?
17. L’artisanat.
18. Avortions.
19. Mauvais traitement en prison.
20. Créolie.
21. Enfants maltraités.
22. Exercices physiques.
23. Histoire banale.
24. Le chômage.
25. Le ‘Ga’
26. Les augmentations de prix
27. Silence.
28. La consommation et les consommateurs.
29. « Faire le pape honté. »
30. Les Tee Shirts.
31. Les visas pour voyageurs en Europe
32. Narcissisme.
33. Le rêve impossible.
34. Signe extérieure de richesse.
35. Une histoire de vol.
36. Dhol pourris.
37. Le menteur.
38. Célébrité et grandeur.
39. Sobriquets.
40. Enfants subissant des sévices sexuels.
41. Femme battue.
42. Femmes servantes.
43. Le patriotisme mauricien.
44. Misère des enfants au travail.
45. Syndicalistes et grève.
46. Les propriétaires d’autobus.
47. Exclusion.
48. Prier et prières.
49. Aller en prison.
50. La raclée.
51. Le business sauvage.
52. La distribution des couvertures.
53. L’affaire Kaya.
54. Discrimination
55. Emprunt.
56. L’environnement et le ministre.
57. Un salaud.
58. Politicien.
59. La Veuve.
60. Le sommeil dans l’autobus.
61. Le mari paresseux.
62. Sadam.
63. Ce qui ne va pas dans le monde.
64. Plaisirs corporels.
65. Petits métiers.
66. Hommes de bonne volonté.
67. Les hommes de loi.
68. Le chrétien revenchard.
69. La Foire des tissus.
70. Les fossettes.
71. Adoption.
72. Mèdecins.
73. Produits cuisine
74. La fin du monde.
75. Militant coaltar.
76. La rage de dents.
77. Le Tabardaine.
78. Manchestaire United.
79. Rôle social des riches.
80. Détection du stress dans l’autobus.
81. Scolarisation
82. La protection entre ministres.
83. Le contrôleur qui répète ‘descende avant.’
84. Les affiches.
85. Le métro léger.
86. Le Père Grégoire..
87. Les cyclones à la radio nationale.
88. Irréligion.
89. Les végétariens.
90. Elections bidon aux USA
91. La société de consommation
92. Les avocats.
93. La méchante femme.
94. L’hypocrite.
95. Geste bien féminin.
96. Famille ‘ta ler’, Famille ‘tout suite’
97. Les grandes familles.
98. Bibasse.
99. L’église d’Albion.
100. Les cadeaux de Noël.
101. Le cerf volant.
102. Snobisme.
103. Ton Joseph et les chevaux.
104.L’ivrogne.
105. le gourmand.
106. Le vieillard.
107 Confidences.
108. Les jeux anciens.
109. Pique so ourite.
110. Mercredi-dimanche
111. Le 30 Décembre.
112. Déluge.
113. Ti marmite.