samedi 3 décembre 2011

Le bon vieux temps. Regrettons homards et camarons

La fin des homards à Maurice
Sténio Félix.



C’était bien le bon vieux temps ! J’avais 10 ans en 1935. L’ile avait moins de 40000 habitants. Il n’y avait certes pas de Télévision de radio d’autoroutes mais la mer fourmillait de bons poissons et de fruits de mer. Les poissons délicats comme la Dame Berry, le Capitaine, la Gueule pavé, la  vieille rouge, que l’on péchait en grande quantité se trouvaient partout dans les marchés.  Parmi les les fruits de mer les homards, les langoustes et les crabes se vendaient à la criée dans les rues des villes.  Les crevettes, calamars et poulpes, l’ourite  formaient les menus des classes les plus défavorisées.

Plusieurs poissonniers sillonnaient la rue ou nous habitions. Quand le vaste panier du marchand était exhibé sur les perrons de la varangue, ma mère se montrait difficile dans ses choix.

Un gros homard était choisi pour Rs 10 ou 15.  Les enfants dans le coin de la varangue rassasiés de bonne chose, se disaient ‘Encore homard !

C’est inouï de constater que nous avons vécu cela pendant des années. Plus tard quand  j’avais 20 ans en 1945, il y avait toujours la même abondance de fruits de mer . Au campement de Post Lafayette mon beau frère Roland aimait en acheter plusieurs homards ou langoustes pour ses gajacs pendant qu’il buvait son rhum. Nos enfants en bas âge en ont alors profité .

Encore plus près de notre temps, quand j’avais 30 ans en 1950, on en consommait toujours pour un prix un peu plus élevé. Il y avait encore le poissonnier ambulant. Quand j’ai eu 50 ans en 1970, les fruits de mer devenaient ses mets plus recherchés. Le homard s’étalait encore en grande quantité dans les marchés. Il n’y avait plus de poissonniers ambulants. La langouste se vendant a environ 75 roupies la livre.

Quand j’ai étrenné mes 60 ans en 1985 j’avais encore l’option de me procurer une langouste pour Rs 150 la livre.

On  avait pris l’habitude d’en consommer que pour Pâques, Noel et le Nouvel an. Le camaron du pays se vendait encore en quantité suffisante.

A l’age de 70 ans en 1995 les homards et camarons prenaient plutôt le chemin des grands hôtels. Je pouvais rarement dénicher sur les étals du marché de petits spécimens moribonds pour Rs 150 la livre, que j’exhibais avec fierté dans ma cuisine.  On en achetait régulièrement pour les enfants en visite à Maurice. Ij fallait certes en trouver à tous prix ’Pou pas blié so gout’

Maintenant que j’ai 85 ans la source s’est tarie. Même la queue de langouste importée d’Argentine pendant la saison des fêtes a disparu des supermarchés.

C’est triste que dans cette île, la nouvelle génération ne connait  même pas le goût raffiné du homard et de la langouste ?

Les nantis  du pays ont  bien la  grosse voiture BMW, la grande maison en bloc de clment, mais pas de homard. On se contente du poulet Chantecler , des saucisses à la saveur  douteuse, du thon et des conserves de poisson . Si on voyage en Europe ou ailleurs c’est  de nos jours la même pénurie mais on peut toutefois s’en procurer très peu a un prix prohibitif.

Ici tout ce que l’on pèche va vers la cuisine des grands hôtels pour touristes riches.

Les homards la langouste, les gros camarons du pays ? On en pense avec nostalgie. Du moins les vieux et vieilles  de ma génération. Nous n’avons simplement la faculté  que de revoir nos vielles photographies de cuisine d’antan de la famille en soupirant !